0
Cinéma
Rouge (86’) - Film français de Farid Bentoumi
Rouge (86’) - Film français de Farid Bentoumi

| Jean-Louis Requena 692 mots

Rouge (86’) - Film français de Farid Bentoumi

zCinéma1 HAUT1 Rouge de Farid Bentoumi.jpg
"Rouge" de Farid Bentoumi ©
zCinéma1 HAUT1 Rouge de Farid Bentoumi.jpg
zCinéma  HAUT2 Rouge de Farid Bentoumi.jpg
"Rouge" de Farid Bentoumi ©
zCinéma  HAUT2 Rouge de Farid Bentoumi.jpg

Nour (Zitah Hanrot) est infirmière aux urgences d’un hôpital de province. Traumatisée par la mort d’une patiente, elle décide de quitter son service et de revenir vivre chez son père Slimane (Sami Bouajila). Ce dernier est délégué syndical dans une usine chimique qui traite la bauxite pour en extraire l’alumine. C’est une usine obsolète, polluante, qui rejette dans la nature des déchets toxiques : « les boues rouges ». Cependant, 300 ouvriers y travaillent en bonne intelligence grâce à Slimane, pour le syndicat, et à Stéphane Lopez (Olivier Gourmet), le patron paternaliste. Slimane très impliqué dans la vie sociale, participe à un meeting du candidat écologiste à la députation qu’il soutient. Sa position est : « donnant donnant ». 

Avant tout, le maintien de l’emploi qui fait vivre le bourg.

Slimane avec l’accord du patron fait engager sa fille, Nour, comme infirmière dans l’usine afin d’occuper le poste qui vient d’être libéré après le départ à la retraite du précédent occupant. En consultant les dossiers médicaux des ouvriers, Nour s’aperçoit rapidement qu’ils ne sont pas à jour : il n’y a aucun suivi médical. La médecine du travail qu’elle contacte, élude le dossier pourtant connu.

Nour, troublée, s’en ouvre à son père qui, à son tour, se montre évasif : il semble connaître le problème mais refuse d’en discuter avec sa fille. Nour à la recherche de la vérité rencontre Emma (Céline Sallette) une journaliste indépendante qui enquête sur la pollution générée par les « boues rouges » que rejettent l’usine, en les enfouissant dans une zone protégée.

Nour l’infirmière et Emma la journaliste s’efforcent d’alerter leurs concitoyens de la catastrophe écologique qui les menace … Mais chacun à ses propres raisons pour ne pas en tenir compte, voire la nier …

Farid Bentoumi (45 ans), acteur, scénariste, et réalisateur franco-algérien a longuement enquêté sur le sujet du rejet des « boues rouges » notamment à l’usine d’alumine de Gardanne (Bouches-du-Rhône) qui a longtemps défrayé la chronique judiciaire, politique, et écologiste. C’est sur ce matériau qu’il a co-écrit le scénario du film dont le centre de gravité est le rapport confiant, puis conflictuel, entre le père (Slimane) et sa fille (Nour). Celui qui sait mais n’en veut rien dire ; celle qui sait et veut en débattre. Il n’y a pas de méchants et de bons tout d’un bloc mais chaque personnage a ses raisons (« Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que tout le monde à ses raisons - Jean Renoir, la Règle du jeu - 1939). Comme dans son précédent opus (Good Luck Algeria – 2015, avec déjà Sami Bouajila) le moteur de l’intrigue est la famille ; le carburant, les bouleversements provoqués en son sein : ici une usine polluante. Chaque personnage est dans son couloir. Son discernement est tout aussi audible que celui des autres membres de la famille : Sofia la sœur ainée, Greg le beau-fils cadre à l’usine, etc. Slimane questionné par sa fille au sujet de la nocivité des « boues rouges » répond : « je préfère sauver les emplois que les marmottes ». C’est un vieux syndicaliste psychorigide qui s’oppose à une jeune femme inquiète quant au devenir de la communauté.

Farid Bentoumi tout au long du récit maintient un équilibre narratif entre un thriller type hollywoodien sur les lanceurs d’alerte (Erin Brockovich - 2000 - de Steven Soderbergh, Dark Waters – 2019 de Todd Haynes) et un drame familial révélateur des contradictions des personnages : Le père syndicaliste obtus, la fille infirmière angoissée, la journaliste obstinée, etc. Il y a fort peu de plans larges. La caméra (chef opérateur Georges Lechapois) suit au plus près (nombreux gros plans) les déplacements des protagonistes de ce drame social.

Il est à noter que Rouge a été coproduit par les réalisateurs belges Jean-Pierre et Luc Dardenne. On frissonne à l’idée de ce que le tandem, multi récompensé dans les festivals de cinéma, en aurait fait : à tout coup une œuvre programmatique, manichéenne, teintée d’ouvriérisme. Fort heureusement il n’en n’est rien ! Rouge est porté par un duo d’acteurs physiques, Sami Bouajila (Slimane) et Zita Hanrot (Nour) qui jouent droit, sans fioritures, de sorte que le résultat final est robuste, charpenté, malgré la complexité des situations.

Rouge a le « Label Festival de Cannes 2020 ». Il était en sélection officielle.

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription