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Gastronomie
Une bayonnaise, reine de la garbure… Et du théâtre à Versailles !
Une bayonnaise, reine de la garbure… Et du théâtre à Versailles !

| Alexandre de La Cerda 845 mots

Une bayonnaise, reine de la garbure… Et du théâtre à Versailles !

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"Les Moissonneurs" et leur garbure au théâtre Montansier ©
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La Garbure a eu son jour de gloire grâce à Marguerite Brunet, dite « La Montansier ». Ce soir-là, dans la petite salle pleine de spectateurs, tous les yeux étaient tournés vers la scène, attentifs à cet épisode pittoresque des "Moissonneurs" où la soupe est trempée et servie aux paysans : c'était une vraie soupe aux choux, une de ces appétissantes garbures dont les ménagères de Gascogne ont le secret ; son parfum emplissait la salle... 

Quand on se promène dans les vieux quartiers de Bayonne, on admire la richesse des balcons et balconnets en fer forgé, ainsi que celle des escaliers et de leurs rampes ouvragées dans les hôtels particuliers des XVIIe et XVIIIe siècles. Une profusion qui conduit à la rue des Faures, où ces artisans établirent leur renommée dès le haut moyen-âge, obtenant même en 1204 le privilège du droit de préemption sur les maisons de la rue !

Et dans cette rue des Faures, on ne comptait pas moins d’une dizaine de forges en 1266, qui produisaient des ancres pour la flotte qui naviguait au service du Roi d’Angleterre, mais également des cuirasses, des arbalètes, des catapultes et autres machines de guerre, ainsi que ces fameuses dagues adaptées aux mousquets, à l’origine de l’invention de la « baïonnette » à la fin du XVIIe siècle.

Et c’est précisément dans cette rue qu’était née le 18 décembre 1730, au n° 41 de cette rue des Faures, Marguerite Brunet, dite « La Montansier ». 

On  la disait très audacieuse et quelque peu intrigante… Fille d’un épicier bayonnais, elle tâtera du pavé parisien et d’un séjour à la Martinique avant de s’improviser comédienne à Versailles où un théâtre porte encore son nom. En 1768, elle enthousiasma la reine Marie-Antoinette et une Cour alors écologiste avant l’heure avec une garbure qu’elle fit servir au cours d’un concert « champêtre » : elle eut alors l’intelligence de « réserver la part de la Reine »… avant de séduire le futur empereur des Français Napoléon Bonaparte auquel elle fut fiancée en 1798 ! Celle qui avait introduit sur la scène ainsi que sur les tables royale et impériale l’appétissante soupe aux choux et au « chamango » devait vivre presque nonagénaire.

Une plaque rappelle sa naissance au n° 41 de la rue des Faures. Extraordinaire personnalité que celle de cette Bayonnaise devenue une « femme d’affaires » et dont la vie est une longue suite de péripéties : une fugue, à l'âge de quatorze ans, lui fait quitter la pension des Ursulines à Bordeaux pour s'embarquer vers l'Amérique avec une troupe de comédiens, devenir la maîtresse de l’Intendant de la Martinique et s'établir marchande de mode à Saint-Domingue.

Notre aventurière bayonnaise retourne ensuite à Paris où elle s'installe chez une tante par alliance, Mme Montansier, marchande de mode à laquelle elle empruntera son nom de scène, Montansier. L’ouverture d’un salon de jeux rue Saint-Honoré, fréquenté par la jeunesse dorée, lui permet de faire son entrée dans la haute société. Passant du monde de la galanterie parisienne à celui du spectacle, elle embrassa une carrière théâtrale qui aboutit à Versailles où elle avait obtenu grâce à sa liaison avec le marquis de Saint-Contest la direction d'un petit théâtre rue Satory à Versailles. Après s’être attiré, avec sa garbure, les bonnes grâces de la Reine, on lui accorda le privilège des spectacles, puis de la Cour et, enfin, la construction d’un théâtre digne de ce nom… Et de son nom ! C’est en 1777 qu’eut lieu l’inauguration avec faste par Marguerite Brunet, dite « la Montansier », en présence de Louis XVI et Marie-Antoinette, du « Grand Théâtre » de Versailles. 

Ainsi, naquit le « Théâtre Montansier », un des plus beaux fleurons de la culture et de l’architecture versaillaise.

Plus tard, notre bayonnaise profitera de la Révolution pour s'installer à Paris en 1790 en compagnie de son amant, le comédien Honoré Bourdon dit "de Neuville", et prendre possession du Théâtre des Beaujolais, sous les arcades du Palais-Royal. Suivant les armées de Dumouriez dans les Pays-Bas autrichiens avec 85 artistes et employés de son théâtre, elle assiste à la bataille de Jemmapes puis prend la direction de la troupe du Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en janvier 1793. Emprisonnée le 25 Brumaire (15 novembre) par la Terreur sous prétexte d'avoir reçu des fonds des Anglais et de la Reine ou d'avoir voulu mettre le feu à la Bibliothèque nationale voisine, on la reconnaîtra innocente et  elle sera libérée dix mois plus tard en obtenant de haute lutte de larges compensations financières. Elle épousera de Neuville en 1799 (à presque 70 ans !) puis crée en 1801 au Théâtre Olympique, rue de la Victoire, une nouvelle troupe de chanteurs italiens appelée "Opéra-Buffa" et rapidement surnommée "Italiens". Elle avait auparavant séduit le futur empereur des Français Napoléon Bonaparte auquel notre aventurière bayonnaise avait été fiancée en 1798 !

Celle qui avait introduit sur la scène ainsi que sur les tables royale et impériale l’appétissante soupe aux choux, aux fèves et au « chamango » devait s'éteindre paisiblement le 13 juillet 1820, à 90 ans.

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