Mes débuts dans la musique, les premières émotions musicales sont marquées par le bain musical qui règne dans la maison familiale. Mon père est guitariste classique et flamenco et de très nombreux musiciens passent par la maison, il fait beaucoup de concerts et je les entends répéter dans la maison, des personnes de toutes nationalités ; des amis viennent et nous assistons à de longues soirées musicales, ponctuées de bonne humeur, de partage dans la simplicité.
Lors des vendanges qui ont lieu dans le village où nous habitons, de très nombreux Espagnols qui viennent travailler se réunissent le soir à la maison pour chanter et danser le flamenco : moments de partage, de plaisir, j’entrevois la musique comme une grande fraternité, un élément très chaleureux.
…Je commence le piano, et deux ans plus tard, le violoncelle. Mes jeunes années d’étudiant musicien ne m’ont pas marqué, j’écoute cependant en boucle sur des cassettes les morceaux qui me plaisent ou les moments intenses qui me marquent, l’apparition du Commandeur dans "Don Giovanni" de Mozart, le triple concerto de Beethoven, le double de Brahms, l’orage de la 6ème symphonie, des trios et des œuvres de Schubert. Lorsque nous allons en vacances, je suis bercé lors des voyages en voitures par les œuvres de De Falla, Granados, Sibelius…
Je progresse normalement dans le cursus du conservatoire, je suis un élève moyen qui travaille juste le nécessaire, je me questionne même en 3ème sur la poursuite de la musique. En seconde, je m’oriente vers les classes à horaires aménagés et je pars étudier en internat. Là encore, pas trop de souvenirs musicaux, plutôt de superbes souvenirs de camaraderie entre musiciens. Ce que je ressens encore, c’est une grande fraternité entre les élèves musiciens, je passe des moments forts et me sens appartenir à une nouvelle famille. A partir de mes 17 ans, je décide de m'engager pleinement dans la musique et je me mets vraiment à travailler !
Pour poursuivre mes études, je pars étudier à Lyon où je croise de superbes professeurs, comme Roger Germser que je retrouverai au CNSM en musique de chambre, et de superbes musiciens collègues que je recroiserai ensuite. Je suis recruté en temps que professeur assistant dans ce conservatoire en continuant mes études et découvre ma passion pour la pédagogie, je me sens dans mon élément et ne vois pas passer le temps.
Lors d’un stage d’été, je rencontre Sylvain Leprovost qui est maintenant soliste à l’Opéra de Paris en contrebasse : il fait du violoncelle, du saxophone et de la contrebasse, et il me dit de venir à Versailles où il y a un bon professeur de violoncelle.
Ayant obtenu mon premier prix, je me rends à Versailles avec Barbara Marchinkowska, une personnalité entière, slave et chaleureuse qui me fait sentir toute la chaleur et l’amour dans la musique. Je découvre aussi la contrebasse avec Sylvain, qui me joue « hommage à Bach » de Zbinden (une pièce contemporaine) et là, à 23 ans, un coup de foudre se produit, je veux absolument commencer cet instrument.
Le son grave et profond résonne en moi comme un appel et je me souviens de la citation de Kandinsky dans « du spirituel dans l’art » : « Le bleu développe profondément l’élément du calme. Musicalement, le bleu clair s’apparente à la flute, le foncé au violoncelle, s’il fonce encore à la sonorité somptueuse de la contrebasse… »
Ce sont des années très riches humainement et musicalement. Le conservatoire de Versailles est tout petit et j’ai, là aussi, cette sensation d'une famille de musiciens. Après mon prix de violoncelle et de musique de chambre que je passe avec le 8ème quatuor de Chostakovitch - œuvre que je veux absolument jouer avant de laisser le violoncelle -, je passe mon prix de contrebasse en un an avec un professeur qui m’encourage, me motive, me donne trois cours par semaine : Michel Crenne, qui me prête même son instrument pour aller passer le CNSM de Paris au bout de quatre mois.
C’est une période d’intense travail, j’ai 24 ans et je travaille 10 heures par jour pour rattraper le retard ; je me souviens de fins de journée où je rentre en boitant. L’exemple de ce professeur qui se donne pleinement pour ses élèves me marque, et je m’appliquerai à donner le maximum également pour mes élèves.
Je fais mon service militaire juste à côté, dans l’orchestre à cordes des troupes de marine, et j'y rencontre un contrebassiste, Cédric Carlier qui est voisin de chambre et avec qui je sympathise : il me dit d’aller à Lyon où il y a un bon professeur... donc en septembre, je passe l’examen d’entrée au CNSM de Lyon où je suis le seul, cette année-là, à y rentrer. Cédric est maintenant le professeur de cet établissement et soliste à l’Opéra de Lyon.
Le CNSM est une merveilleuse structure où l’on rencontre de fabuleux musiciens, une véritable ruche ; je suis tout de suite intégré à la grande famille des contrebassistes et je joue dans beaucoup d’orchestres professionnels, orchestre de chambre, petites formations et c’est là que commencent pour moi les merveilleuses sensations que procure la musique...
