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Tradition
Pour la Toussaint (II) : les rites funéraires des romains
Pour la Toussaint (II) : les rites funéraires des romains

| François-Xavier Esponde 1299 mots

Pour la Toussaint (II) : les rites funéraires des romains

L’abbé François-Xavier Esponde avait déjà évoqué le culte des morts dans nos régions pyrénéennes – voyez : 
https://www.baskulture.com/article/actualit-et-tradition-du-culte-des-morts-dans-nos-rgions-pyrnennes-2625 
Cette fois, à l’occasion de la Toussaint, il nous entraîne dans l’Antiquité romaine.

1 – Le sens de la mort chez les Romains

Nous ne semblons en l’état avoir créé du nouveau, sinon adapté et adopté ces pratiques anciennes qui perdurent encore dans nos cités modernes.

Les Romains avaient le culte des morts et l’assurance que réussir ce protocole funéraire leur permettrait d’accéder à une vie par delà la mort. Superstitieux et religieux à leur manière, les usages des citoyens romains étaient assortis de règles, d’interdits et d’obligations.
En ne mêlant jamais l’espace du vivant et celui du gisant, l’incinération était la pratique funéraire commune à toutes les strates de la vie sociale, car tout un chacun, patricien, militaire, plébéien ou esclave connaissait ce destin du feu ultime et de la crémation obligatoire pour tous.

Placer les restes ou les cendres dans des ustrina, champs funéraires affectés à cet usage était la règle pour les plus aisés, la dispersion des cendres ou les fosses communes demeurait la pratique du plus grand nombre.
La pratique de la crémation sans règle spécifique semble avoir été abandonnée par le choix de conformer les rites funéraires à la Loi des douze tables interdisant toute inhumation des corps, obligeant à la crémation et régulant les dispositions à prendre pour toute mise en terre des cendres.

2 – Les Ustrina

Les champs funéraires ou ustrina hors les villes, permettaient ainsi d’imposer pour tous les mêmes règlements en usage.

En 390 avant JC, Tite Live rappellera de sus que désormais “les femmes disposeraient des mêmes droits que leurs compagnons, ou maris”, ce qui laisse supposer que jusqu’à cette date, elles étaient si peu considérées à l’heure de la mort et disposaient du service minimum à savoir la fosse commune des esclaves et des plébéiens !

Après l’invasion des Gaulois de la Ville éternelle, elles bénéficièrent de ces derniers de ce droit moyennant finance à leurs envahisseurs, de l’or, des bijoux, de l’argent en contrepartie pour disposer des bénéfices d’un rituel funéraire égal à celui des hommes !

La croyance apportée par la divinité Isis d’une vie après mort pour l’âme du vivant se répandit dans l’Empire conformant les rites funéraires à un supplément de faveur que celui de la crémation primitive sans disposition particulière dans les “ustrina” désormais créés pour accueillir les cendres et favoriser le culte aux morts peu en usage jusque là.
Il est ainsi rapporté qu’après le IIIème siècle l’enterrement suivant la crémation développait un rituel accompli pour honorer le disparu et l’accompagner d’un protocole de circonstance.

Rappelons que les chrétiens et les juifs de Rome demeuraient allergiques à toute crémation jusqu’au Vème siècle après J.-C., pour des raisons religieuses, mais durent se conformer aux lois en vigueur autour de toute mort et pour tous sans exception.

Rien de commun cependant aux funérailles des riches patriciens et de la plèbe ou du peuple en son ensemble peu ou pas favorisés par les rituels lors des funérailles.
Patriciens, militaires, gens de robe et de justice disposaient de services funéraires dignes de leur fonction pendant la huitaine qui accompagnait le jour de la mort.
Quant aux gens du peuple, ils étaient incinérés dès le lendemain sans autre faveur que la fosse commune ou un carré modeste de souvenir.

3 – Les rites funéraires domestiques.

Les rites domestiques autour du gisant instruisaient des règles imposées à ses familiers.

