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Tradition
Un retour en images et dans le texte de l’évolution de l’école française depuis le XIXème siècle
Un retour en images et dans le texte de l’évolution de l’école française depuis le XIXème siècle

| François-Xavier Esponde 1302 mots

Un retour en images et dans le texte de l’évolution de l’école française depuis le XIXème siècle

Le Musée national de l’éducation à Rouen donne un visuel séduisant de cette histoire et des évolutions des mentalités des enseignants, des parents et des enfants au fil du temps. Créé en 1879 par Jules Ferry, le Musée conserve près de 950 000 oeuvres et documents de l’histoire suivie de l’école et de l’enfance en France depuis la Renaissance.
Des peintures, des images populaires, des premières photos, du matériel pédagogique, le mobilier scolaire, et plus récemment des jeux et jouets éducatifs.
On considère le musée comme le conservatoire le plus riche d’Europe du patrimoine éducatif.

Dans un bâtiment du XVIème siècle le visiteur peut découvrir cinq siècles d’école française. 
La première rentrée y est figurée en 1825. La gravure en pointe fine met en scène une jeune fille accompagnant son frère pour le premier jour de classe, sous le regard attendri de la mère. Mais les filles attendront encore quelque temps avant de l’y rejoindre.

A l’époque, l’école non obligatoire est parfois payante, une pénalité pour les plus modestes.
Au XIXème siècle avec l’essor de l’Instruction dès 1833, la loi Guizot impose à chaque commune d’avoir une école publique, et dès 1850 la loi Falloux incite à ouvrir des écoles pour les filles qui existent parfois dans les paroisses ou tenues par des congrégations mais confessionnelles. Les précepteurs ont la voie libre mais le nombre de leurs protégés demeure confidentiel.

La rentrée des enfants ne se fait sans anxiété. Sur une gravure de 1855, le caricaturiste Cham à la demande de l’éditeur Martinet et reprise dans la revue satirique Le Charivari, on y découvre des enfants malades à la rentrée dans l’école. La légende souligne les coliques , les maux de tête, les maux de dents, et autres indispositions absentes lors des vacances. Délicieux !

Mais l’école se veut laïque : sur une gravure de presse de 1880, la foule des enfants se masse à Paris. Les bonnes recommandent les conseils d’usage à leurs chérubins. On y voit un martinet dissuasif pour un jeune garçon qui refuse d’entrer ! Avis aux récalcitrants.
Au fronton de l’école, pas de doute, il s’agit de l’école laïque, à la veille des Lois Ferry de 1881-82 rendant l’instruction obligatoire pour tout petit français de 6 à 13 ans. On remplacera dans les écoles de la république l’instruction morale et religieuse toujours en cours par une instruction morale et civique. Changement d’époque !

Dès 1886 les religieux et religieuses enseignant dans le publique sont remerciés et seront remplacés par du personnel exclusivement laïque pour l’enseignement dans les écoles suivant la loi Goblet.

 Le voyage historique est savoureux. Les lycéens portent l’uniforme en 1887. A l’époque les internes de certains lycées publics anciens collèges royaux ou impériaux revêtaient l’uniforme. On adopte désormais les noms de classes, et la répartition des anciens de la sixième à la terminale, toujours en usage aujourd’hui.

 1904, changement d’époque encore, les cours redémarrent en octobre. 
Le décor adopté ressemble à une scène de théâtre. Les raisons sont multiples. Les aristocrates ont retardé la reprise des cours par l’initiation des garçons à la chasse pendant le mois de septembre. Alors on attendra ! Maîtres, ravisez-vous.
Pour les gens de la terre, septembre est le mois des récoltes. Les bras des enfants sont utiles aux vendanges et aux travaux agricoles des moissons de céréales, de patates, de fruits et de légumes jardiniers.
L’école n’est pas une priorité pour nombre d’enfants, à la décision des parents plus soucieux d’une présence suivie à la ferme. Déjà filles et garçons se découvrent désormais ensemble à l’école.

Mais nous sommes en 1920, jusque-là il ne faut guère presser les traditions qui, au demeurant, ne sont ni religieuses ni laïques, mais bien ancrées dans l’éducation masculine quasi exclusive des petits français.

