A - On cite le christianisme comme première religion dans le monde, avec 31 % de la population, suivi de l’islam avec 24 %.
Si en 1910, 66 % des chrétiens étaient des Européens, en 2010 le total se réduirait à 26 %. Le christianisme serait aujourd’hui plus présent aux Amériques, en Afrique et en Asie. Ils se partageraient entre 50 % de catholiques, 37 % de protestants, 12 % d’orthodoxes et 1 % d’autres chrétiens...
La démographie demeure un autre vecteur important de la diffusion des religions du monde avec un taux de natalité plus élevé dans le monde musulman mais selon des évolutions qui changent encore le taux de fécondité entre pays d’appartenance islamique.
Les enquêtes européennes du fait religieux confessent que la part des « sans appartenance religieuse » en Europe augmenterait dans les neuf pays principaux de l’Europe de l’Ouest, passant de 15 % en 1981 à 34 % en 2008. En Tchécoslovaquie et en Estonie, anciens pays du bloc communiste, le taux serait même de 70 %.
Un partage contrasté, cependant, entre les pays de l’Ouest européen, en pleine décroissance religieuse, et les pays d’Europe de l’Est, en cours de croissance religieuse.
Ainsi, EVS - qui réalise ces enquêtes dans le cadre de « European values survey » - observe le déclin du christianisme dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest, particulièrement chez les plus jeunes appelés les « nonvertis », car nés dans le christianisme et se déclarant sans religion aujourd’hui.
Dans une autre enquête réalisée par PRC - Pew research center - d’août 2017 auprès de quinze pays d’Europe de l’Ouest, 71 % se disent chrétiens, dont 64 % en France.
Or, un changement de vecteur est en cours. On sait désormais que les catholiques et les protestants se disent davantage chrétiens que membres d’une église spécifique, et que sous la pression de l’islam sur un monde avec son évolution de flux migratoires, de violences terroristes et de mœurs différentes, davantage de « néo-chrétiens » voient le jour, selon des critères religieux ou culturels associés à des courants patriotes ou nationalistes nouveaux.
B - Le changement devient patent de la condition sociétale du christianisme ambiant.
Moins de pratiquants effectifs, moins de rites répétitifs, mais des appartenances à une famille d’esprit et de pensée, une éthique partagée de la vie, dans des réunions plus fluides, moins « encartées », auxquelles on participe plus qu’on n’appartient, dans des rassemblements plus sporadiques et moins réguliers. Conséquence de ce phénomène nouveau : la baisse de l’appartenance au christianisme augmente le nombre des sans religion ou des athées convaincus, et la déculturation des références des croyances et pratiques chrétiennes ne cesse de croître.
Personnages, récits, textes sacrés religieux, sont moins connus et peu compris. Le christianisme devient un langage symbolique étranger aux nouvelles générations. Vivre sans religion, dans la sécularité d’une vie s’apparente à une spiritualité laïque, comme une tendance du moment.
Cependant, dans un environnement nouveau, des courants d’évangélisateurs de rue qui ne faisaient pas partie de l’espace public en France, se manifestent sans fausse pudeur, sans crainte. Les « born again », nouveaux venus, apparaissent dans un monde où l’héritage religieux ne commande pas les libres choix effectués pour vivre en chrétiens de nouvelles générations.
C - Catholiques et protestants connaissent ces nouveaux courants dans leur église respective.
Etre religieux devient un libre choix quasi non conformiste, car se dire chrétien dans un environnement qui ne l’est plus laisse préfigurer une posture évangélique insolite, neuve et inattendue. Cette tradition existait chez les protestants d’appartenance évangéliste, elle s’exprime désormais chez les catholiques, les néo-convertis, loin des clichés – désormais datés - de l’enfouissement des croyants dans la vie sociale, de l’anonymat et du silence.
Chrétiens d’appartenance traditionaliste, charismatiques et protestants évangélistes, pentecôtistes adonnés à la mission évangélisatrice constituent aujourd’hui ce paysage religieux nouveau.
Le défi de la propagation de la Foi évangélique favorise le rapport transversal des églises et des chrétiens eux-mêmes. Catholiques et réformés sont confrontés aux mêmes défis sociétaux. Ils sont désormais entrés dans une ère post-œcuménique, mais non sans se confronter dans leurs rangs aux réticences à toute confession partagée au-delà des communautés séparées des origines. Dans une diversité relativement réconciliée il arrive le temps de relations de bon voisinage, d’initiatives et de coopération partagées qui permettent de restaurer une identité confessionnelle chrétienne ouverte et spontanée.
Un christianisme personnel, à travers les personnes bien plus que les hiérarchies institutionnelles, voit le jour.
Les évangéliques se définiront comme chrétiens plutôt que protestants, les catholiques partageant cette posture particulièrement autour des œuvres humanitaires et sociales qui permettent de la sorte de dépasser les susceptibilités de chacun dans cet environnement catholique où la rencontre du chrétien est un pas de plus vers le regard de l’autre plutôt que vers soi-même.
La mondialisation des églises chrétiennes - catholique et réformée - ajoute à ce courant les échanges avec les Eglises du monde. Plus extra européennes qu’européennes, majoritaire en Amérique et en Afrique, minoritaire en Asie, le christianisme connait sa mutation ad intra et ad extra. La rencontre de l’autre ajoute un visage multiculturel inévitable des communautés. Le langage, les rites, les célébrations, les rencontres inter personnelles en sont revisitées. Vivre de la sorte est un appel de la modernité, non de moins de religion, mais de religion autrement. Il ne semble pas supportable aujourd’hui de vouloir, sous couvert d’une laïcité totalitaire et sectaire, défaire ces populations venues d’ailleurs de leurs appartenances personnelles. Il est possible d’être séculier et religieux en se référant à des doctrines à partager et comprendre comme des horizons de sens à mettre en commun plutôt que de répéter inlassablement des conformités formelles sans vie et sans contenu.
Quand les religions changent le monde, il est possible que les mondes changent le comportement religieux des fidèles.
L’avenir du christianisme sera le prix de ces échanges partagés dans une vie individuelle et commune aux incidences sociétales du vivre ensemble et de la fraternité réelle. De la citoyenneté positive pour chacun.