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Un conte de Noël à Urt
Un conte de Noël à Urt
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| @jacquescamredon 899 mots

Un conte de Noël à Urt

La représentation de la nativité à Bethléem sous la forme de la crèche constitue une pieuse tradition immémoriale remontant à l’institution de la fête liturgique de Noël dès les années 300 à Rome. C’est saint François d’Assise et ses zélés franciscains qui répandirent dans les familles, au XIIIème siècle, la coutume telle que nous la connaissons encore aujourd’hui.

La crèche est la représentation d’un événement religieux unique et merveilleux par lequel, suivant les récits évangéliques, un Sauveur des hommes, de nature divine, prit la nature humaine et, enfant nouveau-né d’une Vierge et attendu depuis des centaines d’années, vint pour libérer les hommes du mal et ouvrir le ciel. Ainsi le chante d’ailleurs le célèbre cantique « Minuit chrétien ».

Bien sûr la dimension religieuse de la crèche s’accompagne de tout le symbolisme proprement humain de l’image qu’elle représente et c’est sans doute ce qui en fait toujours aujourd’hui sa valeur et son attrait : image de la famille rassemblée pieusement autour du nouveau-né, vénération des bergers, venus de loin exalter les vertus de l’enfance, inclinaison des gens superbes devant une scène d’humilité, présence d’animaux domestiques débonnaires et tutélaires, étoile brillant dans la nuit de l’hiver prophétisant la renaissance proche de la lumière, anges entonnant des hymnes de paix dans les cieux… C’est pourquoi la crèche demeure une forte tradition intime dans de nombreux foyers.

Dans une petite cité du val d’Adour aux confins du Béarn & du Pays Basque, la crèche a franchi la porte des foyers pour émerveiller les passants et sans doute rassurer les égarés.

Chaque année davantage, surgissent à l’extérieur des maisons du village ces manifestations lumineuses, originales et inventives de la Nativité que l’on a, depuis, organisées en un chemin des crèches et qui voit sa renommée grandir par la seule vertu de l’art décoratif propre à chaque auteur.

Petites ou grandes, humbles ou opulentes, simples ou décorées à profusion, éclairées comme le palais d’un roi ou la chaumine d’un pauvre, nos crèches urtoises rivalisent surtout par la volonté d’illuminer d’un peu d’espérance une période de l’an l’hiver où les occasions de ravir nos sens sont rares donc précieuses.

Voici maintenant les pieux personnages, empressés à se rendre auprès de l’enfançon aux bras largement ouverts, certains agenouillés, recueillis dans une posture orante, d’autres affairés, s’accommodant de leurs accessoires quotidiens : les bergers et leur vaste houppelande, le bâton en main, aux lèvres le pipeau dont les sons frêles et veloutés semblent venir jusqu’à nous, les mages revêtus de leurs royale tunique, attifés et coiffés à l’orientale et portant avec componction leurs précieuses et symboliques offrandes, le maire décoré de son écharpe de fonction, le couple de petits vieux, racornis mais souriants, apportant le panier garni, et combien d’autres personnages originaux et inattendus, mais tous pénétrés de la gravité de l’heure et de son caractère sacré. C’est pourquoi, tous sont figés dans une attitude de hiératique solennité, bien que nous les sentions pressés d’entrer à leur tour dans la chaleur de la crèche afin de participer joyeusement au mystère qui s’accomplit.

Le bestiaire que l’on nous offre n’est pas moins riche et varié : âne et bœuf sont bien sûr de rigueur : n’ont–ils pas été annoncés plusieurs siècles avant par le prophète Isaïe ? Mais voici à leur tour les brebis et agneaux entourant les bergers et faisant régner sur la scène un petit air de désordre agreste où il ne manque que les odeurs et les sons. Voici encore chiens, chevaux, chameaux, mulets, chats , éléphant et que sais-je, qui complètent dans l’extravagance un événement lui-même si extraordinaire que décidément, les hommes n’auraient pas pu l’inventer.

Et comment ne pas admirer les jeux de lumière – n’est-ce pas sa fête, d’ailleurs, que chaque crèche nous offre tout à loisir : lumière tremblante, lumière ardente, lumière vacillante, lumière éclatante, et toujours lumière charmante, car exprimant le jour dans la nuit, l’espérance dans le doute, la foi de la vie !

Voilà donc ici, avec la crèche dans la rue, un peu d’amour exposé , celui qui naît avec l’enfant venu au monde entouré des siens, attirant ses admirateurs et ses amis, rassemblant ses voisins, pacifiant les violents, domestiquant les fauves et rayonnant de son étoile d’espoir.

On raconte que jadis, en cet endroit, un être vil, jaloux de cette image d’un bonheur qu’il ne possédait pas, s’empara nuitamment de la plus belle crèche. Lorsqu’il voulut s’enfuir, emmenant son butin, trois sentiers s’offrirent à sa course éperdue. Au détour du premier, un âne immobile et entêté lui barra résolument la fuite ; au terme du second, un bœuf imposant, au regard chargé de reproches muets, suffit à le dissuader de poursuivre. Son destin était au troisième : il y avait là un petit enfant, faible mais souverain, une croix sur le front et une étoile sur le cœur ; l’étoile grandit et pénétra dans le sein du misérable. Celui-ci, bouleversé et éclairé, remit à sa place la crèche enlevée et vit en lui tout ce qu’il fallait faire. On prétend qu’il fut célèbre plus tard pour le bien qu’il répandit autour de lui.

Tous les ans à pareille époque il revenait ici et, discrètement, à l’insu de tous, il décorait amoureusement sa crèche, là ou ne vont jamais les curieux ; c’était la plus belle de toutes, mais aussi la plus cachée. C’était simplement une affaire entre lui et un petit enfant qui avait transformé sa vie.

@jacquescamredon

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