L’affaire Stavisky, une crise politique et économique, survient après le décès suspect d’Alexandre Stavisky, le 8 janvier 1934. Ayant été arrêté pour fraude quatre jours plus tôt, on s’aperçut qu’il avait joui de la complicité de dignitaires municipaux. S’il semblait avoir été assassiné, c’est le suicide qui fut retenu. Tout le régime politique sera alors soupçonné de corruption et des émeutes antiparlementaires eurent lieu le 6 février de l’année suivante.
Alexandre Stavisky fut retrouvé mort dans son chalet « Le vieux logis », près de Chamonix. Alors que la police était en train de pénétrer dans la maison, un coup de feu retentit ; elle trouve Stavisky gisant, tué d'une balle dans la tête, serrant un revolver dans sa main. Escroc notoire, Stavisky est impliqué dans une série d'affaires dont la plus célèbre est celle du Crédit Municipal de Bayonne, qu'il avait fondé avec le député-maire de la ville, sous le pseudonyme de Serge Alexandre. Il réussit à dérober plus de 300 millions de francs à la banque et à bénéficier de la protection de certains politiques. Localisé à Chamonix dès le 2 janvier, ce n'est pourtant que le 8 que la police se décide à l'arrêter et le trouve mystérieusement mort. Suicide ou assassinat ? Le mystère demeure. Son étrange mort provoqua une crise politique : le gouvernement de Camille Chautemps dut démissionner laissant la place à Daladier. Et le Canard enchaîné titra : « Stavisky s'est suicidé d'une balle tirée à 3 mètres. Ce que c'est que d'avoir le bras long ».
Quand l’affaire Stavisky ébranlait Bayonne
Le 17 janvier 1936 s’achevait le procès Stavisky, neuf hommes politiques étaient condamnés, dont le député-maire de Bayonne, et onze autres acquittés. Cette affaire avait provoqué une énorme commotion dans notre région, indépendamment de l’indignation générale qui avait étreint tout l’hexagone et provoqué à Paris une énorme manifestation, réprimée dans le sang…
Cette énorme escroquerie, inscrite dans l’insouciance générale des Années Folles, avait atteint son « apogée » autour du Crédit Municipal de Bayonne avec pour principal protagoniste Stavisky qui paya de sa vie ses incessantes manipulations financières : le 8 janvier 1934, il était retrouvé mort dans un chalet près de Chamonix.
Depuis la fin des années vingt, les scandales succédaient banqueroutes, depuis l’affaire de Marthe Hanau, la banquière qui avait ruiné des milliers de clients, jusqu’à la faillite frauduleuse d’Albert Oustric, petit-fils d’un cafetier de Carcassonne et joueur de poker invétéré. Et c’est à la veille de Noël 1933 qu’éclatera l’affaire des bons d’emprunt émis par le Crédit municipal de Bayonne aboutissant à une perte sèche de 240 millions de francs pour l’établissement. L’arrestation de son directeur, Gustave Tissier, précédera celle du maire de la ville, Joseph Garat. Le scandale submerge la côte basque. En réalité, Tissier n’était que l’homme de paille du cerveau de l’escroquerie, un certain Stavisky.
Le « beau Sacha »
Beau parleur, marié à un ex-mannequin de Chanel et jouant de son talent de séduction, c’était le fils d’un prothésiste dentaire de la communauté israélite_polonais d’Ukraine où il était né. Arrivé à Paris à l’âge de 12 ans, il avait multiplié toutes sortes de filouteries. A l’été 1909 - il a 23 ans -, ce sera le scandale des Folies Marigny dont il ne remboursera jamais la location pour un spectacle « raté » ! L’avocat Albert Clemenceau, frère de Georges, limite les dégâts à quinze jours de prison et 25 francs d’amende. Suivent vingt ans de trafics en tout genre. Bijoux, voitures, chèques falsifiés, faux bons du Trésor. Et des femmes qui l’entretiennent et qui finissent souvent ruinées.
En avril 1926, il est poursuivi par deux agents de change pour avoir dérobé des titres mais il réussit à s’échapper du bureau du juge d’instruction en passant par les toilettes attenantes. Repris par la police au bout de quatre mois de traque et expédié à la Santé, puis transféré à Fresnes pour raison médicale, Stavisky sera libéré en décembre 1927 sans avoir jamais été jugé. Et de recommencer de plus belle ses douteuses opérations financières : devenu “M. Serge Alexandre, administrateur de sociétés”, il fait main basse sur le Crédit municipal d’Orléans avec la complicité du directeur. L’établissement reçoit d’abord des bijoux en gage, qui sont systématiquement surévalués par des experts. Puis, Stavisky remplace les vrais bijoux par des faux qui sont ensuite restitués aux emprunteurs, tandis que les vrais sont vendus à bon prix ! Et, pour arrondir les gains, le recours à des faux bons de caisse permet de gruger des centaines de gogos. Ainsi, pendant trois ans, ce sont 70 millions de francs de bons fictifs qui seront émis.
