Un événement exégétique et éditorial que de pouvoir lire en français les écrits araméens primitifs des quatre évangélistes sans passer par le grec ni le latin. C'est le travail d'un prêtre des Béatitudes, ancien d'HEC, militaire des Commandos Marines devenu prêtre et qui depuis vingt cinq ans s'intéresse à la langue araméenne et à ses manuscrits d'Egypte et de Jérusalem.
Sous le titre latin "Vetus Syra" vieux syriaque, la langue araméenne livre un récit spontané de l'esprit de Jésus et de la langue araméenne, version dialectique, disent les linguistes. Ce sont d'anciens manuscrits rédigés au II ème siècle en langue araméenne, la langue sémitique employée par Jésus.
Le mot en question désigne la langue liturgique des chrétiens de plusieurs églises orientales, dans l'ordre historique, orthodoxe et catholique, maronite, chaldéennes, syriaque ou malabare.
"Aujourd'hui cette version liturgique officielle des Ecritures sacrées en syriaque se désigne comme "la Peschitta" fixée au Vème siècle à partir de ces vieux manuscrits eux mêmes corrigés, disent les exégètes par les textes grecs des évangiles canoniques pour éviter de les confondre avec les apocryphes."
Le Père Etienne Méténier, traducteur en français de ces manuscrits rappelle que les deux ensembles manuscrits trouvés en Egypte fin XIX ème siècle sont les plus importants. et le plus complet était conservé au Sinaï dans le monastère sainte Catherine. Le second conservé au British Library à Londres proviendrait aussi du monastère des syriens dans le désert de Nitrie au sud-est d'Alexandrie, toujours en Egypte.
En 1970 la chute d'une paroi du lieu à sainte Catherine mit au jour des manuscrits inconnus à ce jour désignés comme "nouveaux manuscrits du Sinaï" de l'église de la Transfiguration. Soit des manuscrits importants de la Vetus Syra dont un dernier manuscrit découvert en 2023 se trouvait à la bibliothèque apostolique du Vatican.
Tous ces manuscrits sont des copies réalisées courant IIIème et IVème siècles, mais le vocabulaire et la syntaxe remontent à une rédaction antérieure, du IIème siècle.
Le traducteur de ce travail a voulu vulgariser ses recherches en publiant en français ce livre comme un manuel pour lire les évangiles. A l'aide de tableaux et de notes, pour connaître les expressions employées pour parler de Jésus ou de Dieu.
Jésus parlait un araméen judéo-occidental, dit le père Méténier, dont les textes de Vetus syria sont proches. Dès cette époque, les juifs étaient un peuple hautement alphabétisé et selon quelque probabilité, des auditeurs ont pu prendre des notes écrites de ce qu'ils entendaient. Ces notes ajoutées ont permis de composer les évangiles comme cela se perçoit dans l'évangile de saint Jean. Plusieurs auteurs, plusieurs versions et dialectes, le sentiment que l'on ne retrouvera jamais le texte unique de ces versions ultérieures, avant de pouvoir les unifier entre elles.
"Ce Vetus syra a son origine oralement et par feuillets dans ces premières communautés chrétiennes, issues de juifs en Israël, au Liban, à l'est du Jourdain et en Décapole, avant que ces communautés n'émigrent vers l'Orient et la Mésopotamie.
Ce qui nous est transmis, c'est dans le Nouveau Testament une grande diversité de textes, soit 25 000 manuscrits, déjà copiés avant l'imprimerie, dont 5800 en grec. Sans oublier, outre les manuscrits en grec, les 15 000 manuscrits en latin, 350 en syriaque, puis encore en copte, en arménien, en géorgien..."
L'exégète américain Bart Erhman aurait recensé 300 000 différences par rapport au canon grec !
La Parole de Dieu serait une polyphonie pour éviter des postures fondamentalistes, poursuivre un travail d'interprétation continu, et un accueil humble des textes par des croyants en recherche continue de la foi partagée.
Pour le Vetus Syra ou les évangiles seulement les manuscrits étudiés présentent 1562 variantes annotées en bas de page de l'édition du livre.
L'araméen est une langue concrète à la différence du grec héritier de traditions philosophiques séculaires. "Le verbe fait chair" se dit en araméen : "le verbe s'est fait corps pour l'exemple."
Comme guide et traducteur de cette langue araméenne, le Père Métenier cherche à nous déshabituer de la lettre de toute traduction et retrouver la saveur première de la parole. Autre exemple, "les amis de l'Epoux chez Mt 9, 15 ou Mc 2, 19 sont les fils de la chambre nuptiale" ! Saint Jérôme a conservé le texte en latin comme tel.
Retrouver le texte de l'écriture biblique, relire les notes, poursuivre la lecture et l'approche juive de l'Ancien Testament, comparer les sens d'un même terme et le contexte... Nous avons perdu en Occident, dit l'auteur, ce réflexe de revenir sans cesse à l'Ecriture. Et de citer comme exemple le Catéchisme de Saint Pie X qui ne cite, au milieu de 1800 articles, l'Ecriture Sainte que par deux fois !
"Il faut remettre la Bible au cœur des familles", dit le Père traducteur. Toute la vie chrétienne est une réponse à l'Evangile, toute la vie de l'Eglise doit jaillir de l'Evangile." Le livre est paru aux Editions Les Béatitudes au prix de 29,90 euros. Un événement éditorial par ses sources et le travail en français pour les lecteurs des Evangiles chrétiens.