Son auteur est inconnu, son oeuvre universelle, publiée et diffusée en des myriades de langues du monde.
Bien souvent des livres aux dimensions universelles sont demeurés le travail des anonymes compilés dans un collectif et un patronage commun.
La Bible en est un modèle du genre.
"La devotio moderna" de L'imitation de Jésus Christ est le travail de générations successives, sans que l’on puisse identifier nominativement des auteurs, leurs disciples ou leur école de pensée.
On peut voir dans ce cheminement une quête inachevée à creuser un sens, ne le croire définitif, et d’en avoir perçu toutes les nuances.
Cette "Imitation de Jésus Christ" semble avoir un auteur probable en la personne du chanoine hollandais Thomas a Kempis (ou Thomas von Kempen, 1379 - 1471), mais elle garde le secret mystérieux de son auteur car non signée de sa main, bien que ce travail reste parmi les plus diffusés de l’histoire de l’édition, après la Bible...
Née à la fin du Moyen Age, période où les pratiques ascétiques et mystiques se développaient chez les moines, la rencontre avec l’humanisme du temps, a-religieux et intellectuel, donne un visage nouveau à cet échange spirituel de mondes qui se comparent, s’étudient et réfléchissent sur le sujet commun de l’Eternel.
L’Imitation de Jésus Christ fut un thème majeur de l’histoire de ces siècles habités par ces sujets jusqu’au début du XXème siècle.
Corneille ou Lamennais en ont adopté une traduction dans leur oeuvre.
Balzac et René Girard plus tard sont séduits par cette force mystique, Thérèse de Lisieux est de son temps, et connaissait ces thèses par coeur.
Aujourd’hui encore, pour des auteurs contemporains, sous d’autres vocables et d’autres familles spirituelles, l’Imitation de Jésus Christ est une source d’inspiration et de témoignage de vie individuelle par-delà les vocations de consacrés et de religieux.
D’un allant volontaire pour les uns, spiritualiste pour d'autres, le thème conforte le cheminement intellectuel de chacune de ces écoles sans les confondre ni les dissocier.
Il est utile de recueillir le manuel, ou le bâton de pèlerin, le sens de la marche et de la boussole qui donne une orientation personnelle aux disciples du Maitre spirituel que représente Jésus Christ pour des néophytes parfois ou de vieux routiers plus habitués de la chose.
Sous les apparences exigeantes et extrêmes des deux premiers chapitres qui se suivent, on perçoit le caractère quasi surhumain des recommandations et des exhortations inhérentes au modèle parfait des deux premiers livres.
Avis utiles pour entrer dans la vie intérieure, instructions pour avancer dans la vie intime pensées et rédigées dès le XVème siècle par des moines donnent une impression de perfection totale inaccessible au commun des immortels que nous sommes !
Car entrer dans l’imitation de Jésus Christ est entrer dans une intériorité telle que chaque jour de la vie est un pas avancé vers une forme de sainteté en voulant rejoindre le Christ en son esprit.
Redisant la phrase célèbre de Paul, l’apôtre de Tarse converti, “je vis mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi" Gal 2,20.
Impossible à un homme à vue humaine, mais une quête du bonheur intérieur de tout homme croyant qui y adhère dans un monde blessé par la violence, la guerre et les tribulations internationales.
Le rêve universel de la béatitude est légitime, hélas les urgences immédiates du quotidien amplifient la distance entre le vouloir et le pouvoir ce faire.
L’Imitation de Jésus Christ demeure intangible dans le principe cependant à modalité variable selon les moments de disposition intérieure de tout un chacun.
Comme une mise en garde de chaque instant gaspillé par les soucis de l’immédiateté, les ambitions personnelles ou la dispersion de l’intelligence.
Certains courants de pensée contemporains en ont fait des cercles de coaching manageant la volonté et le charisme des acteurs sociaux. Sans se réclamer d’une inspiration religieuse mais humaniste plus proche des modes de pensée actuels.
“Ne vous estimez pas meilleur que les autres, de crainte que peut être vous ne soyez pas pire aux yeux de Dieu, dit le texte, qui sait ce qu’il y a dans l’homme, s’il y a quelque bien en vous, croyez qu’il y en a plus chez les autres, afin de progresser en votre humilité”.
Dans ce récit les recommandations disputent aux promesses, "Jésus christ viendra à vous et il vous remplira de ses consolations. Il visite souvent l’homme intérieur, et ses entretiens sont doux, ses consolations ravissantes, sa paix est inépuisable et sa familiarité incompréhensible”.
Propos inhabituels dans le langage courant, de cette attitude bienveillante, apaisante et peu punitive !
L’Imitation est une école de progrès, selon le degré d’avancement possible dans la vie spirituelle.
La croix du poids d’une vie n’est jamais loin mais elle semble partagée par le Christ lui même qui vient à la rencontre là où nous sommes pour la porter avec nous “si vous vous confiez dans le Seigneur, la force vous sera donnée d’en haut” !
L’amitié personnelle ne serait aucunement dévaluée ni dispensée de la parfaire à celle de Dieu, les livres III et IV de la vie intérieure, du sacrement de l’eucharistie, sont le réceptable de cette intériorité de Dieu et de son fidèle.
Le silence et le détachement des deux premiers livres sont les conditions parfaites de l’échange amoureux que l’Eternel veut vivre avec sa créature, sa création humaine, pour la rendre plus libre de sa vie.
"Rien n’est plus doux que l’amour, rien n’est plus fort, plus élevé, plus fort, plus étendu, plus délicieux, il n’est rien de plus parfait ni de meilleur au ciel et sur la terre, parce que l’amour est né de Dieu et qu’il ne peut que se reposer en Dieu, au dessus de toutes les créatures” !
"Celui qui aime court, vole, il est dans la joie, il est libre et rien ne l’arrête”.
Le chemin de l’intériorité ne sera jamais achevé, par l’exigence morale ou spirituelle d’une perfection absolue personnelle sans cette rencontre avec Jésus le Christ.
"La sainte communion est le pain dont tout baptisé a besoin pour vivre et pour aimer, malade ou souffrant je viens à mon sauveur consumé de faim et de soif, je viens à la source de la vie, pauvre je m’adresse au roi du ciel” !
L’Imitation de Jésus Christ a rejoint des vies totalement insolites, peu disposées à la rejoindre jusqu’à cette rencontre fortuite dont Claudel, Paul de Tarse, Charles de Foucauld et bien d’autres ont fait un jour inattendu l’expérience intime dans le secret désir d’un ajustement de vie improbable à leurs yeux, possible à l’aune de l’Eternel !