Dans notre dernière « Lettre du Pays Basque » (du 1er mai 20), nous avions publié la première partie d’un entretien avec l’Archiduc Christian de Habsbourg-Lorraine, familier du Pays Basque et dont le père, l’archiduc Charles-Louis d'Autriche (1918-2007), avait été élevé dans son enfance, avec ses frères et sœurs, à Lequeitio, sur la côte biscaïenne (notre chronique historique « Zita, la dernière impératrice d’Autriche, au Pays Basque »). Voici maintenant la deuxième partie de cet entretien, en prélude à une future venue de l’Archiduc dans notre région. Nous remercions particulièrement Guillaume d’Alançon, directeur de la communication d’ Aliter invest,
grâce à qui nous avons pu le réaliser.
- Alexandre de La Cerda : Monseigneur, la semaine dernière vous nous rappeliez les liens étroits qui vous unissaient au Pays Basque, et nous étions heureux de découvrir qu’ils sont encore bien vivants…
Archiduc Christian de Habsbourg-Lorraine : Oui, même si un certain éloignement m’empêche de rejoindre votre belle région aussi souvent que je le voudrais.
- ALC : Mais revenons maintenant sur ce qui fait le cœur de votre engagement, je pense surtout à votre vie professionnelle. Quelle activité exercez-vous ?
ACHL : J’ai la satisfaction depuis 30 ans de pouvoir travailler dans un domaine où je peux faire coïncider convictions et métier. En 1990, j’ai cofondé une société de conseil en patrimoine, Multiplus finance S.A. www.multiplus.ch dont le but est pluriel. Il s’agit tout d’abord d’aider nos clients à renforcer leur maîtrise sur leurs propres avoirs afin de les aider à optimiser leur gestion patrimoniale, qu’il s’agisse de la qualité des services ou de l’amélioration des performances, ou de la baisse des frais... Nous veillons aussi à la maîtrise des coûts qui est, comme vous le savez, également essentielle pour pouvoir prendre de bonnes décisions.
- ALC : Je vous le confirme, c’est un sujet sensible, y compris dans le journalisme !
ACHL : Je veux bien vous croire. C’est la raison pour laquelle nous prenons très au sérieux cette responsabilité de protection de nos clients et de contribuer à faire fructifier leurs biens, qu’ils aient été reçus par héritage ou durement gagnés.
- ALC : Les questions pécuniaires sont toujours très sensibles…
ACHL : Oui, on touche à ce qui est très personnel ; aussi nos relations doivent-elles être basées sur une vraie confiance, beaucoup de respect et une culture de confidentialité.
Sur la base de cette confiance, nos clients (entrepreneurs, famille, fondations, congrégations, fonds de prévoyance…) nous donnent accès à l’information nécessaire afin nous puissions suivre en continu le travail de leurs gestionnaires.
Cette surveillance professionnelle procure aux clients une transparence et donc une vraie sérénité. Chose qui n’est pas évidente en ce moment, avec tout ce tumulte que nous vivons.
- ALC : Au Pays Basque, on a un sens aigu du patrimoine et la question de la transmission est un réel souci pour beaucoup.
ACHL : Je comprends bien ce devoir que nous avons tous de gérer efficacement notre patrimoine, non seulement pour le bien des générations présentes, mais aussi pour le transmettre à celles à venir. Celles que nous servons présentent chacune une situation unique qui nécessite du sur mesure. C’est me semble-t-il la force des petites structures comme la nôtre que d’avoir cette capacité de s’adapter en tous points aux besoins réels.
Notre système de consolidation performant nous permet un contrôle rigoureux et en détails sur les patrimoines financiers et immobiliers (identification des erreurs, omissions, retards, coûts invisibles, améliorations potentielles…) mais nous offrons aussi des analyses pointues et des conseils permettant à nos clients d'obtenir toutes les informations nécessaires leur permettant de prendre leurs décisions stratégiques en connaissance de cause.
- ALC : Vous devez avoir du travail en ce moment !
ACHL : Oui, beaucoup ! La crise sanitaire avec les conséquences économiques et financières que chacun connaît, est lourde de conséquences. Plus que jamais, nous sommes sollicités pour venir en aide à ceux qui veulent gérer prudemment leur patrimoine d’une façon qui est plus en cohérence avec leurs convictions et dans le souci du bien commun. Il y a tout juste un an, et à la demande de nos clients, nous avons initié un fonds d’investissement à très haute valeur ajoutée éthique (*) qui rencontre un beau succès. En effet, comme d’autres, nous réalisons que plus les investissements mettent « l’homme » au centre de leurs préoccupations et sont soucieux du respect de la dignité humaine et de la Création, plus ils sont, non seulement durables, mais aussi rentables ; et ce n’est pas une fable ! Certes, la crise que nous vivons n’est pas sans impact, mais les chiffres montrent que ce type d’investissements réussit à atténuer la violence du choc.
