L’hommage à Jean Haritschelhar aura lieu ce vendredi 10 novembre à 19h à la salle Plaza Xoko à Saint-Étienne-de-Baïgorry (entrée libre)
Cet automne, cela fait dix ans que Jean Haritschelhar (1923-2013) nous a quittés. C'est en évoquant sa disparition, au détour d'une conversation lors d'une soirée de l'Académie de la langue basque qu'est venue l'idée d'organiser un hommage à Baigorriko Haritza (le Chêne de Baigorri), pour reprendre le surnom donné par son ami Jean-Louis Davant. La proposition a été adoptée avec enthousiasme par les différents partenaires contactés et nous nous sommes rapidement mis au travail avec la Mairie de Saint-Étienne-de-Baïgorry, l'Institut culturel basque, la Chaire Jean Haritschelhar de l'Université de Bordeaux et Euskaltzaindia.
Certes, la soirée du 10 novembre ne suffira pas pour évoquer l'ensemble de l’œuvre laissée par Jean Haritschelhar dans la société basque, mais le rendez-vous à Plaza Xoko permettra au moins d'évoquer bon nombre de souvenirs, de travaux réalisés, d'idées et de moments vécus avec et par l'ancien président de l'Académie, l'ancien maire, écrivain, etc... toujours présent dans la mémoire des personnes l'ayant côtoyé.
À travers les témoignages des conférenciers et avec la projection d'extraits de films d'archives méconnus (Pantxoa Etchegoin, ancien directeur de l'EKE et expert basque, présentera des fragments vidéo inconnus des archives de l'INA et les habillera d'anecdotes parmi les intervenants.), l'objectif de cette soirée est d'offrir un espace où partager ces souvenirs et remercier par la même occasion, l'inestimable contribution du fils de Baigorri et ce dans une ambiance chaleureuse et amicale.
Intervenants :
Présentation de la soirée : Pantxoa Etchegoin.
Mot d'accueil du Maire de Baigorri : Jean Michel Coscarat
Antton Curutcharry : Jean Haritschelhar, plaza gizon
Lourdes Otaegi : Jean Haritschelhar, l'amateur de littérature et le chercheur
Peio Jorajuria : Jean Haritschelhar et l'hebdomadaire Herria
Andres Urrutia : Jean Haritschelhar, président de l'académie de la langue basque, Euskaltzaindia
Pour notre part, nous reproduisons ci-après un article de l'universitaire Jean-Claude Larronde, ancien président d'Eusko Ikaskuntza Iparralde :
Agur eta ohore, Jean Haritschelhar Jauna ! par Jean-Claude Larronde
Au-delà de la somme d’hommages rendus à juste titre à Jean Haritschelhar, au-delà de sa carrière exemplaire, de ses hautes fonctions, de ses titres et de ses récompenses, je voudrais insister sur son côté humain, sur ce qui en faisait un personnage extraordinairement attachant.
Jean Haritschelhar était proche des gens. Comment aurait-il pu en être autrement pour lui, fortement ancré dans ce Baigorri qu’il aimait tant, avec un père tailleur, un grand-père douanier et une grand-mère institutrice ? Certes, il a pu parler au président de la République, il a pu côtoyer le Roi d’Espagne et la Reine, mais il n’aurait voulu, pour rien au monde, renier ses origines de la vallée des Aldudes, sa condition de bas-navarrais conscient et fier de son identité.
Il fut tout d’abord comme beaucoup de ses jeunes compatriotes, un pilotari, champion de France de rebot à 20 ans, avec son équipe de la Zaharrer Segi de Baigorri. Plus tard, il lui paraîtra normal de maintenir et de transmettre cette tradition, si essentielle en Pays Basque et il s’investit avec bonheur dans la revue Pilota dont il fut l’un des fondateurs en 1970 et dans ce club des anciens champions, Pilotarien Biltzarra dont il fut le Président et dont il n’aurait pas manqué pour un empire le banquet annuel.
Catholique fervent, comme encore la majorité de ses compatriotes, il resta fidèle à ses idées de l’adolescence, au personnalisme d’Emmanuel Mounier. Ce courant ne cherchait-il pas justement à mettre au premier plan, la personne humaine ? Il y a quelques années, il offrit à la Ville de Biarritz pour sa médiathèque, la collection complète de la revue de ce courant, Esprit, dont le premier numéro date de 1932.
Il fut aussi et peut-être surtout, un enseignant et un pédagogue hors pair. Sa carrière, commencée avec le Certificat d’Etudes Primaires, se poursuivit à l’Ecole Normale de Saint-Cloud, jusqu’à l’agrégation d’espagnol en 1952. D’une vaste culture, il était capable d’explications de textes, « à l’ancienne », d’une clarté et d’une limpidité incroyables, qu’il s’exprimât en euskara, en espagnol ou en français.
Encore peu de temps avant de disparaître, il époustoufla son auditoire à Barcus avec deux conférences de haute volée sur le poète souletin Pierre Topet-Etchahun (1785-1862). Il y avait là du bonheur et la passion de transmettre. Et chacun dans l’assistance de se sentir enrichi.
J’eus la chance d’assister en juillet 1969, à la soutenance des thèses de Jean Haritschelhar précisément sur ce « poète maudit », à l’ancienne Faculté des Lettres de Bordeaux, cours Pasteur. Les thèses de Lettres n’étaient en rien des formalités ; elles lui demandèrent plus de dix ans de travaux ; la Société des Amis du Musée Basque eut le bon goût de publier rapidement les deux thèses : la thèse principale sur la vie du poète et la thèse complémentaire sur son œuvre. Le jour de la soutenance, venu spécialement de Bayonne pour l’occasion, lorsque je repris le train le soir, les discussions avec le jury, commencées tôt le matin, n’étaient pas encore terminées sous les voûtes de la vénérable institution !
Jean Haritschelhar était enfin un personnage chaleureux et convivial. Doté d’un solide coup de fourchette, il avait toujours su que le banquet n’était pas d’essence bourgeoise mais bien paysanne. Il ne crachait pas, loin de là ! sur le Remelluri (Rioja alavesa) et affectionnait tout particulièrement la « sobremesa », ces instants privilégiés de fin de repas où dans les volutes d’un « Monte Cristo » et les saveurs d’un vieil armagnac, la conversation prenait un ton libre et détendu sans que personne ne songe à regarder sa montre.
Agur eta ohore, Jean Haritschelhar Jauna !
Jean-Claude Larronde