Début 1931, Stavisky est dénoncé et doit rembourser rapidement les porteurs de bons afin d’éviter un nouveau séjour en prison. Reparti pour d’autres aventures, il gagne la côte basque où il passe ses vacances chaque été en compagnie de son épouse. Entre autres à La Roseraie, le palace construit pendant les Années Folles en face du château d’Ilbarritz à Bidart. Se liant d’amitié avec le député-maire de la ville, Joseph Garat, élu depuis 1924 sur la liste d'union des gauches, il le convainc en septembre 1931 de créer, sur le modèle de celui d’Orléans, un mont-de-piété qu’il fera diriger par le dévoué Gustave Tissier : la nouvelle arnaque se met en route.
La dernière affaire de Stavisky
En fait, Stavisky opère toujours de la même façon : il crée des sociétés dont la seule justification est d'obtenir de l'argent des banques (un bijou valant 1 500 francs est estimé 600 000 francs lui permettant d’obtenir un prêt de 500 000 francs). Et, pour combler le gouffre qui se creuse, l’émission de bons de caisse. Le Crédit municipal de Bayonne encaisse ainsi quarante millions en 1931, cent millions en 1932. Et pour se défendre devant les tribunaux, il prend de grands noms du barreau et place dans les conseils d'administration quelques personnages aux titres ronflants : généraux ou préfets en retraite, diplomates... Les prêts obtenus servent à boucher les trous des autres entreprises, à désintéresser quelques plaignants agressifs, mais surtout à mener grand train avec sa femme ; les bons du Crédit municipal de Bayonne lui rapportèrent plus de 160 millions, qu'il engloutit aussitôt dans de nouveaux projets, entre autres, l’affaire des propriétaires hongrois spoliés par le traité de Versailles en 1919 et dont les indemnités lui offriront matière à spéculer, en particulier grâce au député Bonnaure, radical-socialiste comme Garat, et dont il finançait les campagnes électorales. Spéculations qui absorbent pour une bonne part le fruit des bons émis par le Crédit municipal de Bayonne qu’il ne peut renflouer.
Le pot aux roses est découvert au bout d’un an, en décembre 1933, lorsqu’un receveur des finances vient contrôler l’établissement : son directeur Tissier avoue que 239 millions de francs ont été extorqués aux épargnants à l’aide de faux bons de caisse ! Alors que les notabilités défilent devant le juge d'instruction bayonnais d'Uhalt, Tissier est conduit à la Maison d’Arrêt au quartier Saint-Esprit, suivi bientôt du maire Joseph Garat dont certains journalistes affirment « qu’il est méconnaissable, effondré et pleure souvent. Il a du chagrin ». D’où, selon la rumeur, le nom de « Villa Chagrin » attribué à la prison.
Stavisky, lui, est en cavale jusqu’à ce coup de théâtre du 8 janvier 1934. Alors que les enquêteurs investissent un chalet de Chamonix où il s’est réfugié, ils découvrent un homme quasi mort. Stavisky décède quelques heures plus tard. Suicide ou assassinat ? Très vite, c’est la seconde hypothèse qui prévaut. Le Canard enchaîné titre à la une: « Stavisky s’est suicidé d’une balle tirée à trois mètres. Ce que c'est que d'avoir le bras long ! » Débute alors le plus important scandale de la IIIe République, au centre duquel se trouve un truqueur de génie, qui a passé toute sa vie à monter des coups, toujours protégé par les plus hauts personnages de l’État. L’étrange mort de Stavisky provoquera une crise politique : le gouvernement de Camille Chautemps se verra contraint de démissionner pour laisser place au cabinet Daladier, sur fond des émeutes du 6 février 1934.
Quant à Joseph Garat, il sera condamné à deux ans de prison par la Cour d'Assises de la Seine après un sévère réquisitoire : « Sans l'aide de Garat, député-maire de Bayonne, l'escroquerie de Bayonne qui est la pièce maîtresse de l'entreprise Stavisky aurait été impossible, Garat porte toute la responsabilité de cette affaire, depuis la constitution du crédit municipal de Bayonne jusqu'au moment où éclata le scandale fin décembre 1933... Garat demeure donc un des plus gravement coupables et jamais culpabilité n'a été mieux établie contre un homme qui, après vingt-cinq années de vie publique irréprochable, n'a pas craint de compromettre la dignité de ses fonctions de maire et de député de Bayonne et de trahir la confiance que ses concitoyens avaient mise en lui ». Garat mourra huit ans plus tard, oublié, à Bayonne.
Stavisky à l’« époque bayonnaise »