Le fils aîné du défunt recueillait par la bouche du mort le dernier soupir. Puis on dépouillait le cadavre de ses bijoux, de ses décorations, et on pratiquait la toilette du corps, le parfumait, l’habillait de fleurs, lui plaçait une pièce dans la bouche pour gratifier “Charon” du service rendu en permettant à tout défunt de traverses le siège des enfers, le Styx pour une gloire ultérieure, l’encensait et le conduisait vers la nécropole en procession, les pieds devant le déposant sur le bûcher hors de toute ville au son de la flûte et du chant des nénies.

Les hommes vêtus de couleur, les femmes aux cheveux défaits, les enfants de plus de six ans la tête couverte, on se rendait jusqu’à cette nécropole où le prêtre druide romain avait béni le sol d’une branche de laurier ou d’olivier, d’eau et d’autres senteurs traditionnelles.

Pour les plus aisés il était possible d’ajouter les musiciens, les flûtes et autres instruments à cordes, les masques de cire à l’effigie des disparus, la cohorte des pleureuses, et les proches jetaient dans le brasier des objets de valeur ayant appartenu au défunt pour gagner les faveurs des divinités, celles d’Isis, et de tant d’autres qui se réveillaient à cette heure du passage par le Styx et menaçaient la quiétude du gisant.

Un proche mouillait les cendres de vin, recueillait les restes pour les laver de parfum et déposait après un temps long de la crémation les poussières dans une urne de métal, d’orfèvrerie, de verres, de plâtre ou de bois selon la hiérarchie d’appartenance du citoyen .

Un an de deuil suivait pour la famille diversement réparti selon le degré de parenté avec le disparu.

Un déjeuner était servi à la nécropole autour du disparu pendant la crémation, puis après en famille pendant ce temps interminable et coûteux qui grevait le budget des familles romaines à l’heure de la mort : ”Novendiale sacrificium”

Un discours funéraire ou ”laudatio funeralis“ était lu au Forum pour les plus aisés qui organisaient un cérémonial imposant en présence de tous les amis lors d’une procession, où les costumes, les parures, les décorations, les musiciens composaient le défilé.
Le panégyrique ou laudatio était proclamé à la gloire passée du disparu.
Un temps important pour rappeler aux enfants quels étaient l’historique et l’origine de leurs familles, leur donner le sens de leur mission, traduire le cérémonial en reconnaissance patriotique par retour d’un devoir civique auquel les romains prêtaient foi et adhésion.

Les cendres étaient inhumées dans la propriété familiale pour les plus aisés, on prêtait un soin particulier à consumer les restes jusqu’à l’obtention d’une poussière blanche car le croyait on ainsi, le blanc était la couleur permettant à l’âme du disparu de franchir la porte du styx avec les meilleures assurances pour l’éternité !

Les obsèques de militaires donnaient lieu à une véritable parade, défilé, armes et instruments, pleureuses, masques, instruments de musique jusqu’au bouffon lui même singeant le disparu lors de cette procession insolite qu’on imagine de circonstance à l’époque et bien peu pour nous aujourd’hui.

Les rituels d’obsèques d’empereurs faisaient l’objet d’une décision du Sénat de diviniser ainsi le disparu, y renoncer et pour le cas ajouter des sacrifices humains, jeux funèbres et autres libations auxquelles les romains prêtaient un vif intérêt à l’heure de toute mort impériale.

Les proches observaient le deuil longtemps, une toge sombre chez les hommes, des vêtures sans bijou pour les femmes.
Jeux du cirque et autres distractions étaient interdits.

A l’ustrinia ou lieu de sépulture on plaçait selon le rang social, des stèles, des colombaria d’importance ou de dimension plus modeste, comme d’usage encore aujourd’hui.
Les colombaria demeuraient souterrains, les grottes sous terre de la ville le permettaient, car il était souhaitable d’observer une certaine précaution dans l’espace funéraire à distance du monde des vivants et de crainte d’éveiller les esprits maléfiques en sommeil en ces lieux.

Pompéi et les recherches archéologiques obtenues en cette cité donnent des indications intéressantes sur de tels sujets de curiosité.
Tombeaux volumineux et imposants pour les plus aisés, stèles et pierres tombales pour les autres, les urnes cabanes pour les plus modestes dévoilaient ainsi l’espace des disparus par la mémoire et des pratiques funéraires de nos ancêtres romains qui pour le cas arboraient un sens du souvenir qui n’a jamais quitté l’esprit des populations civilisées depuis lors.

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