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Littérature
Un été avec... Le souvenir de l'écrivain Roland Barthes au Pays Basque
Un été avec... Le souvenir de l'écrivain Roland Barthes au Pays Basque

| Alexandre de La Cerda & Emmanuel Planes 1088 mots

Un été avec... Le souvenir de l'écrivain Roland Barthes au Pays Basque

Né à Cherbourg en 1915, Roland Barthes avait toujours tenu Bayonne et Urt pour « son pays » , pays d'enfance et d'adolescence qu'il ne quittera guère entre 1916 et 1924, puis séjour de vacances jusqu'à ses derniers jours. Son propre hommage à la ville de Bayonne ouvre le célèbre livre autobiographique  Roland Barthes par Roland Barthes : « Bayonne, Bayonne, ville parfaite : fluviale, aérée d'entours sonores (Mousserolles, Marracq, Lachepaillet, Beyris), et cependant ville enfermée, @ville roman ».@Ce brillant intellectuel fut également un écrivain de l'amour, de la nostalgie, des odeurs et des rêveries utopiques autour du souvenir. Dans son œuvre, l'enfance, la jeunesse et Bayonne - dont il appréciait les effluves chocolatées et les rues étroites bordées de maisons anciennes - ont joué un rôle déterminant : l'intelligence de ses écrits ne peut se passer de l'attrait de Roland Barthes pour ce territoire bordé par l'Adour.

Et alors que l’Université de Pau et des Pays de l’Adour ainsi que "La Petite Escalère" - jardin privé de sculptures créé sur les bords de l’Adour, à la frontière des Landes et du Pays Basque par le collectionneur Paul Haim - s’étaient associés pour organiser une série d’évènements en hommage au centenaire de sa naissance célébré en 2015, la Ville de Bayonne avait, pour sa part, renommé le mail Chaho-Pelletier en « Esplanade Roland Barthes (1915 – 1980), écrivain et Sémiologue ».
Car l’essentiel du travail de cet auteur prolifique d’essais et de travaux de recherches concerna la sémiologie, une science qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale : "Mythologie", "La chambre claire" ou "L’empire des signes" en seront des illustrations et Barthes occupera la chaire de sémiologie du Collège de France de 1977 à 1980, date de sa disparition. 
Son premier essai "Le degré zéro de l’écriture", considéré comme un manifeste d’une nouvelle critique, le fait connaître, lui qui avait été l’un des tenants du structuralisme. Roland Barthes écrira également "Fragments du discours amoureux" qui lui donnera de la notoriété, ainsi que "La mort de l’auteur" qui privilégie l'interprétation de chaque lecteur par rapport à toute signification « définitive » émanant de l'auteur de l'ouvrage.

De Bayonne à Urt, les étés de Roland Barthes

Mon ami et ancien collègue du journal "Sud Ouest", Emmanuel Planes, avait publié un précieux et très intéressant témoignage sur les séjours de Roland Barthes au Pays Basque, dont "les traces sont à chercher d'abord à Bayonne. 
En 1916, à la mort de Louis Barthes, son père, officier de marine, tué dans un combat naval, Henriette Barthes, sa mère, s'installe avec la grand-mère paternelle et sa fille Alice dans une maison avec un grand jardin, reste d'une ancienne corderie, située au coin des allées Paulmy et de l'avenue de la Légion tchèque : la maison Lanne, disparue depuis longtemps.

En 1924, Roland part vivre à Paris, mais il continue à passer ses vacances scolaires à Bayonne, chez ses grands-parents. 
Et Bayonne, bien des années après, restera pour l'auteur de « Mythologies » le symbole d'un paradis perdu, celui de l'enfance. 
« Roland Barthes par Roland Barthes » (Seuil, 1 975) témoigne de cette nostalgie, tout comme « La lumière du Sud-Ouest », superbe texte paru pour la première fois dans « l'Humanité » en 1977, et plusieurs fois réédité.

