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Junior
Lettre à un jeune
Lettre à un jeune
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| Guillaume d’Alançon 901 mots

Lettre à un jeune

Cher Jeune,

Permets-moi de t’adresser ces quelques lignes… Je ne suis ton aîné que de quelques poignées d’années… Dans mon cœur et ma tête somnolent quelques pensées qui me tiennent souvent éveillé, même la nuit.

Je résumerai cette missive en disant : si tu veux être heureux, apprends à persévérer, choisis l’effort plutôt que la facilité. Sois en certain, ce ne sont pas mes prouesses qui me donnent le droit de t’écrire, simplement cette solidarité humaine qui me laisse croire que si tu n’es pas profondément heureux je peinerai à l’être.

Oui, apprendre à persévérer, à durer, c’est marcher vers une joie profonde et durable. « Seuls le savent ceux qui en ont fait l’expérience » écrivait Bruno le Chartreux à la charnière entre le XIème et le XIIème siècle.

Nous avons tous au cœur la soif du bonheur, mais bien souvent nous nous y prenons fort mal pour le découvrir. Et que de déceptions ! Que de frustrations au final, alors même que nous avions choisi de ne point en avoir. « Tout, tout de suite ! », « Quand je veux, ici et maintenant ! », « Jouir sans entraves ! »… Ces mots d’ordre, ou plutôt de désordre, adages d’un moment, d’un soir sans lendemain… Tant de tristesse à la clef, et des larmes… Alors pour oublier on recommence : « Redonne-moi un verre l’ami ! J’ai soif de boire jusqu’à plus soif »… Et pourtant, plus je bois plus j’ai soif…

Et on enchaîne les flirts mais en réalité ce sont eux qui nous enchaînent. Les mois et les années se succèdent, les illusions sont tenaces, les désillusions aussi. J’avais pourtant une bonne gueule sur mon scooter quand je démarrai en trombe devant les filles à la sortie du lycée, quand je laissais ma serviette sur le sable chaud pour rejoindre les vagues respirant à plein poumons l’air marin…

Cher jeune, mon frère, ma sœur, je connais un proverbe qui dit « tout ce qui n’est pas donné est perdu ».

Et ce smartphone qui vibre tout le temps dans ma poche, ce réflexe que j’ai de poster sur Instagram ou ailleurs tout et n’importe quoi, ce baragouin que j’utilise pour exprimer le vide qui de plus en plus m’habite… TKT, LOL, Kiffe, Ckwa… Quelques mois, quelques années après, que reste-t-il de ces « communications » ? Que reste-t-il de ces « amitiés » plus que passagères ?

Oh, tu vas me dire qu’il n’y a rien de mal à poster une jolie photo sympa, de demander des nouvelles… Tu as sans doute raison. Mais point trop n’en faut. Après quelques années, où sont passés mes « amis » d’Insta ? Permets-moi de tenter une réponse : pas grand-chose, en tous cas pas de quoi donner sa vie pour de tels amis. Sauf quelques-uns sans doute, quelques vieux copains… que l’on revoit autrement, avec lesquels on a des discussions sérieuses, auprès desquels on peut craquer quand la coupe est pleine.

Ah oui, je voulais te parler d’un truc à la mode, un truc qui met mal à l’aise quand on en parle dans un groupe de plus de trois personnes. Un truc qui fait que quand on regarde une fille ou un garçon, au lieu de le regarder dans les yeux avec respect et simplicité, on regarde d’abord sa « gueule », ses « formes » … Oui, un truc qui fait que peu à peu on peut devenir un énorme handicapé de l’amour et prendre le risque terrible de ne plus savoir aimer. Je veux parler du porno. Alors là fais gaffe mon pote, c’est comme la coke, c’est dangereux dès la première prise. Si tu veux t’en sortir, y a des sites bien faits qui peuvent aider, un certain Eric Jacquinet a lancé un parcours là-dessus. Parles-en à quelqu’un de confiance de qui tu te sens proche et qui pourras t’aider.

C’est vrai, quand on est jeune, on se croit invincible, on n’a pas d’arthrose, ce n’est pas l’âge des cancers du sein ni des varices. Et pourtant… l’homme n’est jamais aussi fragile que lorsqu’il est jeune. Comme un arbre. C’est le moment où il développe ses racines, où il rejoint la nappe phréatique… ou pas. Et cette nappe phréatique est un trésor, spécialement parce qu’elle est durable. Si elle avait le malheur de disparaître, ce serait la mort de l’arbre. Et bien pour nous c’est pareil. Où est notre nappe phréatique ? De quelle qualité est son eau ? Est-elle assez profonde pour être pure ou bien nous contentons-nous des flaques de surface, de la vase des marais ?

Cher jeune, chère amie qui me lit avec patience, peut-être n’es-tu pas encore bien convaincu par cette lettre, mais je t’assure que la racine du bonheur consiste à planter ses racines dans la fidélité, dans la « durabilité ». A une heure où tout le monde veut sauver la planète et ses réserves d’eau, ne t’oublies pas, penses à toi, à ta paix profonde, à ta joie intérieure, celle que personne ni aucun événement ne pourra altérer. Va la chercher dans le silence, le contact avec la nature, la beauté et son Auteur. Garde-toi des moments de solitude pour être avec toi-même et entendre les vraies aspirations qui montent en toi. Et s’il te faut aller jusqu’à Compostelle, vas-y ; non loin de chez nous il y a Saint-Jean-Pied-de-Port dont le phare rassemble les pèlerins qui aiment la haute mer, les sensations fortes et puissantes.

C’est alors que tu rencontreras la femme, l’homme de ta vie, qui comme toi cherche l’absolu. Et vous vous marierez, et vous aurez beaucoup d’enfants.

Guillaume d’Alançon

 

 

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