A l'heure des centenaires en vue de l'Action Catholique version ouvrière de 1925 du Mouvement incarné par cette filiation, se pose l'origine de notre propre identité. D'où venons nous ? Catholiques du siècle écoulé,
Depuis les papes du XIX ème siècle, Pie IX, Léon XIII, Pie X un mouvement sociétal profond traverse l'Eglise catholique en recherche de ses propres racines sociales, dans une société civile divisée entre cathos d'un côté d'obédience royaliste et cathos sociaux en quête de leur identité.
En 1900, on disait déjà "catholiques parce que sociaux" dans les cercles dirigeants d'un mouvement en cours de germination.
"Au delà de la fondation en 1925 de l'Action Catholique Ouvrière et le long des décennies qui suivront le mouvement social prendra son essor s'identifiant aux milieux sociaux différents, agricoles, maritimes, indépendants, étudiants...composant à terme un réseau de près de 80 Organisations catholiques dans le paysage national français."
Il s'agissait selon la hiérarchie romaine à la commande d'un tel programme, d'encourager "la prise de responsabilité des laïcs dans la gestion missionnaire de l'église".
Un thème cher au pape Léon XIII, la question sociale, de ces Choses Nouvelles de la société civile des chrétiens immergés dans la vie commune avec le monde environnant.
L'ACJF- Action Catholique de la Jeunesse française issue du siècle précédent en porte les germes.
Dès 1927 les messages fusent : "le meilleur apôtre de l'ouvrier est l'ouvrier lui même", "on ne lésine ni sur les ambitions ni les perspectives missionnaires dévolues à cette jeunesse envoyée en terre de travail et pour épouser la condition sociale du milieu concerné et le projet d'évangélisation porté par chacun."
Il est convenu que l'engagement sera social et civil dans une société où la contestation bruisse contre les cathos inféodés au pape romain, ou contrée de l'intérieur par des franges politiques françaises aux accents anticléricaux affichés depuis les lois de séparation Eglise/Etat encore bien présents dans les mémoires de ces années 1910 et suivantes.
Pour entrer dans la logique d'une Action des catholiques dans la vie sociale reconnue à l'Action catholique en pleine autonomie vis à vis de la hiérarchie catholique romaine et française, des horizons d'échanges compliqués demeurent. Qui de la hiérarchie, qui dans les mouvements d'action catholique en pleine croissance s'aviserait à prendre des libertés d'entreprise sans quelques concessions de chaque part assurant l'autonomie de chacun ?
l'ACJF pensé en 1886 par de Man décrivait la devise du mouvement catholique en trois termes imbriqués, les devoirs de "piété, d'étude et d'action".
De grandes Institutions comme les syndicats chrétiens, les Semaines Sociales, les Secrétariats sociaux, l'Apostolat des laïcs verront le jour d'une telle vague de fond encouragée par les uns, au sein de l'épiscopat, ou craints par la hiérarchie comme bien peu dociles aux mandements religieux et moraux du magistère.
1900 marque le passage d'un temps précédent au siècle qui prépare "la confrontation sociale de mondes parallèles et socialement absents dans leurs échanges"
"La révolution industrielle en cours a creusé des fossés profonds entre bienfaisants et bien pensants de la société dirigeante, paternaliste et charitable au bénéfice des ouvriers ou des manants et des générations neuves animées par un désir d'indépendance et de liberté."
On l'appela la classe ouvrière, ou celle des actifs actionnant des machines, faisant leur travail en continu, productifs et contraints de le faire à la demande, dans une société jusque là agraire devenue ouvrière, laborieuse et en usine
On parlait d'une rhétorique jusque là absente, de pouvoir temporel et de pouvoir spirituel, de la part de ces actifs conviés pour l'essentiel à produire des biens avant quelque autre précaution de langage à disserter sur le sens de leur travail
L'expérience du Sillon de Marc Sangnier est intéressante.
Le monde agricole connaît cette mutation profonde dans un univers passablement soumis aux contraintes sociales d'une hiérarchie paternaliste et autoritaire. Les paysans s'émancipent et le scandale est patent.
L'horizon des contestations, des changements d'us et coutumes du travail agricole modifient les règles.
Avoir des droits, pouvoir disposer du droit de propriété, quitter le statut des métayers pour celui de propriétaire de son outil de travail, changeront les usages.
Les mouvements d'action catholique naissant au fil des décennies de l'année 30 et suivante : JOC, JAC, JEC, JIC, JMC Jeunesse maritime catholique voient le jour.