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La maison de Roland Barthes à Urt ©
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En 1939, le recteur de l'académie de Bordeaux affecte Roland Barthes « à titre précaire et provisoire » au nouveau lycée de Biarritz. Professeur de 4ème et 3ème, il n'y enseigne que le temps d'une année scolaire mais laissera une profonde empreinte sur ses élèves parmi lesquels le docteur Charles Dumora, ancien élu biarrot. 

Puis vint l'époque des séjours à Urt.
Dans les années 60, Henriette Barthes trouvait sa villa Etchetoa à Hendaye, en bord de mer, cernée par les touristes. Elle décida de s'en débarrasser et d'acheter la maison Carboué, à Urt.
 
C'est là qu'à partir de 1968, l'écrivain et sémiologue passera tous les étés et les vacances scolaires, lisant, écrivant, travaillant, écoutant de la musique, en toute tranquillité, et selon un emploi du temps très réglé, loin de l'agitation parisienne. 

Devenu le médecin d'Henriette Barthes, puis de Roland, et l'ami de ce dernier, le docteur Michel Lepoivre a exercé comme généraliste à Urt de 1963 à 1994.

Emmanuel Planes avait recueilli à l'époque les souvenirs de ce septuagénaire courtois et distingué, au visage orné d'une fine barbiche qui habitait dans une belle maison à deux étages située au bord de l'Adour, très exactement à l'endroit où le fleuve forme un coude : il y avait fréquemment reçu Roland Barthes, pour le dîner ou le thé.

Piano et violon

Le médecin et l'écrivain avaient en commun l'amour de la musique. Et, de temps en temps, ils interprétaient des duos : l'auteur des « Fragments d'un discours amoureux » jouait du piano, sur le Pleyel qui trône toujours dans la maison au bord du fleuve, et le docteur Lepoivre du violon, instrument qu'il pratique depuis l'âge de 10 ans : « On jouait des sonates de Mozart, des sonatines de Schubert… »

« Je pense qu'il se trouvait bien ici, car il y régnait une atmosphère bine différente de celle des chapelles littéraires parisiennes. Il y respirait un parfum de bourgeoisie provinciale qu'au fond, il aimait : un père de famille, un mère, trois jeunes filles, tout ce qu'il n'avait pas… »

De Roland Barthes qu'il revoit encore vêtu d'un « bleu de chauffe » ou portant, l'hiver, un cache-col rouge qu'une de leurs amies lui avait tricotée, le docteur Lepoivre parle avec une admiration et une sympathie que les années n'ont pas altérées. « C'était un homme simple, sans arrogance, n'ayant même pas le goût de la compétition. Il était tout en nuances, en délicatesse ».

Après la mort de sa mère adorée, en 1977, Roland Barthes n'était plus le même. « Je marine », disait-il souvent à son médecin. 
Il ne lui a survécu que trois ans, et tous deux reposent à Urt, sous la même tombe, très simple, sans fioritures. Protestante, comme l'était Henriette Barthes", note encore Emmanuel Planes. 
Avec leur président Eric Gildard, des membres de la Société littéraire des Amis du lac d'Hossegor qui évoquent également dans leur "Lettre" le souvenir de l'écrivain, avaient rendu visite aux lieux rappelant le souvenir de Roland Barthes. Reçus par le maire d'Urt, ils s'étaient recueillis sur sa tombe et fait le tour de sa maison en bordure de route… 
À Urt, la bibliothèque porte son nom, tout comme à Bayonne ou Anglet, Roland Barthes n'est pas encore oublié. 

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Alain Jeannel | 17/08/2024 20:52

Roland Barthes et Pierre Bourdieu: de la langue à la "Langue" - Pour le consulter: Soit sur Google: Alain Jeannel educavox Roland Barthes et Pierre Bourdieu: de la langue à la "Langue" soit le cinquième article de la page de: https://educavox.fr/les-ressources/universite/author/62-jeannelalain?start=25

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