L’église orthodoxe russe Saint Alexandre Nevsky (18, rue Jean-Réveil à Pau) accueillera les samedi 12 janvier (à 17h30) et dimanche 13 (liturgie à 10h30) les offices religieux de Noël.
Car l’Église russe (comme la plupart des églises orthodoxes) continue d’employer le calendrier « julien », d’où le décalage actuel de 13 jours accumulé au cours des siècles, soit le 7 janvier, date transférée à Pau au dimanche suivant afin de faciliter la venue depuis Paris du Père Nicolas Rehbinder, et l’assistance des paroissiens… Rappelons que le calendrier julien tient son nom de Jules César qui prévoyait, avec une année standard de 365 jours divisée en 12 mois, un « jour intercalaire » ajouté tous les 4 ans, ce calendrier ayant été réformé en 1582 par le pape Grégoire XIII afin de compenser le décalage dû aux années bissextiles (par rapport aux saisons astronomiques) accumulé au fil des siècles (environ 11 minutes chaque année).
Bien qu'en Russie, sur le plan liturgique et civil, la fête de la Nativité ne revêtait pas l'importance des cérémonies pascales, contrairement aux coutumes occidentales, de nombreuses traditions populaires entouraient cependant cette festivité que célèbrent dans les églises russes de Pau et de Bordeaux les descendants de l'ancienne colonie russe auxquels se joindront d'autres orthodoxes de diverses origines séjournant dans la région.
En l'absence de réveillon proprement dit (car réservé à la nuit pascale), les fidèles assistent d'abord à l'office de vigile de Noël, appelé « Sotchelnik », suivi d'un repas comprenant des noix, figues, dattes et autres fruits secs destinés à se restaurer après le long carême de l'Avent. L'arbre de Noël avec la crèche, venu d'Occident au XIX siècle, était toujours à l'honneur, et même lors de l'émigration consécutive à la révolution de 1917, chaque association ou paroisse organisait le sien (plus d'un million d'exilés avaient ainsi recréé - surtout en France - toute une vie sociale, avec la reconstitution de lycées, hôpitaux, églises, parfois installées à titre précaire dans des appartements privés, établissements d'enseignement, maisons de retraite et institutions caritatives).
Des coutumes d’avant le christianisme
A Biarritz, dans les années 30, des membres de l'aristocratie qui avaient réussi à sauver quelques rares bribes de leur fortune passée donnaient sans compter à des œuvres de bienfaisance, particulièrement pour les enfants. C'est ainsi que naquit à Salies de Béarn la « Maison de l'Enfant Russe » grâce à la Duchesse de Leuchtenberg qui réunit toute la Côte Basque en 1928 au cours d'une fastueuse nuit de charité à la Chambre d'Amour. Avec la Princesse Narychkine, et autour du recteur de l'Eglise Russe, le père Tseretelli, elle organisait à Biarritz « l'Arbre de Noël Russe » qui voyaient M. Prisselkoff et quelques autres membres du chœur, dresser d'immenses sapins à l'Hôtel des Nations (situé sur l'ancienne place Port de Lannes, actuelle Libération) ou au « Château Basque » (la Villa Belza, qui portait ce nom, appartenait alors au pétersbourgeois Beliankine qui y organisait de grandes fêtes russes). Enfants et adultes participaient à l'ambiance joyeuse par leurs chants et danses.
Tout comme au pays natal, dans les quartiers à forte concentration de russes, des jeunes précédés d'une étoile illuminée faisaient le tour des appartements et des maisons en chantant des « Koliadkis » (les villancicos d'Outre-Bidassoa) et recueillant des friandises et des gratifications. Accompagnée de musique, de danses et de jeux, cette coutume païenne antérieure au christianisme (du nom d’une idole appelée « Koliada ») s'est transformée en une glorification de la Naissance du Christ. La procession des joyeux jeunes villageois, souvent déguisés avec des masques, est remerciée par les maîtres de maison : ils lancent dans le sac porté habituellement par le chanteur de « koliadki » un saucisson, du pain ou un sou de cuivre, selon leurs ressources.
Cette Nuit de Noël inspira d'ailleurs un conte fantastique au célèbre écrivain Nicolas Gogol, dans lequel on voit le diable essayer de s'emparer de la lune pour mystifier les bons chrétiens se rendant à l'office du « Sotchelnik », mais obligé de renvoyer l'astre trop chaud d'une main à l'autre... Le démon tenta également un jeune forgeron en le transportant de son village d'Ukraine dans la Pétersbourg illuminée à l'occasion des fêtes (en 1828) : « Le forgeron volait toujours, et, subitement, il aperçut Saint-Pétersbourg, brillant de tous ses feux. Le diable sauta prestement, par-dessus une barrière, se transforma en coursier, et Vakoula, se vit, galopant en pleine rue.
Seigneur Dieu ! Que de bruits et de clarté ! De part et d'autre, d'immenses maisons à quatre étages, dont les murs répercutent le tonnerre des sabots et des roues qui semblent jaillir du sol à chaque pas ; les ponts frémissent ; les carrosses volent ; les cochers vocifèrent ; la neige crisse sous les patins de milliers de traîneaux ; les piétons se serrent peureusement sur le trottoir ; leurs ombres gigantesques se projettent sur les murailles, de l'autre côté de la chaussée et rampent jusqu'au toit, jusqu'aux cheminées.
Le forgeron galopait, bouche bée de surprise. Il lui semblait que toutes les maisons écarquillaient sur lui leurs yeux de flamme et le dévisageaient »...
Puisque nous évoquons l’écrivain Nicolas Gogol (natif d’Ukraine), comment ne pas exprimer une pensée émue à l’endroit des chrétiens orthodoxes ukrainens de l'église canonique en butte aux persécutions des extrémistes du « Secteur de Droite » soutenus par les autorités mises en place à Kiev par les USA et leurs affidés de l'Union Européenne : ainsi, à la veille de Noël, devant les menaces de mainmise sur l’église de l'Exaltation de la Sainte Croix à Vinnitsa en Podolie, des milliers de fidèles affluèrent à la cathédrale pour la défendre d'une saisie, rejoints par le métropolite du lieu, Barsanuphe, et de nombreux prêtres. Grâce au calme de Mgr Barsanuphe et au grand nombre des fidèles assemblés, la provocation des militants masqués et armés du « Secteur de Droite » se termina sans violence. Plus tard, une des participantes à cet épisode déclara : « Nous n'avions pas peur, bien que nous ne savions pas si nous allions pouvoir rentrer chez nous. Nous savions que nous étions une grande famille, et que nous étions là pour défendre notre Foi ».
Offices de la Nativité à l’église orthodoxe russe Saint Alexandre Nevsky (18, rue Jean-Réveil à Pau) samedi 12 janvier (à 17h30) et dimanche 13 (liturgie à 10h30), renseignements : paul.pochitaloff@bbox.fr