- ALC : L’éthique est un mot très galvaudé je trouve. Au nom de l’éthique ne défend-on pas un peu tout et n’importe quoi ?
ACHL : Vous avez raison, c’est un de ces mots auquel on applique des définitions bien différentes. Et pourtant il a un sens très profond.
Lorsque vous regardez les étymologies du mot « éthique », concept encouragé partout, et du mot « morale » qui est plutôt rejeté, elles sont quasi identiques. En grec, en latin, tous deux désignent l’ensemble des manières de vivre des hommes, leurs règles de conduite, la conception du bien, du juste et de l’accomplissement humain, de son épanouissement.
Les dictatures du XXème siècle ont eu l’art de modifier le sens des mots (tels que « liberté », « démocratie »…) pour conforter leurs systèmes qui bafouaient ces concepts. Nous en savons quelque chose, par exemple, dans ces régions d’Europe centrale qui nous sont si chères. Sous couvert d’éthique, de liberté, que de crimes et d’abus n’a-t-on pas commis…
Aujourd’hui, dans notre monde chargé de relativisme, chacun peut donner à « l’éthique » le sens qui lui plaît. On entend souvent : « c’est mon éthique, ma définition, ma liberté » et pas celle du voisin.
- ALC : Pouvez-vous préciser un peu votre pensée, particulièrement en lien avec vos activités professionnelles ?
ACHL : Volontiers ! En nous appuyant sur un réseau sophistiqué de sociétés de notations et d’analyses, nous pouvons établir des « univers d’investissements éthiques » qui respectent les valeurs souhaitées par un nombre croissant de personnes et d’institutions. Il y a des critères d’exclusion : écartant les secteurs qui portent atteinte à la dignité de la personne, à la vie, aux secteurs d’addictions, aux armes controversées et interdites par les Conventions d’Oslo et d’Ottawa, et il y a des critères qui visent à promouvoir. Je m’explique : nous ne vivons pas dans un monde parfait, il nous faut être réalistes ; au lieu de choisir trop souvent les sociétés les plus grosses, les plus profitables, il faut aussi encourager les entreprises qui font le plus d’efforts, par exemple dans la transition vers les énergies propres, une meilleure prise en compte des besoins des employés et de leurs familles, un plus grand engagement social…
En fait, nous essayons d’encourager et soutenir une « écologie humaine intégrale »: la préservation de la nature, souci de la dignité de chaque personne humaine, soutien à une économie et un monde financier plus conscient du fait que « l’homme » est sa valeur première.
C’est pourquoi, avec mon fils Imre, nous avons aussi créé la société Aliter invest
www.aliter-invest.com
qui aide nos clients à effectuer une transition éthique au sein de leurs patrimoines, qui identifie des opportunités d’investissements éthiques au sens évoqué précédemment.
Les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) proposés dans les nombreux produits ISR représentent déjà un progrès. Mais nous pensons que l’on peut aller plus loin. Nous croyons que l’on peut vraiment conjuguer avec succès : éthique authentique, efficacité et rentabilité.
- ALC : En conclusion, Monseigneur ?
ACHL : Je me réjouis que de plus en plus de personnes considèrent l’importance de ces questions primordiales. La crise que nous vivons doit marquer une étape dans cette maturation à laquelle nous sommes tous appelés. Les nombreux drames et deuils ont également vu se manifester les plus belles solidarités, les actes de courage, de services, de dons même de vies pour les autres.
Ils sont nombreux celles et ceux qui affirment déjà « Plus jamais comme avant, nous voulons remettre nos priorités en ordre, agir et vivre en nous basant plus sur ce qui est essentiel ». Tout ceci est riche de promesses pour l’avenir !
Permettez-moi une réflexion personnelle d’un tout autre ordre ! Le Président français a plusieurs fois parlé de « guerre » contre ce virus.
Dans l’histoire, après chaque conflit, il y a eu une réaction extraordinaire des peuples éprouvés. Il y a toujours eu de nombreuses naissances. La meilleure réponse à la mort, n’est-ce pas la vie ? Les jeunes parents qui décideraient cette année de concevoir un enfant enverraient un puissant message de confiance et de foi en l’avenir et ces enfants, dans 10-15 ans, pourront déjà dire : « nous sommes les preuves vivantes que nos parents, malgré l’angoisse et l’incertitude, ont eu foi en l’avenir de l’Europe et du monde et qu’ils comptent sur nous pour continuer à œuvrer pour le bien commun de nos sociétés humaines avec de belles et profondes convictions… »
(*) Pour plus d’information sur ce fonds « Global Investors Ethica Balanced » : www.aliter-invest.com
Légendes :
1 l’archiduc Christian et son épouse Marie Astrid de Luxembourg
2 l'archiduc Imre de Habsbourg-Lorraine, cofondateur d'Aliter Invest avec son père, l'archiduc Christian