Le dialogue avec la hiérarchie papale selon les papes et l'évolution des esprits en cours est palpable.
Pie XI veut en son temps restaurer l'Action catholique comme un mouvement de spirituels catholiques, pour d'autres militants soucieux l'engagement social est prioritaire sur la mission d'église, Aux uns une opportunité de vivre et de croiser une expérience sociale et d'âge au sein d'un mouvement animé principalement par des prêtres aumôniers, en ces années, aux autres un vouloir impliquer cette jeunesse dans des missions religieuses explicites parmi d'autres courants sociaux tels le mouvement communiste qui ne cache ses intentions ni ses ambitions.
Le devise précédente fera place à celle de "voir, juger, agir", ce qui somme toute diffère de "la piété, de l'étude et de l'action," mais ne renie la première qui permit d'entreprendre une mission plus militante que précédemment.
A l'aide de cours du soir, de revues propres pour chaque organisation et selon les milieux sociaux concernés la jeunesse en France approchée par l'AC découvre ainsi l'existence de sa propre individualité capable de gérer désormais son autonomie spirituelle au sein de l'église et dans la vie sociale.
Aux uns le goût de la lutte de classes, de camarades rencontrés au travail ou lors de manifestations de rue moins confidentielles, aux autres le désir de s'émanciper par son travail intérieur et sa vie spirituelle, la cohabitation de deux jeunesses engagées se fera bon an mal an dans des circonstances variables selon les époques.
Pour ceux qui croient au ciel et ceux qui croient à la terre et à la camaraderie co-fraternelle les avis seront partagés
De grands penseurs théologiens de l'église de ces années après 1930, Congar, Chenu, de Lubac, dominicains et jésuites prendront part à ces débats sociétaux et religieux d'importance lors du Concile Vatican II.
Certains entreprendront des débuts notoirement publics et rendus publics avec des penseurs marxistes tels Roger Garaudy sur la question sociale...
Il en ira de la jeunesse française investie sur le terrain syndical ,politique, social plutôt à gauche et au centre démocrate et chrétien.
Non sans crises parfois profondes, telle le temps de la Seconde guerre mondiale où ces jeunes militants de l'action catholique arboreront des appartenances distinctes pétainistes pour certains, réfractaires pour d'autres, non sans incidence sur la vie des organisations religieuses.
Puis la guerre d' Algérie viendra à son heure et son lot de difficultés inhérentes aux appartenances idéologiques de chacun.
Dans des années 80 pour une Pratique Chrétienne de la politique, Rapport porté par Mgr Matagrin, la question demeura prégnante.
Les tentatives de collusion avec le mouvement ACO et Communiste se laissent deviner. Les avis sont tendus, et les craintes demeurent.
A la mystique religieuse des jeunes cathos répond l'engagement militant et politique décomplexé des marxistes avec cette réserve prudentielle propre à l'action catholique "de ne jamais se confondre avec un mouvement politique" mais d'épouser des pensées politiques ou les défendre sans les absolutiser dans l'engagement personnel !
Maritain rappelait la distinction "agir en chrétien ou en tant que chrétien" ? Une nuance de sens qui se perdit avec la diminution du mouvement social inféodé au fil du temps à des organisations syndicales ou politiques, et qui lors de la crise générale de 1956 et la fin de l'ACJF perdit de son rayonnement antérieur.
L'Action catholique aurait- elle fait place lors du Concile Vatican II à la ferveur spirituelle et mystique d'une pensée ecclésiale revue dans le giron de l'institution? Il semblerait que le Concile rappela le sacerdoce commun des fidèles avec les clercs, un sujet de Synodalité bien actuel !
Une génération nouvelle de l'après 1969 fit éclore un horizon tourné vers des courants charismatiques et de spiritualité venus d'Amérique nouveaux.
Le pape Paul VI y fut favorable.
D'autres papes comme Jean Paul II ne cachèrent leurs engagements syndicaux et sociaux comme en Pologne autour de Waleja.
Le pape François définit son monde sensible aux pays de l'ancien tiers monde devenu pays émergeants d'un sud global ?
La question sociale est patente à chaque époque, la nôtre n'en réchappe.
Les mouvements d'Action Catholique en France assurèrent il y a un siècle une telle mission importante, de mise en réseau social des classes et milieux distincts et peu habitués aux échanges entre eux.
Ont-ils été remplacés ? Auraient-ils encore aujourd'hui quelque légitimité à se restructurer entre eux, pour garantir le bien commun d'une société qui unirait et fédère ses énergies plutôt que de les opposer entre elles ?
Une question sonnante bien à propos !