Les Amis de la vieille Navarre organisent ce samedi à 17 h, salle d’honneur de la mairie de Saint-Jean-Pied-de-Port, une conférence intitulée « La politique linguistique de la Révolution française et la langue basque » par Egoitz Urrutikuetxea. Il n’est pas inutile de rappeler quelques vérités historiques à cette occasion...
Il est parfois de bon ton, à notre époque, de charger l’Ancien Régime de tous les péchés, en particulier d’une centralisation qui aurait combattu en France les langues et les cultures régionales… En revanche, la république à sa naissance les aurait favorisées : « la langue basque serait même devenue pour la première fois dans son histoire, si ce n'est une langue administrative à part entière, du moins celle qui accompagne les nouvelles pratiques politiques. Cette variation est le résultat de deux processus concomitants : celui de la politique de traduction liée à la nécessité du nouveau régime révolutionnaire d'enrôler les masses qui ne s'expriment pas en français ; et celui de la prise de conscience du fait linguistique, culturel, et identitaire particularisant, qui apparaît intimement lié aux valeurs qui sont véhiculées pendant la Révolution ».
Le particularisme linguistique « lié aux valeurs qui sont véhiculées pendant la Révolution » ? Vaste et mauvaise blague, typique de la réécriture de l’histoire qui a cours actuellement ! Car, les fameux hussards noirs de la république ont bien plus attenté aux langues régionales que les rois de France. Jusqu'à la révolution de 1789, la langue officielle du Béarn resta... le Béarnais ! Et en Labourd, sous les Anglais (donc jusqu'en 1451), la coutume voulait que seuls ceux qui parlaient la langue du pays, c’est-à-dire le basque, pouvaient prétendre à la charge de bailli, le représentant permanent du roi auprès de l'administration locale, en particulier le Biltzar qui siégeait à Ustaritz ! Par la suite, les sessions du Biltzar continuèrent de se dérouler en basque (même si les documents afférents étaient rédigés en gascon, langue "notariale", comme en Navarre). Car, les souverains français avaient coutume de considérer, par opposition au « peuple français » cher aux idéologues révolutionnaires, « les peuples de France », en fonction de la diversité des traditions, des langues et des cultures des provinces de France. Et de leurs « Privilèges », étymologiquement « lex privata » (ou particulières). Ainsi, chaque décision royale devait-elle être enregistrée par les Parlements provinciaux pour avoir force de loi localement, selon un système prétendant à un certain équilibre malgré d’inévitables abus et la progression d’un certain centralisme dans l’air du temps.
Le 4 août 1789, l’abolition de ces « gardes fous » avec la suppression des parlements, des statuts particuliers, des franchises, libertés et coutumes provinciales infligea à tout le pays les décisions parisiennes : s'ensuivirent, entre autres, l’éradication par la violence des langues régionales – malgré une traduction occasionnelle en basque, du moins au début de la Révolution, des dispositions les plus importantes de la nouvelle législation - et un nouveau découpage administratif faisant fi de l'histoire locale et des bassins de vie. Ainsi Barère, l’un des principaux inspirateurs et acteurs de la Terreur, estimait en janvier 1794 que « chez un peuple libre, la langue doit être une et même pour tous ». En juin de la même année, l’Abbé Grégoire présentera devant la Convention son « Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir le patois, et d’universaliser l’usage de la langue française » où il explique qu’il faut « consacrer au plus tôt, dans une République une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté ». En juillet, le décret du 2 thermidor An II impose le français comme seule langue de l’administration. On estime que les langues régionales, liées à l’Ancien Régime et que l’on appelle parfois idiomes féodaux, freinent la diffusion des idées révolutionnaires : ils doivent disparaître au nom de l’unification de la nation. Et à la fin du XIXe siècle, la Troisième République va accélérer l’uniformisation linguistique de la nation : l’éducation laïque et obligatoire enracinera à travers le français les principes républicains. Autre poncif éculé, malgré ce que veut nous faire croire le dessin animé « Gartxot », ce ne sont pas les chanoines de Roncevaux qui voulaient « réduire à néant la culture et la langue basques afin de soumettre un peuple libre », mais bien les curés qui avaient maintenu, envers et contre tout, l'usage de l’euskara dans les prêches (le sous-préfet de Bayonne envoyait des espions/traducteurs pour les surveiller à la belle époque des confiscations du patrimoine religieux en 1906), le catéchisme et, plus tard, dans la liturgie (grâce aux Bénédictins de Belloc). Sans compter tous les religieux qui avaient participé à la sauvegarde du vocabulaire basque qui se perdait et de la linguistique (chanoine Lafitte), des coutumes et de l'anthropologie (abbé Barandiaran), de la musique et des chants (Père Donostia), et combien d'autres depuis des siècles !