Lorsque l’on franchit la porte de la cathédrale de Bayonne, on s’y trouve accueilli par une statue imposante et sombre de Saint pierre, copie exacte de celle de saint Pierre à Rome, installée par Mgr Gieure comme évêque de Bayonne.
Point de visage de cet homme sinon pour tout visiteur, saint Pierre lui même !
Les circonstances de son ordination épiscopale par le pape Pie X à la basilique de la ville sainte sont connues.
14 évêques de divers diocèses dont celui de Bayonne, Lescar & Oloron recevront de la main du pape lui même la charge épiscopale de leur diocèse en mauvais état suite à la confiscation des biens religieux, de la fermeture des petits et grands séminaires, en somme de la débandade complète d’une institution agressée, volée et pillée par des mains indélicates pendant ces années 1905 et suivantes de triste mémoire.
Bayonne Lescar Oloron n’en furent épargnées.
Et le constat établi par Mgr Gieure prenant ses fonctions après la vacance épiscopale qui dura somme toute de 1902-06 du diocèse de Bayonne, il fallut prendre la mesure et de l’amplitude des ruines de l’institution saccagée de l’extérieur, et par trop souvent déroutée de sa mission de l’intérieur.
Le jansénisme des uns, les relents du gallicanisme des autres ajoutent à la division interne de la communauté diocésaine.
18 décembre 1907 : François-Xavier Gieure mesure l’ampleur des confiscations commises par les Inventaires de lEtat sur les biens d’églises, couvents, séminaires, bibliothèques, maisons paroissiales, collèges et établissements scolaires, biens et propriétés des paroisses et de “leurs fabriques”, comprenez les associations propriétaires de l’époque.
33 pages du Journal Officiel de l’époque recensent le nombre des biens “empruntés” pour la noble cause, par des malfaisants sans scrupule et sans respect.
Parfois revendus en sous-main par les individus sans scrupule des Domaines, le constat général est amer, le champ des ruines profond !
L’évêque est face à un océan de désolation, et la parole de circonstance prononcée et rapportée par ses proches témoins est, Il faut reconstruire la maison « église » en ruine !
Sans ressources, confisquées elles aussi par l’autorité publique devenue de surcroît économe de subsides pour assurer la marche de la vie ecclésiale, seule solution - et pour l’heure imprévisible -, instaurer un denier du culte dans tout le diocèse de Bayonne Lescar & Oloron géré par l’épiscope et ses services au bien de garantir des ressources pour le clergé, le personnel peu ou pas payé des œuvres paroissiales, et établir des comptes désormais connus et rendus publics par les paroisses, pour obtenir la garantie d’une légitimité de ces dividendes.
L’année 1915 est une année de guerre, les efforts pour restaurer la provision comptable des églises dès 1909 est mise à l’épreuve.
Les chiffres sont éloquents, les ressources à l’arrêt, il faut innover et relancer la Propagande de la foi, de ses Oeuvres et de toute mission. Les tarifs des messes et services religieux sont relevés, et controlés, les professeurs laiques des écoles religieuses obtiennent quelques aides pour leur bénéfice, les prêtres âgés envisagent le retrait et l’obtention d’une Assurance Vieillesse encore embryonnaire, l’idée d’une Coopérative Diocésaine fait ses premiers pas.
Par bien souvent les familles recueillent leurs prêtres âgés ou impotents faute de mieux !
1922 la Caisse de retraites du Clergé est née au bénéfice des plus âgés, malades ou indisponibles bien souvent relégués dans les familles faute d’autres solutions alternatives.
La fermeture définitive de trois séminaires dans le diocèse, Bayonne - Lahubiague, Larressore et Oloron par l’autorité publique fait rugir et fulminer Mgr Gieure car, seule solution pour l’heure, il faut rebâtir à Bayonne un nouveau séminaire, à Ustaritz un petit séminaire, et en Béarn rural, restaurer l’institution ecclésiale pour les enfants et le séminaire à Nay.
Mgr Gieure ne craint guère l’adversité, ses amis se comptent et tous ses détracteurs aussi.
Comment oser de rien refaire le monde, sachant que toute autorité publique ne concède à restituer les biens confisqués et que la seule alternative est de mettre la main et les hommes à l’ouvrage !
Mgr Mathieu, évêque de Aire & Dax, diocèse dont fut issu Mgr Gieure, rapporte dans son éloge funèbre que seule la force de l’esprit pouvait expliquer l’impétuosité de cet homme venu des Landes voisines et devenu évêque de Bayonne et du Béarn : il ne doutait ni de la Providence, ni de la solidarité des fidèles en tous ses
projets !
La complicité connue du Landais et du Basque de Hasparren faisait l’admiration et la détermination de ces deux hommes à la besogne.
En 1914, on comptait au séminaire de Bayonne nouvellement bâti, 60 élèves en formation ; à la mort de Mgr Gieure, ils seront 200.
L’encrier de Mgr Gieure est en ébullition constante, dans un style souverain, parfois acide et jamais insignifiant, l’évêque parle et écrit comme il le fait dans un ton direct et clairvoyant.