J’ai un réveil un peu tardif mais plein et entier. J’adore mon instrument, la musique et tous les univers musicaux. Je découvre l’Opéra, étant recruté à l’Opéra de Saint-Étienne et jouant souvent à l’Opéra de Lyon, je fais des remplacements de soliste à l’orchestre de chambre de Mulhouse (direction Christophe Poiget) où l’on réalise de fabuleuses tournées en Suisse, je fais des remplacements à l’Opéra de Lyon et l’Orchestre National de Lyon, à l’Orchestre de Montpellier où j’apprécie énormément la programmation musicale de René Koering, l’ambiance et le son de pupitre, et où je découvre le répertoire contemporain pour orchestre, tout le grand répertoire. Je suis dans un bain de musique, dans mon élément, très heureux.
Je me remets à la pédagogie, domaine qui m’a toujours passionné et qui fait partie de mon être. J’aurai comme colocataire dans la chambre du CNSM Yahn Dubost qui sera ensuite contrebasse solo de l’Orchestre de Radio France. Monsieur Cazauran, professeur passionné avec de grandes qualités humaines et pédagogue appelle certains orchestres afin qu’ils m’invitent un peu moins et que je puisse préparer mon prix dans de bonnes conditions.
Me voilà professeur au conservatoire de Chambéry, je rentre en classe de préparation au C.A. professeur de contrebasse. La même année, je réussis le concours de contrebasse deuxième soliste à l’Orchestre de Montpellier intérim, contrat de deux ans.
Dans cet orchestre, je découvre le plaisir d’évoluer dans un pupitre de contrebasses, la joie d’un travail en équipe et je ressens souvent la force de la musique avec des montées d’énergie et d’émotions qui me submergent, j’apprends à jouer avec les larmes aux yeux, les frissons et l’impression de ne faire qu’un avec le groupe, le chef, le public, et des œuvres qui me marquent.
Je ressens cette émotion et énergie qui ne me quittera plus, l’amour de la musique et, quelque soient les œuvres que je joue où les personnes avec qui je joue, j’aime m’engager à fond et donner tout ce que j’ai.
Je me souviens d’un merveilleux opéra avec le chef d’orchestre Eugénie Svetlanov, "Madame Butterfly" : rien que la présence du chef me donne des frissons, il y a une force et une énergie qui transcendent tout. J’apprendrais plus tard que c’était son dernier concert et qu’il le savait, il voulait terminer sa carrière avec l’opéra dans lequel il avait débuté en jouant le rôle du petit enfant sur la scène, sa mère étant la chanteuse. Il lève le point pour nous faire partir et l’abaisse avec une énergie incroyable. Je me souviens également de très beaux concerts avec des acteurs Sylvie Testu dans "Jeanne d’Arc" d’Honegger, Gérard Depardieu, Lambert Wilson en tant que récitant, leurs diction et présence m’impressionnaient, un concert avec Maurice Jarre où il dirige ses musiques de films, des fabuleuses œuvres de Mahler, "Le chant de la terre"...
Entre mon poste à l’orchestre, ma formation au C.A. et mon poste à Chambéry où je vais 10h le samedi, mes journées sont bien pleines. J’obtiens mon C.A. et décide de m’orienter vers la pédagogie, je prends alors le poste à Bayonne tout en gardant de très nombreux remplacements dans des orchestres.
Je vais alors très souvent à l’Orchestre du Capitole de Toulouse, du temps du chef Michel Plasson, à l’Orchestre de Montpellier et, parallèlement, je joue dans des petits groupes de musique, avec notamment Mathieu Neveol, violoniste virtuose, des musiques improvisées et contemporaines à Toulouse (Xinum), des tournées au Japon, au Maroc, à Malte…
Ma vie de musicien est comblée : je suis également contrebassiste solo de l’Orchestre Régional de Bayonne Côte Basque où on a la chance de pouvoir faire des projets divers sur tous les lieux du territoire, notamment les merveilleuses églises du Pays Basque, et tout le programme de musique de chambre pour contrebasse. J’apprécie de diriger un pupitre et de jouer auprès de collègues contrebassistes dans les salles de ma région.
Dans cet orchestre, maintenant "Orchestre Symphonique du Pays Basque" ou "Iparraldeko Orchestra", j’apprécie la proximité que l’on a avec les chefs d’orchestre, avec le public, ce qui permet de donner le meilleur ; j’ai le souvenir d’innombrables concerts avec ce bel orchestre qui, je l’espère, obtiendra un budget pérenne.
Au Conservatoire, j’ai la joie d’avoir de très belles classes de contrebasse avec des élèves qui se dirigent aussi vers la filière professionnelle. J’aime mon métier avec passion et je le trouve très complémentaire entre la pédagogie et les représentations artistiques.
Je rencontre mon épouse, et après la naissance de ma fille, je calme un peu mes activités artistiques extérieures : je ne cours plus d’un festival à l’autre...
En 2015, je réalise un de mes derniers rêves de musiciens (il va falloir que j’en produise de nouveaux) en créant avec Thierry Barbé, soliste de l’Opéra de Paris, l’Académie Internationale de Contrebasse de Biarritz qui a lieu tous les étés. Elle permet, dans un esprit d’échange et de partage, de rassembler des contrebassistes du monde entier, j’y joue un récital seul au Musée Basque de Bayonne.
Je réalise la chance que j’ai d’évoluer dans une région riche culturellement et de pouvoir transmettre ma passion tout en continuant à me produire artistiquement.