Communiqué de l’Académie des beaux-arts, Institut de France
20 décembre 2023
Réunis en assemblée plénière ce mercredi 20 décembre, les membres de l’Académie des beaux-arts ont poursuivi la discussion engagée lors de la séance du mercredi 13 décembre au sujet de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
L’Académie des beaux-arts tient à saluer l’annonce faite par le président de la République, le 8 décembre dernier, de l’ouverture d’un musée consacré à la cathédrale au sein de l’Hôtel-Dieu. Ce musée d’histoire et d’art constituera un premier acte contemporain de création autant qu’un indispensable lieu de conservation des œuvres et d’accueil du public.
Les membres de l’Académie ont estimé qu’il était naturel que la création contemporaine prenne toute sa place à Notre-Dame, à l’instar du nouveau mobilier liturgique qui sera installé lors de la réouverture, dans un peu moins d’un an maintenant.
Ils considèrent néanmoins que l’intervention d’artistes d’aujourd’hui ne saurait se faire au prix de la dépose de décors existants. En particulier, ils s’inquiètent que l’annonce de la tenue d’un concours pour la création de vitraux contemporains, dont ils soutiennent le principe, porte sur le remplacement de verrières non figuratives imaginées par Viollet-le-Duc. L’architecte avait voulu, dans les chapelles, un effet de lumière qui contribue à l’équilibre de cette création. L’incendie a épargné ces verrières.
L’Académie des beaux-arts souhaite que d’autres emplacements, à commencer par l’espace de la Tour nord, intégrés au circuit de visite du public, puissent être envisagés pour cette commande de vitraux contemporains. Ainsi, ce projet viendra embellir davantage encore ce patrimoine et marquer de manière symbolique la nouvelle vie de la cathédrale.
Note du rédacteur :
Le site des monuments historiques sur le Ministère de la Culture précise : « entre 1855 et 1865, Jean-Baptiste Lassuset Eugène Viollet-le-Duc firent réaliser un décor vitré qu’ils souhaitaient le plus respectueux possible des traditions médiévales. Le programme fut donc composé de vitraux à grandes figures pour les baies hautes du chœur, de vitraux légendaires pour quelques chapelles et de verrières en grisailles pour le reste de l’édifice.
Les architectes s’entourèrent des meilleurs peintres verriers, dont certains comme Charles Laurent Maréchal dit Maréchal de Metz (1801-1887) ou Eugène Oudinot (1827-1889), véritables pionniers de la redécouverte de la peinture sur verre, étaient tous parvenus à la maturité de leur art.
Pour ces nouveaux vitraux, Lassus et Viollet-le-Duc s’appuyèrent sur des écrits évoquant les verrières disparues et trouvèrent leur source d’inspiration dans les relevés de fragments anciens conservés ainsi que sur les vitraux en place dans d’autres édifices comme la Sainte-Chapelle ou la cathédrale de Chartres.
L’habileté des architectes fut de réussir à placer côte à côte des œuvres de sept artistes différents, sans que l’on puisse constater aucune disharmonie entre elles. Le choix comme cartonnier, pour la plupart des verrières, du peintre Louis Charles Auguste Steinheil (1814-1885), fin connaisseur du vitrail médiéval pour avoir participé à des chantiers de restauration, contribua certainement à renforcer l’unité de style ».
Pétition lancée par La Tribune de l'Art
Le chef de l’Etat a décidé de remplacer les vitraux de six chapelles sur sept du bas-côté sud par des créations contemporaines, après l’organisation d’un concours.
Les vitraux de Notre-Dame conçus par Viollet-le-Duc l’ont été comme un ensemble cohérent. Il s’agit d’une véritable création que l'architecte a voulu fidèle à l’origine gothique de la cathédrale. Aux vitraux historiés du déambulatoire, du chœur et du transept s’ajoutent, dans les chapelles de la nef, des verrières purement décoratives en grisaille. Il y a ici une recherche d’unité architecturale et de hiérarchisation de l’espace qui fait partie intégrante de son œuvre et que les travaux avaient notamment pour but de retrouver. D’ailleurs, le chantier en cours a intégré le nettoyage et la consolidation de l’ensemble de ces vitraux.
Peu après l’incendie, des menaces avaient pesé sur eux qui, rappelons-le, n’ont pas été touchés ni même détériorés par l’incendie, et qui sont classés "monument historique" au même titre que l’ensemble du monument.
Mais le ministère de la Culture avait été très clair par la voix de le ministre de l’époque : il n’était pas question d’y toucher. C’est pour cette raison que l’hypothèse de leur remplacement n’a jamais été examinée par la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, l’instance chargée de conseiller le ministre pour les travaux importants sur les monuments historiques.
Viollet-le-Duc est une figure majeure de l’art français, reconnue par de nombreuses publications et expositions dont celle organisée en 2015 à la Cité de l’architecture et du patrimoine.