Les Lettres Pastorales appellent à l’action et à l’efficacité : il en fut l’architecte par lui même, bâtisseur ouvrier de la première à la dernière heure, il sera aussi le promoteur d’initiatives moins connues, la Croisade Eucharistique à laquelle il invite les congrégations religieuses, et toutes les âmes zélatrices de la foi, il en existe nombreuses entre Pau et Bayonne, et l’évêque le sait, sa consécration papale à l’évêché de Bayonne n’est pas le fruit du hasard, ou des opportunités du moment.
A Rome, on espère beaucoup de Mgr Gieure, et le choix de ce professeur supérieur de séminaire landais n’est pas fortuit.
Bayonne Lescar & Oloron sont au rendez vous, l’évêque s’y déplace souvent, quitte son palais épiscopal pour rencontrer et quérir la confiance de ses fidèles, ceux ci sont proches !
Les initiatives de cet évêque sont colossales, la construction d’édifices flambants neufs, séminaires, collèges, coûtent de l’argent, mais l’auteur de ces projets s’adresse à ses amis en gascon, basque, béarnais, parfois en espagnol, et en français.
Et la main diligente des donateurs font confiance à cet homme incarné et zélé dont il sera dit, le zèle de ta maison me dévore !
« Relever les ruines d’un diocèse dilapidé », ne cesse de dire l’évêque, mais s’il le reconnaît, sa détermination reste sans faille
3 séminaires confisqués, mais trois nouveaux projets en cours pour les remplacer, Nay dispose d’un ancien couvent de dominicaines, et l’on y installe un nouveau petit séminaire, comme à Ustaritz ; Belloc le couvent bénédictin accueille les séminaristes de Larressore expulsés en attendant.
Le 29 septembre 1929, Ustaritz ouvre son petit séminaire Saint François-Xavier, à la fois collège et séminaire, en présence de Mgr Légasse, évêque basque, de Mgr Gieure, son ami, et de 500 anciens élèves de l’ex-séminaire de Larressore, venus pour confirmer l’évêque dans sa mission.
Et l’évêque n’en a pas encore fini avec ses projets de pierres et de bâtisseur.
Les nouvelles paroisses paloises et sur la côte basque naissent dans des quartiers inédits.
La Chapelle du Sacré-Cœur à Pau renvoie à celle d’Hasparren, du même nom, et connue comme Maison des Missionnaires basques,
La conviction de Mgr Gieure ne faiblit pas, les retraites sacerdotales auprès de la “soldatesque ecclésiastique” diocésaine sont annuelles, et les écoles catholiques renaissent dans le paysage scolaire de ce diocèse agité.
En 1920, un Synode Diocésain voit le jour, achevé en septembre 1920, et les projets pastoraux de l’évêque embrassent encore de nombreux sujets, religieux et profanes.
Bayonne et Pau adoptèrent ces propositions doublement, car ce qui prévaut pour les Béarnais a toute sa légitimité chez les Basques.
Le contenu de la formation intellectuelle des prêtres fit l’objet suivi de l’évêque, ancien supérieur de séminaire à Aire sur l’Adour, demeuré très au fait de cette vie antérieure avant son épiscopat.
Il y eut enfin un élément important des centres d’intérêt de Mgr Gieure, dans son diocèse basco-béarnais si pluriel dans les faits, le sens du régionalisme et de la musique qui sont restés un centre de polarité de sa jeunesse.
La langue gasconne, le béarnais, le basque ne lui semblaient pas des accidents de l’histoire, et les traditions culturelles, des obstacles à sa mission. L’école Gaston Phébus de Pau et du Béarn partage les objectifs de Mgr Gieure, l’amour de la musique, pas seulement liturgique, l’âme landaise de cet enfant de la terre voisine ne le quitteront sa vie durant.
Les maîtrises d’enfants dont celle de la cathédrale de Bayonne, les chorales, verront le jour, et l’on chargera le chanoine Dartiguelongue, du chapitre cathédral de la ville épiscopale, de rédiger un manuel pour permettre l’usage correct de la langue latine pour les nécessités liturgiques de la dite cathédrale !
On organisa encore un Congrès de Musique Sacrée à Bayonne, peut être le premier du genre, les 21-23 novembre 1913, avant guerre, mais les hostilités mettront un terme, pour un moment, à la tenue de telles initiatives de l’évêque, jamais à court de projets!
Du discours panégyrique de Mgr Mathieu lors de la mort de Mgr Gieure, suivie d’obsèques magistrales, au livre du chanoine Lamarque, professeur de l’institution Saint Louis de Gonzague à Bayonne, on retient l’empreinte laissée par cet évêque landais dans son diocèse voisin de Bayonne que les plus anciens n’ont pas encore totalement oubliée dans l’excellence des rapports que les Gascons landais et les Basques bayonnais entretenaient couramment entre eux, par-delà les situations livresques de l’histoire !
Sans anachronisme cependant par des comparatifs récurrents d’hier à aujourd’hui !