C’est le 11 février 1858 à Lourdes qu’eut lieu la première apparition de la Vierge à Bernadette Soubirous. Une décennie plus tard, en 1868, parut le livre « Notre-Dame de Lourdes » qui connaîtra un grand succès et est traduit en 80 langues. Son auteur Henri Lasserre sera félicité l'année suivante par le pape Pie IX qui reconnut ainsi implicitement ces apparitions. Bernadette Soubirous sera béatifiée le 14 juin 1925, puis canonisée le 8 décembre 1933 par le pape Pie XI. En France, sa fête est célébrée le 18 février.
Pour sa part, le pape Benoît XVI était venu à Lourdes en 2008, cent cinquante ans après le miracle des apparitions. Curieusement, c’est cinq ans plus tard, en 2013 - un 11 février (!) - que Benoît XVI annonça sa démission, une première depuis plus de sept siècles.
Auparavant, son prédécesseur Jean-Paul II avait mis deux fois ses pas dans ceux de Bernadette Soubirous, en 1983 et en 2004. Quant au pape François (élu en mars 2013), les années ont passé, il s'est rendu à Strasbourg pour visiter les institutions européennes, mais toujours pas de visite papale à Lourdes… Mgr Antoine Hérouard, délégué pontifical en charge du Sanctuaire de Lourdes, s'était bien rendu au Vatican en août dernier en invitant le pape à venir à Lourdes... Reste à voir quand celui-ci franchira le pas.
Or, ces apparitions avaient projeté sur le devant de la scène une ville dont on ne parlait pas beaucoup.
Lourdes était surtout connue pour son château-fort, longtemps disputé au moyen-âge entre les rois de Navarre, les Anglais et Gaston Febus qui avait également des vues sur la Bigorre afin de raccorder ses terres de Béarn et de Foix.
Lourdes devient également une étape sur la "route des bains" de Barèges, dont les sources servaient à soigner les soldats blessés et malades.
Mais c’est surtout à l'époque romantique que s'épanouit le thermalisme. Les Pyrénées sont à la mode. Le cirque de Gavarnie et l’ascension des sommets engendrent le "pyrénéisme". Le "tout Paris" vient y "prendre les eaux", surtout à Bagnères-de-Bigorre. On y rencontre Chateaubriand, Victor Hugo, Lamartine, George Sand.
Et la pieuse impératrice Eugénie qui fréquentait assidûment, parfois avec Napoléon III, les villes d’eaux pour améliorer une santé fragile. Sa présence dans la région, vous le verrez, acquiert une grande importance dans notre récit.
Mais n’anticipons pas. A quelques mois de ces événements – il y a 160 ans -, un catholique irlandais, Denys-Shyne Lawlor, qui avait choisi « le climat doux et la grande tranquillité de Biarritz pendant l’hiver » afin de se remettre « d’un de ces malheurs qui obscurcissent la vie » profita de son séjour pour parcourait les sanctuaires pyrénéens ». Voici comment lui apparut Lourdes, « à l’entrée des sept vallées du Lavedan, près du pic de Gers. Les maisons sont groupées sans ordre au bas d’un rocher, sur le sommet duquel semble perchée comme un nid d’aigle une imposante forteresse. Entre les arbres de la plaine serpente le gave, dont la course est rapide et fait tourner les roues de plusieurs moulins construits sur les bords. Le paysage autour de Lourdes est à la fois riant et grandiose ; prairies vertes, champs cultivés, bois épais sont encadrés d’un côté par la forteresse, et de l’autre par les pics neigeux qui se perdent dans les nues »…
Era Immaculada Councepciou
Le décor planté, que s’était-il passé ? Le jeudi 11 février 1858, Bernadette Soubirous, fille aînée d'une famille pauvre d'anciens meuniers, va ramasser du bois mort avec sa sœur et une compagne, le long du Gave, près du rocher de Massa Bielle (la Vieille Roche, en béarnais-bigourdan). La vision d'une « Dame » lui apparaît, à elle-seule, au-dessus d'un églantier, dans l'anfractuosité du rocher. La vision se renouvelle 18 fois jusqu'au 16 juillet 1858. Le 25 mars, à sa demande, inspirée par le curé de Lourdes, l'abbé Peyramale, la visiteuse céleste se nomme : « Que soy era Immaculada Councepciou » (Je suis l'Immaculée Conception), du nom même contenu dans la définition mariale dogmatique proclamée quatre ans plus tôt par le pape Pie IX !
Le jaillissement d'une source s’était joint au miracle de la révélation, toujours le même de Bétharram à Fatima : prière, conversion, pénitence. Rien ne fut épargné à Bernadette, on la prétendit « hallucinée », voire folle, et le zèle des autorités, devant l’afflux immédiat des pèlerins, défendit l’accès de la grotte au public, autant par mesure « d’ordre » que pour contrer quelque accès intempestif de superstition à une époque où la croyance en un développement infini de la science devait assurer le bonheur radieux de l’humanité.
Tourments auxquels mit fin, en partie, l'impératrice Eugénie qui séjournait alors à Biarritz. La souveraine, d’une santé fragile comme celle de son fils né deux ans auparavant, y avait envoyé l'amirale Bruat, gouvernante du Prince impérial, d’après l’historien Henri Lasserre.
Mais d’après la rumeur, Eugénie aurait visité elle-même la grotte « incognito ». Ce qui est plausible puisque le couple impérial marqua une étape à Lourdes le 19 août 1859, sur le chemin d’une cure à Luz Saint-Sauveur. La Providence n’y avait-elle pas incité Napoléon III à construire la voie ferrée vers Lourdes, achevée en 1866 ? Les autorités rouvrirent donc la Grotte.
Quant à la hiérarchie ecclésiastique, après des tergiversations et une longue enquête, l'évêque de Tarbes décida de faire ériger l'église souhaitée par la Vierge dans ses « entretiens » avec Bernadette dont on conserve un cliché pris en 1865. Il révèle, dans les yeux, la lumière laissée par l’apparition. Un regard comme hors du temps, qui contemple un univers secret, mais à notre portée !
Et le grand pèlerinage national de 1872 ouvrit l'époque de Lourdes, ville mariale.