Pourtant, lors de sa visite à Notre-Dame, vendredi 8 décembre dernier, en même temps qu’il révélait l’excellente nouvelle de la création d’un musée de l’Œuvre dans l’Hôtel-Dieu, Emmanuel Macron a annoncé que les vitraux de six des sept chapelles du bas-côté sud seraient déposés et remplacés par des vitraux contemporains qui feraient l’objet d’un concours.
Pour désamorcer les contestations, dont il savait déjà qu’elles seraient fortes, le chef de l'Etat a ajouté que ces vitraux seraient exposés dans le musée, ce qui est absurde. Car ces verrières, qui ont - volontairement - des compositions purement décoratives à décors géométriques, n’ont d’intérêt qu’in situ, comme élément à part entière de l’architecture. Elles n’auraient aucun sens hors de celle-ci et prendraient, sans aucun bénéfice pour le public, une place très importante dans les salles de l’Hôtel Dieu en empêchant d’y exposer d’autres œuvres. Si ces vitraux devaient être remplacés, ils finiraient certainement dans des caisses en réserves car les exposer dans le musée viendrait en réalité doubler le scandale de leur dépose.
Quel est le sens de restituer le dernier état historique connu de la cathédrale (avant le 15 avril 2019), celui de Viollet-le-Duc, pour priver l’édifice d’un élément essentiel voulu par celui-ci ? Comment peut-on justifier de restaurer des vitraux qui ont survécu à la catastrophe pour aussitôt les enlever ? Qui a donné mandat au chef de l’État d’altérer une cathédrale qui ne lui appartient pas en propre, mais à tous ? Les vitraux contemporains ont toute leur place dans l’architecture ancienne lorsque ceux d’origine ont disparu. Ils n’ont pas vocation à remplacer des œuvres qui existent déjà.
Emmanuel Macron veut poser la marque du XXIème siècle sur Notre-Dame de Paris. Or, cette marque existe déjà : l’incendie. Un incendie certes "accidentel" (?), mais pour lequel il a été abondamment démontré que l’État, avant et pendant sa présidence, porte de lourdes responsabilités.
La renaissance de la cathédrale a été rendue possible par une vaste mobilisation nationale et internationale, grâce aux contributions de milliers de donateurs qui souhaitaient la restaurer dans son état historique. Croit-on vraiment que ceux-ci accepteront que sa restauration soit altérée par la volonté d’Emmanuel Macron, même si c’est avec l’assentiment de Mgr Ulrich (archevêché de Paris), d’y laisser son empreinte ?
Les signataires de cette pétition demandent donc que le choix initial du ministère de la Culture de conserver les vitraux voulus par Viollet-le-Duc dans la cathédrale soit respecté, et que la décision du président de la République de doter six des sept chapelles du bas-côté sud de vitraux contemporains soit abandonnée.
L'association Sites & Monuments en est le premier signataire (par l'intermédiaire de son président Julien Lacaze), suivie par beaucoup d’autres (103.000 à l’heure où est rédigé cet article) :
https://www.change.org/p/conservons-%C3%A0-notre-dame-de-paris-les-vitraux-de-viollet-le-duc
"Notre-Dame - une affaire d'État" de Didier Rykner
Le 15 avril 2019, sous les yeux sidérés du monde entier, Notre- Dame de Paris brûlait.
Si cet incendie est indiscutablement d’origine accidentelle, toutes les conditions pour qu’il survienne et prenne les dimensions que l’on connaît étaient réunies : un entretien insuffisant du monument, des économies effectuées aux dépens de la sécurité, un système anti-incendie peu performant et un chantier de restauration qui constituait un facteur de risques supplémentaires.
À travers le récit des faits, Didier Rykner s’intéresse à tous les aspects de ce drame. Comment a-t-il été possible et quelles en sont les causes
probables ?
Pourquoi a-t-il suscité autant de polémiques (les dons des grands mécènes, les délais, la reconstruction de la flèche, la loi d’exception, la pollution au plomb…), dont certaines (la question des abords ou les fouilles archéologiques) sont toujours d’actualité ?
Didier Rykner montre que le chantier de restauration se déroule malgré tout dans de bonnes conditions, avec un espoir de pouvoir entrer bientôt dans un édifice qui ne sera pas « plus beau » qu’avant, mais qui sera dans un état de conservation beaucoup plus satisfaisant, dont on aimerait qu’il soit aussi celui des autres monuments historiques.
Quelles leçons le ministère de la Culture et l’État ont tiré – ou pas – de cette catastrophe patrimoniale afin d’éviter que d’autres se produisent ?
Prix du livre : 17,50 € (livraison : 3 €) ou à télécharger : 12,99 €
Didier Rykner
Didier Rykner est le fondateur et directeur de la rédaction de La Tribune de l’Art, un média influent engagé au service de la défense du patrimoine. Journaliste d’investigation, né à Paris de parents parisiens, il combat depuis des années le traitement infligé au patrimoine. Il a publié aux Belles Lettres "La Disparition de Paris" (2022)