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Histoire
Un témoin basque de la bombe atomique d’Hiroshima
Un témoin basque de la bombe atomique d’Hiroshima
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| Alexandre de La Cerda 758 mots

Un témoin basque de la bombe atomique d’Hiroshima

En ce début de mois d’août, plusieurs éphémérides s’ « entrechoquent » :

- le 15 août 1534 : fondation de la Compagnie de Jésus par le Basque Ignace de Loyola et six de ses amis, dont son compatriote François de Xabier (diminutif d’Etxeberri) ou François-Xavier ; ils prononcent leurs vœux de chasteté et de pauvreté dans la chapelle de Montmartre.

- le 6 août 1945, les Etats-Unis larguent la bombe atomique sur Hiroshima. Trois jours plus tard, ils recommencent sur Nagasaki. Des esprits que certains jugeront « malintentionnés » ne manqueront pas de remarquer à ce propos que « la nation qui décide ce qu’est un crime de guerre massacra en un instant des centaines de milliers de civils puis se fit juge au tribunal de Nuremberg, préfigurant son rôle de « gendarme du monde » qu’elle allait imposer à l’humanité les décennies suivantes »...

Or, lorsque cet événement tragique eut lieu au Japon, il y eut un témoin basque de la bombe atomique d’Hiroshima, et de poids : le Biscaïen Pedro Arrupe, qui devint plus tard « général » de l’Ordre des Jésuites !

Né le 14 novembre 1907 à Bilbao, Arrupe était parti en mission au Japon comme saint François-Xavier, un des fondateurs des Jésuites. Arrivé dans ce pays asiatique en 1938, il avait immédiatement commencé à apprendre la langue et les coutumes japonaises. Le 8 décembre 1941, quelques heures après l'entrée du Japon dans le conflit, il avait été arrêté et emprisonné par les autorités locales qui l’accusèrent d'être un espion. Libéré au bout de quelques semaines, il fut nommé peu après maître des novices à Nagatsuka, une petite ville située à sept kilomètres de ce qui serait plus tard l’épicentre de l’explosion nucléaire dans le centre d’Hiroshima.

Arrupe relata dans son livre « J'ai vécu la bombe atomique » son expérience du jour de la tragédie et des mois suivants. Le 6 août 1945, il se trouvait dans une maison avec 35 jeunes et plusieurs pères jésuites. À 8h15, il a vu « une lumière très puissante, comme un éclair de magnésium, qui a éclaté à nos yeux ».

En ouvrant la porte de la chambre qui faisait face à Hiroshima, « nous avons entendu une formidable explosion, semblable à un terrible ouragan, qui a emporté des portes, des fenêtres, des vitres, des murs fragiles »... Ces trois ou quatre secondes leur « semblèrent mortelles », bien que tous les présents aient eu la vie sauve. Cependant, il n'y avait aucun signe qu'une bombe était tombée là.

« Nous traversions les rizières qui entouraient notre maison pour trouver le site de la bombe quand, au bout d’un quart d’heure, nous avons vu qu’il y avait une épaisse fumée dans la partie de la ville où se distinguaient clairement les flammes. Nous avons escaladé une colline pour mieux voir, et de là nous avons pu distinguer l’endroit où se trouvait auparavant la ville ». Et Arrupe d’expliquer que leur vision actuelle était une Hiroshima complètement dévastée : devant eux s'étendait « un énorme lac de feu » qui, au fil des minutes, laissa Hiroshima « réduite en ruines ». Ceux qui fuyaient la ville le faisaient « avec difficulté, sans courir, comme ils l'auraient souhaité, pour échapper à cet enfer le plus tôt possible, car ils ne pouvaient pas le faire en raison des terribles blessures qu'ils avaient subies ».

Arrupe, qui avait étudié la médecine, et ses compagnons jésuites, improvisèrent un hôpital dans la maison du noviciat. Ils y accueillirent plus de 150 blessés, qu’ils réussirent à sauver pour la plupart, même si la grande majorité d’entre eux avaient subi les effets dévastateurs des radiations atomiques sur l’être humain. Plus de 70 000 personnes sont mortes le jour du bombardement d’Hiroshima et 200 000 autres ont été blessées. À la fin de 1945, le nombre de morts avait dépassé les 166 000.

Note biographique : Pedro Arrupe y Gondra est né à Bilbao le 14 novembre 1907 et mort à Rome le 5 février 1991. Quand le gouvernement républicain espagnol expulse les jésuites d'Espagne en 1932, il poursuit ses études en Belgique, aux Pays-Bas et aux États-Unis, où il est ordonné prêtre. À New York, il est aumônier des hispanophones en prison. Depuis longtemps désireux d'être missionnaire, il part en 1938 pour le Japon, où il est bientôt maître des novices, à Hiroshima. Quand explose la première bombe atomique, il se dévoue avec ses novices auprès des blessés et moribonds. Plus tard, il est supérieur provincial des jésuites du Japon. La 31e Congrégation générale, convoquée à la suite du décès du Jean-Baptiste Janssens se réunit en 1965 et élit Pedro Arrupe supérieur général de la Compagnie de Jésus (22 mai 1965).

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