En Afghanistan, après avoir, entre autres, interdit aux femmes l’accès à l’école et l’université, aux parcs et jardins, aux terrains de sport et tout récemment aux salons de beauté, la musique est la cible des talibans : le ministère des mœurs afghan a envoyé au bûcher des instruments et équipements musicaux confisqués samedi 29 juillet dans la province de Herat, jugeant la musique
« immorale ».
« La promotion de la musique entraîne une corruption morale et le fait de jouer de la musique égare les jeunes », a déclaré Aziz al-Rahman al-Muhajir, responsable du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice de la province d’Herat (ouest).
Joignant le geste à cette parole consternante, les talibans ont fait un bûcher d’instruments de musique qui a vu partir en fumée une guitare, un harmonium, deux autres instruments à cordes et un tabla (sorte de tambour) ainsi que des enceintes et des haut-parleurs !
En effet, si l'on consulte le Coran, la sourate 31, en son verset n° 6, dit (traduction rapprochée du sens du verset) : « Et parmi les gens, il y en a qui, dénués de science, achètent de plaisants discours pour égarer hors du chemin d'Allah et pour le prendre en raillerie. Ceux-là subiront un châtiment avilissant. » Plusieurs savants de l'islam rapportent que les compagnons de leur prophète assimilent ces « plaisants discours » à la musique et à tout ce qui s'y rapporte.
Les hadiths (commentaires du Coran ou propos rapportés des premiers compagnons de Mahomet) authentifiés par les quatre écoles musulmanes abondent dans ce sens. On lit dans le Sahih de Boukhari (n° 5590): « Il y aura des gens dans ma communauté qui vont rendre licites l'adultère, la soie [dans le vêtement des hommes], le vin et les instruments de musique »... De même chez Abou Daoud (Sounan, n° 4924) : « Abdallah Ibn 'Omar (qu'Allah les agrée lui et son père) a entendu un instrument de musique. Alors il a mis les doigts dans ses oreilles et s'est éloigné du chemin. Il m'a dit: Ô Nafi' ! Est-ce que tu entends quelque chose ? J'ai dit : Non. Alors il a enlevé les doigts de ses oreilles et a dit : J'étais avec le Messager d'Allah (que la prière d'Allah et Son salut soient sur lui) lorsqu'il a entendu une chose comme celle-ci et il a fait comme je viens de faire. »
Certains « vérificateurs », notamment dans l'islam hanbalite (suivi en Arabie saoudite), précisent que les instruments illicites sont les pianos, les flûtes et les instruments à cordes. Le tambour est généralement admis (mais pour les femmes seulement), tout comme les chants guerriers ou anashid, qui servent de fond musical, depuis la fin des années 90, aux vidéos d'attentats tournées par les groupes terroristes islamistes du monde entier....
En Toscane, au festival Puccini, le chef d'orchestre dirige "La Bohème" les yeux bandés
Certes, "comparaison n'est pas raison", et heureusement on ne brûle pas d'instruments de musique en Italie. Mais on "vandalise" en quelque sorte les partitions les plus célèbres, par exemple lors du Festival Puccini qui a lieu traditionnellement en Toscane, à Torre del Lago Puccini, une localité où se trouve la villa qui vit le célèbre compositeur italien écrire certaines de ses oeuvres et dont la chapelle intérieure conserve sa sépulture.
Ainsi, le mois dernier au festival Puccini de Torre del Lago, comme il préférait ne pas voir la mise en scène de Christophe Gayral, le chef d'orchestre Alberto Veronesi, par ailleurs président du comité d’organisation des célébrations du centenaire de la mort de Puccini en 2024, avait dirigé les yeux bandés une "Bohème" dont la production avait situé l’action pendant les événements de mai 1968 ! Alberto Veronesi avait particulièrement critiqué la fin de l’opéra, dans laquelle, après la mort de Mimi, Rodolfo lève un poing fermé.
Le chef d'orchestre Veronesi ayant déclaré que si la mise en scène ne changeait pas, il dirigerait de nouveau les autres représentations les yeux bandés, le président du festival lui retira au la direction de la suite de la série, cela « afin de le soulager » et « pour tirer de l’embarras les musiciens d’orchestre et les artistes ».
Les "valeurs européennes" : d'Ukraine au Royaume-Uni, haro sur Tchaikovsky... et les écrivains russes !
Au Pays de Galles, la direction de l’Opéra de Cardiff avait annoncé qu’elle annulait un concert consacré à des œuvres de Tchaïkovsky. Une décision qui avait soulevé une vague de protestations ; mais à Zagreb, Varsovie et Prague, des œuvres de Tchaïkovsky et Moussorgsky furent également déprogrammées, alors que passait également à la trappe le récital de Boris Berezovsky au festival Piano Folies du
Touquet !
La "Cancel Culture" ne s'arrêtant pas là, le ballet "Casse-Noisette" de Tchaïkovski fut, pour sa part, accusé de véhiculer des stéréotypes racistes...
En mars de l'année dernière, j'avais déjà publié un article intitulé "Délirant : haro sur la musique russe et ses interprètes en Europe !"
https://baskulture.com/article/dlirant-haro-sur-la-musique-russe-et-ses-interprtes-en-europe-4639
La jeune et déjà réputée pianiste donostiar Judith Jauregui qui avait débuté ses études au Conservatoire de Saint-Sébastien, n’avait pas hésité à réaffirmer : « En ces temps de tragédie et de guerre, la musique est plus nécessaire que jamais »...
Il semble bien que son message de paix n’ait pas été réellement entendu, du moins en Europe, si l’on en juge par des attitudes et des actions littéralement « délirantes » !
Des attitudes et des actions tout aussi « délirantes » avec cette "dérussification des bibliothèques" en Ukraine (selon le chef adjoint du comité sur la politique humanitaire et d'information de la Verkhovna Rada, le parlement ukrainien, Yevgenia Kravtchouk) qui vit la destruction de "quelques 19 millions d'exemplaires de livres". Pardon : "pas détruits mais recyclés en papier", corrige "France 24" !
Sans compter les bustes de Pouchkine "déboulonnés" (comme les statues de Christophe Colomb aux Etats-Unis)... Mais il semble que l'on n'ait pas encore touché à celle de Richelieu à Odessa : le fondateur de la ville (au nom de l'impératrice Catherine II) était le neveu du maréchal duc de Richelieu, gouverneur de Guyenne et de Gascogne, qui avait tant embelli Bordeaux à la fin du XVIIIème siècle, et fait construire le Grand-Théâtre.