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La critique de Jean-Louis Requena
L’Origine du mal (125’) - Film franco-canadien de Sébastien Marnier
L’Origine du mal (125’) - Film franco-canadien de Sébastien Marnier

| Jean-Louis Requena 633 mots

L’Origine du mal (125’) - Film franco-canadien de Sébastien Marnier

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Sébastien Marnier (DR) ©
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Laure Calamy et Francis Weber dans L'Origine du mal de Sébastien Marnier ©
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Stéphane (Laure Calamy) est manutentionnaire, au SMIC, dans une conserverie. Elle occupe une chambre, fort modeste, chez sa logeuse (Clotilde Mollet) qui lui intime brutalement, l’ordre de déguerpir. Abattue, elle est au plus mal ; elle part habiter, provisoirement, chez une collègue de travail. Malgré ses déboires, elle continue à être visiteuse de prison. Elle y noue une relation intime avec une détenue (Suzanne Clément). Orpheline, Stéphane est à la recherche de son père biologique et après plusieurs tentatives infructueuses, parvient à le joindre au téléphone. Elle prend rendez vous avec Serge (Jacques Weber), patriarche, qui habite une luxueuse villa en bord de la Méditerranée. Serge la reconnait immédiatement comme étant sa fille perdue de vue, oubliée, depuis des lustres. Il l’invite dans sa grande et magnifique demeure.

Dans la villa, somptueusement décorée, habite une famille pour le moins disparate : Louise (Dominique Blanc) l’épouse extravagante de Serge, George (Doria Tillier) sa fille, femme d’affaire excitée, et, leur petite fille rebelle Jeanne (Céleste Brunnquell). A ce trio toxique, s’ajoute Agnès (Véronique Ruggia Saura) une inquiétante servante, femme à tout faire à l’allure virile. Tout ce monde épie Stéphane qui n’est pas, en qualité auto proclamée de fille du patriarche, la bienvenue. Seul Serge semble apprécier Stéphane malgré ses maladresses de transfuge, d’intruse, dans cette famille richissime …

Qui est vraiment Stéphane ? Une prolétaire à la recherche de son père biologique, très riche ? Une usurpatrice ambitieuse ? Quelle est cette famille pour le moins dysfonctionnelle, sans affects apparents …

L’Origine du mal est le troisième long métrage de Sébastien Marnier (47 ans) également scénariste de cette histoire tortueuse et, par ailleurs, romancier à succès (Mimi – 2013, Une vie de petits fours – 2013). Cette comédie noire, déclinée en thriller psychologique lorgne, à l’évidence, du côté du cinéaste Claude Chabrol (1930/2010), grand pourfendeur de la bourgeoisie de province. Mais ici, l’intrigue complexe, à rebondissements, est plus noire quant au thème d’une transfuge dans un univers qui n’est pas le sien, qu’elle tente de manipuler pour y trouver sa place. 
C’est une lutte des classes feutrée entre les grands bourgeois et la prolétaire … mais c’est aussi plus que cela. Sébastien Marnier a choisi de tourner ce drame intimiste avec un parti pris esthétique : écran large (2.55 :1 !), belles images parfois anamorphosées (photographie de Romain Carcanade), décors et costumes « marqueurs » des personnages (exemple : Louise extravertie apparaît pour la première fois à l’écran nue sous une robe transparente !). 
D’autre part le réalisateur a défini sa grammaire cinématographique en lorgnant du côté du metteur en scène américain Brian de Palma (1940), en adoptant, comme lui, dans quelques scènes clés (humiliation/domination) le split-screen (écran divisé en plusieurs images) procédé permettant d’accélérer le rythme des scènes en montrant simultanément la réaction des personnages sans de fastidieux champ contre champ.

D’autre part, Stéphane Marnier a prêté une attention particulière au casting en choisissant des acteurs aux physiques contrastés : Laure Calamy (Stéphane) est petite et ronde par opposition à Doria Tillier (George) grande et mince (40 centimètres de différence !). Jacques Weber (Serge) est massif, lent, avec un ventre ventripotent à la Falstaff. D’ailleurs à cet égard, le cinéaste a déclaré : « Or, ce que j’aime au cinéma, c’est le langage du corps, la transformation, le travestissement ».

A l’évidence, tous les acteurs jubilent dans leurs rôles respectifs. Laure Calamy (47 ans) membre du collectif 50/50, comédienne chevronnée de théâtre (Molière 2018 pour Jeu de l’Amour et du Hasard), vue dans la série télévisée télévision Dix pour cent et récemment dans un road-movie hilarant (Antoinette dans les Cévennes – 2020) grâce auquel elle a obtenu en 2021 le César de la meilleure actrice. Elle démontre dans L’Origine de mal toute l’étendue de son talent en incarnant un personnage névrosé, mystérieux, manipulateur.

L’Origine du mal a été présenté en sélection officielle à la 79 ème Mostra de Venise (2022).

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