 L’Illustration montre un orphelinat tenu par la ville de Paris à Cempuis dans l’Oise. On y initie la mixité des premiers temps qui se généralisera quarante ans plus tard dans les années 60-70 du siècle passé.
Le programme se veut “libertaire”, “intégral” inspiré par Ferdinand Buisson, incluant le sport, l’apprentissage manuel et la musique...
Incroyable pour l’époque. Les avis se partagent.
Mais faire danser les garçons, scolariser les filles dans l’apprentissage ne paraissaient guère des priorités du moment. Il y faudra le temps aux mentalités pour assimiler l’instruction à l’éducation nationale de l’école républicaine.

 Autre époque de la mémoire scolaire, le temps du Maréchal Pétain, celui d'une propagande (Note de la rédaction : temps qui succède à celle de la IIIème république, hostile à la religion et aux langues régionales, les "Hussards noirs" de la république punissant, même pendant les récréations, les élèves qui avaient le toupet de s'exprimer en basque, en gascon ou en breton, leurs langues maternelles).
On y voit Philippe Pétain visitant les enfants à l’heure de la rentrée scolaire en 1942 pendant la guerre, comme paru dans l’Illustration, organe de diffusion et de propagande du temps des hostilités.
Comme tout politique qui respecte son électorat, la visite des édiles des communes se fit dans les écoles lors de cette rentrée annuelle selon un rituel désormais acquis.
Le portrait du Mal Pétain avait détrôné en des classes françaises celui de Marianne, le chant ”Maréchal nous voilà” était quotidien et les grincements de dents s’ajoutent chez les enseignants, certains parents, peu ou prou disposés à ces directives politiques du moment.

Le temps revient à l’école de la République.
1956, les parents sont tenus aux grilles de l’école. Tenus à distance, certains observent la rentrée depuis la rue.
Le cliché est évocateur de l’air du temps et de la défiance entre l’institution scolaire et les familles. Les illustrations font légende. Elles parlent par elles mêmes.

La tentation de soustraire l’enfant à l’influence familiale de leurs parents et de vouloir en faire de bons républicains cristallise des réticences et l’époque en donne des preuves tangibles.
Thème récurrent qui prévaudra encore en 1984 avec le projet d’une école laïque et publique pour tous, objet de litige du passé récent.

Epoque plus prosaïque : l’évolution notable porte sur la composition des classes, au vu des spécialités scolaires de plus en plus nombreuses. Nous sommes passés au XXIème siècle. La composition des classes relève d’un art subtil, sibyllin et quasi virtuel pour séparer sans le dire les bons sujets, les plus doués des autres, sans renoncer à un engouement pour l’école, ni un apprentissage suivi dynamique pour tous.
Objet de discussions byzantines, entre enseignants qui jaugent ainsi leur espace scolaire, celui des résultats probants et des aléas de l’année scolaire  qui s’initie. Une école nouvelle voit le jour où pointe la matrice des résultats, des diplômes et des sélections.

Plus récemment enfin, les entrées Covid et les avatars sur l’école de 2020-21, les parents, les enseignants, ces circonstances demeurent des année sombres pour l’éducation ; que dire de l’instruction, mal et peu préparée à de tels défis sanitaires à l’école de Marianne et en toute institution scolaire de France.
Le masque remplace l’uniforme ou s’ajoute encore pour tout enfant de plus de 11 ans, divise les parents et contrarie l’uniformité de l’institution scolaire monolithe et peu coutumière des incursions extérieures dans sa matrice souveraine.

Ce déroulé scolaire restera dans la mémoire de l’école française inédit, insolite et imprévisible.
Le Musée n’a encore ajouté à sa collection de supports photographes ou visuels sur ce thème. Cours distanciels, numériques, absentéisme scolaire ne sont pas inscrits dans le déroulé visuel du musée...
Somme toute Marianne survit dans l’école mais les fluctuations de l’histoire l’ont bousculé sur ses bases.

De toute évidence, au-delà du masque proprement énoncé, d’autres sujets de discussions suivent sur le même thème.
Ce voyage illustré dans le temps de l’école est intéressant. L’école est un sujet vivant à toute époque du passé. Elle résiste à l’usure des conventions, des rites et des contraintes. Elle est bien de son temps !

Fx Esponde
reseau-canope.fr/musee/

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