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Musée Basque à Bayonne : la défense de l’identité du Pays Basque vue par Pierre Loti
Musée Basque à Bayonne : la défense de l’identité du Pays Basque vue par Pierre Loti

| Alexandre de La Cerda 1103 mots

Musée Basque à Bayonne : la défense de l’identité du Pays Basque vue par Pierre Loti

Le Musée Basque de Bayonne présentera à partir du 18 janvier et jusqu'au 1er septembre des tableaux, photographies (notre photo de couverture : Pierre Loti au milieu des pilotaris) et autres documents, issus de ses propres collections, de celles de la Maison de Pierre Loti à Rochefort et de prêteurs privés avec en exergue ce cri d’alarme lancé en une du Figaro par Pierre Loti qui déplorait alors « L’Agonie de l’Euskal Herria », dénonçant les « exploiteurs », « spéculateurs » et autres « malfaiteurs inconscients » qui, par leurs projets d’aménagement et de construction, sapaient les fondements de cette terre qu’il aimait tant, « dernière réserve de calme et de beauté »
Avec en toile de fond de sa prise de position, les grands travaux en cours pour la création d’Hendaye-Plage sur des dunes désertes en bordure de l’océan.

Conçue dans le cadre du centenaire de la mort de Pierre Loti, en collaboration avec l’Association Pierre Loti Hendaye/Pays Basque, l’exposition Pierre Loti et L’agonie de l’Euskal Herria donnera à voir les changements profonds qui affectaient le Pays Basque dès le début du XXème siècle à travers les prises de position du grand écrivain et artiste pour la défense des paysages et de l’identité du territoire.

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Pierre Loti, officier de Marine ©
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C'est  en 1891 que Loti, lieutenant de vaisseau et déjà académicien, avait découvert le Pays Basque à la faveur de son affectation au commandement de la canonnière le "Javelot" stationnée sur la Bidassoa. 
Le « charme » et « l’âme ombrageuse » du pays, ses paysages, ses habitants, leur langue, leurs traditions, tout avait nourri en lui un profond attachement. 
Il acheta une maison et s’efforça de vivre simplement en fréquentant les "locaux". Cette passion donna naissance à de multiples écrits ainsi qu'à l’un de ses ouvrages les plus célèbres, "Ramuntcho" (1897), immense succès adapté au théâtre en 1908 avec une musique de scène composée par Gabriel Pierné qui en tira deux ans plus tard deux suites orchestrales.
 
Pour nos lecteurs mélomanes, indiquons qu'un enregistrement de ces suites a été réalisé par l'Orchestre Philharmonique de la BBC dirigé parJuanjo Mena chez Chandos Records (2011) et qu'il existe un enregistrement d'extraits de 1929 avec Pierné lui-même dirigeant l'Orchestre Colonne, réédité depuis lors sur CD par Malibran Records dans une compilation des enregistrements du compositeur.

Quant au livre "Ramuntcho", ainsi que les "Nouvelles du Pays Basque", ouvrage inédit des récits « basques » composés par l'écrivain au fil de ses 32 années de séjour à Hendaye, ils ont été (re)publiés par les éditions Kilika / voyez notre article :
https://baskulture.com/article/nuits-de-nol-au-pays-basque-par-pierre-loti-grce-aux-rditions-de-kilika-6649 

De Pasajes à Isturitz avec Pierre Loti

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Pierre Loti sur la terrasse de sa maison hendayaise ©
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Dans mon livre "Nathalie de Serbie, la reine errante", je relate comment "Pierre Loti, dans son bel uniforme d'officier de marine, sensible aux honneurs, se rendait volontiers aux invitations qui le flattaient", en l'occurrence une vente de charité organisée par la souveraine exilée à Bidart. 

On trouve également beaucoup d'anecdotes sur Loti dans les mémoires de Gheusi : le directeur de l'Opéra Comique avait acquis un des pavillons au bas du château du baron de l'Espée à Ilbarritz, ce qui lui avait donné l'opportunité de faire des randonnées au Pays Basque avec Déroulède (exilé hors de France), l'écrivain Juliette Adam dont le salon parisien constituait le rendez-vous obligé des "gloires" de la IIIème république... et Loti ! 

Ils visitèrent en particulier Pasajes pour retrouver les traces de Victor Hugo. Avisant "un robuste grison, la barbe drue poivre et sel, le cheveu ras, l'oeil cerclé de marbrures, qui battait du tambour avec violence :
- Loti, cria Juliette Adam, regardez cet homme !
- Eh quoi ? fit le doux rêveur, séparé soudain de ses songes.
- Regardez-le ! insistait Juliette Adam. Je vous en prie : à qui ressemble-t-il ? Dîtes-le ! Allons donc ! Mais vous êtes aveugle : c'est Hugo ! C'est lui, tout craché. Je vous dis que c'est son fils ! 
Ma foi, murmura un de leur compagnon de randonnée, c'est fort étrange, il faut en convenir... Enfant d'une batelière, une fille-mère, peut-être une de celles dont Hugo parle avec admiration. On sait bien ce qu'il était, le séducteur !"

Gheusi décrit encore un Loti "victime de nombreuses jalousies, surnommé « animal musqué » car il se fardait pour cacher son teint blême (...) distant en apparence, parce qu'il était timide : Loti, l'excellent officier Viaud, était trop au-dessus des camaraderies banales du métier pour être compris ailleurs que parmi des coeurs d'élite, émerveillés de son génie particulier"…

Pierre Loti aux grottes d’Isturitz

On connaît son amitié avec le pilotari azkaindar Jean-Pierre Borda « Otharre ». Amateur de virées nocturnes de « gauasko lana » avec les contrebandiers « maritimes » de la baie de Txingudi, Pierre Loti a également laissé de très nombreux écrits sur ses « pérégrinations » en Pays Basque, telle cette description des grottes d’Isturitz :
« Nous voici dans la grande nef. Au milieu, malgré cette obscurité de rêve où tremblent nos petites lumières, on distingue vaguement quelque chose de gigantesque, qui se dresse dans une pose presque humaine ; c'est tout blanc et laiteux, cela semble un colosse en albâtre, qui essaierait de toucher la voûte avec sa tête ...
Notre guide nous emmène dans plusieurs galeries latérales où sont pétrifiées toutes les variétés de ces êtres qui hantent les cauchemars. Les stalactites (..), sont groupées là par familles, par formes à peu près semblables, comme si les Génies de la grotte avaient pris la peine de les classer. Telle galerie est consacrée plus spécialement aux franges légères, si fines quelquefois qu'on les briserait en les touchant ; elles descendent de partout comme une pluie figée, elles pendent de la voûte en guirlandes innombrables...
Ailleurs, ce sont comme de longs doigts de cadavres, tantôt ouverts, tantôt crispés en griffe ; on dirait des collections de bras et de mains, les uns absolument géants, qui seraient appliqués, enchevêtrés, superposés à profusion contre les parois froides ... Quand nous revenons dans la première nef, notre guide allume un feu de paille, et l'obscurité lourde s'en va, se recule dans les bas-côtés, dans les couloirs profonds d'où nous venons de sortir. À la lueur de cette flamme rouge, la haute voûte de cathédrale se révèle, apparaît toute festonnée et frangée ; le colossal spectre blanc, entrevu tout à l'heure à l'arrivée, semble tout à fait une femme drapée dans des voiles, et son immense ombre monte, descend sur les parois de ce lieu un peu effroyable... Alors on reste confondu devant la raison des choses, devant l'énigme des formes, devant le pourquoi de cette magnificence étrange, édifiée dans le silence et les ténèbres, sans but, au hasard, à force de centaines et de millions d'années, par d'imperceptibles suintements de pierre ».  

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