Par les temps tourmentés que nous vivons, de guerre, de menace et d’implosion de nos mondes divisés, la "Piéta" de Gustave Moreau, peintre des années 1826-1898, fut peinte en 1876 (notre photo de couverture). Elle nous aide à méditer sur ce temps pascal décalé par les événements du monde.
Une peinture à l’huile sur un petit panneau de bois s’adresse à des contemporains des peintres impressionnistes auxquels l’auteur n’appartient pas.
Il choisit le symbolisme qui ne peint pas ce qu’il voit mais ce qu’il pense au travers des signes et des symboles forts de son temps, inattendus dans leur unité et leur caractère.
Ceux qui le critiquent sont saisis par la force de sa connaissance introvertie, ceux qui l’admirent sont eux aussi troublés par sa méditation du monde qui l’entoure.
Les détails de ce chef-d’œuvre sont inspirés de la mythologie la plus primitive des hommes, la plus barbare et de la tradition biblique d’une expression humaniste de l’art que les hommes ont acquis au fil des siècles durant.
Un parfum de myrrhe envahit un défilé montagneux situé au plus bas d’une gorge vertigineuse.
Le profil en son unité est grave, amplifié et d’un réalisme saisissant !
Une couleur longe ainsi le déploiement de l’aile d’un ange, puis se prolonge en suivant une ligne qui passe sur les genoux de la Vierge Marie sur lesquels repose le corps du Christ mort.
Selon le commentaire la diagonale descendante représente le tragique de la destinée humaine qui après la traversée des larmes et d’une vallée d’épouvante entre deux montagnes escarpées, débouche inévitablement sur la mort.
Posée sur un rocher sous l’aile de l’ange céleste, scintille l’urne précieuse d’or renfermant la myrrhe offerte par le mage Balthazar et qui embauma selon les Ecritures le corps gisant de Jésus.
La représentation de Marie et de son Fils semblent provenir des tableaux de la Renaissance italienne plus vrais que nature, plus parlants que toutes les images saisissantes et réelles de la vie.
Le manteau de Marie reprend le bleu de l ‘aile de l’ange pour rappeler au témoin son origine divine.
Comble infini du génie Gustave Moreau fait surplomber cette scène par le Saint Esprit sous l’apparence d’une colombe jaillissante d’une lumière indéfinissable.
Dans la morsure la pire de la mort, il y a une espérance qui se nommerait la foi !
Nombre d’artistes au coeur de leurs créations ont aimé représenter par un oiseau surplombant les épisodes tragiques allant de la déploration jusqu’au matin de Pâques de Jésus.
On le rappelle pour la dernière oeuvre de Titien la superbe piétà en arrière plan de laquelle figure le pélican, ce cœur aimant de père qui donne ce qu’il a de meilleur à ses petits, ou encore chez Mantegna qui ajoute la chouette hulotte.
Directement rapportés par le psaume 101 où le contemplatif angoissé de ces scènes intenses et tragiques est comparé à un pélican ou à quelque oiseau de la famille des strigidés. A contrario, oiseaux rapaces agissant nuitamment, dévastateurs et redoutables !
L’artiste révèle son talent de génie.
Les commentaires ne tarissent que de questionnements.
Gustave Moreau se serait-il égaré dans sa passion sur l’image du saint esprit tel que traditionnellement représenté par toute autre tableau de l’annonciation?
De peu de crédit chez ce peintre cultivé de culture païenne (non chrétienne) et biblique assurément chrétienne.
De toute évidence disent les critiques d’art, le peintre a choisi de livrer la lecture personnelle de son rapport à la piétà lui ajoutant une méditation allant au delà du mystère contenu dans cette réalisation.
Marie serait doublement mère de l’enfant Jésus à la vie périssable, la même mère accomplissant dans la mort de Jésus une opération mystique du Saint Esprit qui enfante déjà la résurrection ! La vie éternelle de ce dieu qui nous sauve, “Yeshua” !
Par les temps tragiques que nous traversons, de sommets de montagnes de la brutalité, de figures d’innocence sacrifiées de mères fuyant avec leurs enfants les épouvantes de la violence, de ces oiseaux de mort qui hantent l’imaginaire des témoins de l’horrible, Gustave Moreau témoin des années 1870, nous donne et fait revivre cette intuition sublime de l’esprit souverain à peine évoqué par le bleu d’un ange céleste de lumière, pour ces figurants d’un imaginaire sombre, qui aspirent à délivrer cet épisode de l’histoire mortifère du présent du sort de l’absurdité de toute guerre, sans autre espérance que demander sens de leur sur-vie !