Dimanche dernier se sont achevées les cérémonies du Jubilé de la reine Elizabeth II d'Angleterre avec l'apparition de la souveraine sur le balcon du palais de Buckingham. Manifestations qui ont rempli les colonnes des journaux et tenu en haleine les ondes des chaînes de radio et de télévision.
L'occasion pour "La Lettre du Pays Basque" de revenir sur les nombreux liens qui unissent notre région aux Îles Britanniques, et pas seulement grâce aux avions qui les relient à l’aéroport de Biarritz Parme, nous permettant de rencontrer souvent des sujets de Sa grâcieuse Majesté sur la côte basque…
En fait, le séjour des Britanniques est bien antérieur à l’établissement des lignes aériennes low-cost. Je me souviens d’un magnifique gala à l'Hôtel du Palais présidé par le Duc et la Duchesse Michel de Kent, c’était au début des années 90. En août 1995, le Prince Charles vient clôturer les travaux de la "Prince of Wales Summer School" d'architecture.
On peut citer son grand-oncle l’éphémère Edouard VIII devenu Duc de Windsor après son abdication. Avec la Duchesse, il ne cessa jamais de fréquenter la côte basque. Ce fut d’ailleurs une tradition presque ininterrompue des Princes de Galles à Biarritz. Au point qu’Edouard VII, surnommé « roi de Grande-Bretagne et de Biarritz » pour la fréquence de ses séjours au Palais, en arriva même à désigner son premier ministre, sur place, à Biarritz. D’ailleurs, une plaque dans le hall de l’hôtel du Palais rappelle que Herbert Asquith y fut nommé premier ministre de l’Empire britannique le 7 avril 1908 !
Mais bien auparavant, il y eut le remariage de la célèbre Aliénor d'Aquitaine avec Henri Plantagenêt devenu roi d'Angleterre.
C’était en 1152, et Aliénor avait apporté en dot au souverain anglais son duché d’Aquitaine dont faisait alors partie notre province de Labourd, après l’avoir retiré à son premier époux, le roi de France Louis VII.
Or, le relatif éloignement du pouvoir anglais favorisa sans doute un certain libéralisme économique et politique, à l'origine du remarquable essor que connut alors la région.
De cette opulence passée, il reste, avec la cathédrale de Bayonne et d'autres édifices gothiques du pays, certains détails architecturaux de l'église Saint Martin de Biarritz, conformes au "style anglais" des églises Saint Martin de Hinx et de Port-de-Lannes.
Sur les rives proches de l'Adour, la bastide de Hastingues est due à l'initiative du sénéchal John of Hastings.
Et, pour sa part, Biarritz garda longtemps sur le promontoire de l'Atalaye le vieux fort dressé par les Anglais au XIVe siècle. Les ébranlements de la falaise sapèrent ses fondations et la dernière guerre en finit avec ses ultimes vestiges.
Au XIXème siècle, on retrouva, dans les archives de la Tour de Londres, le véritable sceau de Biarritz apposé à un acte de 1351, et les privilèges conférés à la ville en 1270 par Henri III et Edouard Ier...
Après les troubles dus à la révolution (hélas, l'Angleterre avait encouragé la terreur jacobine : en 1793, « le club des Jacobins reçoit ses impulsions par des agents anglais et prussiens, qui ont pris à tâche de travailler ce malheureux pays en dessous », écrivait Grimm à l'impératrice Catherine II de Russie. Les agents anglais Clarkson et Oswald étaient inscrits au club des Jacobins), troubles dus également aux guerres napoléoniennes qui perturbèrent les déplacements des voyageurs entre 1792 et 1815, la reprise des échanges engendra un extraordinaire développement touristique au XIXème siècle.
Déjà, avant la révolution de 1789, la bonne société anglaise incluait dans l'éducation de ses fils un "grand tour" sur le continent.
Les Pyrénées et la Côte Basque devinrent à la mode après les campagnes de Wellington dont les soldats découvrirent le pays au gré de la retraite de la Grande-Armée.
La légende rapporte même, qu'ayant établi leur camp à Biarritz, "les Anglais s'aperçurent à l'intérieur du cimetière que l'écart entre les dates de naissance et de mort sur les pierres tombales était important... Alors, ils décidèrent de s'installer plus longuement dans cette région pas comme les autres".
La recherche d'un climat doux et tempéré en hiver, un certain attrait pour la nature "sauvage" chanté par les romantiques, d'Alfred de Vigny à Victor Hugo, la renommée des eaux thermales pyrénéennes jointe à la vogue grandissante des bains de mer attira dans notre région les touristes britanniques qui fuyaient le manteau d'usines aux fumantes cheminées dont la révolution industrielle avait recouvert l'Angleterre.
Parmi les officiers de Wellington, qui laissa pour prix de son occupation du château d'Arcangues, en 1813, une belle cafetière qui y est encore conservée, on trouve un certain Sir William Bellairs. Il avait participé à cette campagne contre l’armée française en Espagne qui s'acheva aux portes de Bayonne.
Son fils, Edmund-Hook-Wilson Bellairs, d'abord capitaine dans l'armée britannique puis parlementaire et magistrat, adopta Biarritz comme lieu de résidence.
Il y acquit quelques terrains, sur lesquels il édifia sa villa, appelée "Emilia" du nom de son épouse. Ce pastiche moyen-âgeux conçu par Viollet-le-Duc servit plus tard de siège au British-American Club, à la British and National Bank, sans oublier la Lloyds Bank qui se trouve maintenant à quelques maisons de là, sur l’avenue Edouard VII. Sans oublier le domaine de Françon avec lac piscine, tennis et écuries – « modèle pour l’aristocratie de l’Angleterre victorienne » bâti en 1882 par la famille Pennington-Mellor – et le Golf du Phare créé en 1888 sur les terrains de la société Nottingham et Cie.
C’était l’époque où la Reine Victoria visitait Biarritz et Saint-Jean-de-Luz !
Nous continuerons la relation de cette "épopée" dans notre Lettre de la semaine prochaine (à suivre).