0
Histoire
Napoléon et Garat avaient failli réaliser le « Zazpiak-Bat » !
Napoléon et Garat avaient failli réaliser le « Zazpiak-Bat » !
© DR

| ALC 969 mots

Napoléon et Garat avaient failli réaliser le « Zazpiak-Bat » !

La prochaine rencontre du nouveau président de la nouvelle Communauté d’Agglomération Pays Basque, Jean René Etchegaray, avec le Lehendakari du gouvernement d’Euskadi, Iñigo Urkullu, qui devrait se rendre à Bayonne le 1er février prochain, ainsi que l’éventualité d’une visite de la présidente de la Navarre, réuniraient ainsi, ne fut-ce que symboliquement, les sept provinces basques « dispersées » au vent de l’histoire, recréant la mythique devise « Zazpiak-Bat » (les Sept [provinces] [font] Une). 
Rêve de nationalistes basques ou marche vers une future réalité ? Or, les opposants à ce « songe mirifique » affirment souvent que le Pays Basque en tant qu’Etat n’avait jamais existé car il n’y eut jamais d’Etat ni de souverain qui ait régné sur l’ensemble du territoire basque.
Historiquement, ce n’est pas exact, même si l'union des provinces basques, au cours de leur longue existence, ne fut effective qu’en une seule occasion, sous le règne éphémère de Sanche-le-Grand, entre l’an Mille et 1035.
Et en l’espace de ce millénaire, une autre tentative de réunion des Basques sous un même gouvernement eut bien lieu… Sous Napoléon, qui s’était établi à Bayonne pendant quelques mois (en 1808) afin de régler à son avantage « l’affaire d’Espagne » et mettre son frère Joseph sur le trône de Madrid !
Mais déjà auparavant, en 1794, lors de la campagne de Moncey, et de Harispe dont les troupes de « chasseurs basques » s’étaient enfoncés dans la vallée de Baztan et jusqu’en Biscaye, la Junte de Guipuzcoa, assemblée à Guetaria, avait demandé la formation d’un Etat neutre, sans obligation ni avec l’Espagne, ni avec la France.
Cette tentative fut durement réprimée par le commissaire de la révolution – doté du titre abusif de « représentant du peuple » - Pinet, celui-là même qui avait organisé la déportation des Basques du Labourd quelques mois auparavant, en février 1794.
Une nouvelle demande de la junte, réunie cette fois à Mondragon, fut étouffée aussi violemment par les révolutionnaires français.
Une quinzaine d’années plus tard, le 7 juillet 1808, après que Carlos IV et Ferdinand VII avaient renoncé à la couronne de Castille, Napoléon réunit à Bayonne des députés et des intellectuels espagnols, pour leur faire approuver une constitution espagnole de caractère « libéral ». Les représentants des Provinces Basques du Sud y défendirent les libertés coutumières ou fueros de leur pays en proposant un Etat Basque au sein de l'Empire français.
Sans succès !
En revanche, une tentative sérieuse faillit aboutir lorsque Garat - il s’agit de ce Garat d’Ustaritz qui avait représenté le Tiers Etat du Labourd aux Etats-Généraux de 1789 avant d’être nommé ministre de la Justice sous la Convention - donc, Dominique-Joseph Garat, qui avait l’oreille de Napoléon, écrit à l’intention du souverain un rapport sur les populations d’Espagne.
C’était, hélas, avant que l’Empereur ne s'enfonce dans la campagne de Russie en 1811…  Un document joint à ce rapport préconisait l'établissement d'un Etat, appelé Nouvelle Phénicie, destiné à rassembler les populations des deux versants des Pyrénées. La Nouvelle Phénicie, intégrée dans l'Empire, dotée de tout l'équipement impérial, réaliserait, sinon l'unité, du moins, l'union des Provinces basques, obtenue une seule fois, au cours de leur longue histoire, sous le règne éphémère de Sanche-le-Grand.
Et Garat de solliciter la tutelle directe et personnelle de l'Empereur sur ce projet de futur Etat « basque ».
Quels étaient ses arguments ?
« ... Le Basque, comme le Phénicien, ne peut voir la mer sans voir en elle une source de fortune, de gloire et de grandeur ; c'est son instinct et cet instinct devient facilement dans tous les Basques une passion. Dans les temps modernes, les Basques n'ont pas figuré dans l'histoire de la navigation en corps de peuple, comme les Phéniciens dans les temps antiques ; mais comme individus ils ont égalé ou surpassé l'audace et le courage des faits les plus éclatants dans l'histoire des flibustiers, des corsaires, des flottes, dans les récits des tempêtes et des combats qui ont eu lieu entre les deux hémisphères. La gloire de la découverte du nouveau monde est restée à Colomb ; les Basques la lui ont disputée et l'auraient, je crois au moins, partagée avec Colomb s'ils avaient su comme lui parler à l'Europe et s'en faire entendre »...
Or, à l’époque, les Anglais imposaient un sévère blocus à la France dont la flotte et les arsenaux – patiemment reconstitués sous Louis XVI - avaient énormément souffert de la désorganisation coupable des autorités révolutionnaires qui livrait une marine affaiblie au plus redoutable des amiraux ennemis, Horatio Nelson. Ce dernier, malgré la bravoure désespérée des marins français (parmi lesquels un Dalbarade, de la famille des corsaires biarrots) avait détruit une partie de cette flotte lors de la bataille d’Aboukir en août 1798, privant de toute communication avec la métropole Bonaparte en pleine campagne d’Egypte… Garat savait donc que les projets politiques nourris à l’égard de son Pays Basque natal auraient l’oreille de l’empereur : « ...des escadres et des flottes ne se créent pas en un instant, mais tandis qu'ils seraient sur les chantiers on en formerait les équipages des deux Biscayes sur les corsaires qu'on lancerait bientôt sur toutes ces mers placées précisément sur la route des deux Indes en Angleterre (…) On reverrait sur l'océan ce qu'on n'y voit plus depuis un siècle, une vraie guerre de flibustiers ; elle désolerait la marine marchande des Anglais et formerait les équipages qui sur nos escadres et sur nos flottes ne tarderaient pas à combattre et à vaincre la marine militaire de ces dominateurs insolents des mers ».
Hélas, la retraite de Russie en 1812 et la déconfiture des armées napoléoniennes en Espagne ne permirent pas à Garat de faire aboutir auprès de Napoléon ce projet d’Etat basque. Sans cela, qui sait, peut-être habiterions nous aujourd’hui dans une Confédération basque, comme la Confédération helvétique ou suisse dont Napoléon avait déjà imposé en 1803 l’Acte de médiation. Il portait d’ailleurs à cette occasion le titre de « Médiateur de la Confédération suisse »…
ALC

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription