1 – Les noces de l’Agneau ?
Dans la traduction récente du Missel Romain de décembre 21, la messe intègre cette désignation du repas des noces de l’Agneau dans la liturgie catholique universelle.
A l’origine il s’agira de deux citations des évangiles, de Jean au chapitre 1,29 à propos “de l’échange de Jean Baptiste et de Jésus” se retrouvant l’un l’autre.
Le propos porte en soi une parole prophétique sur l’identité divine de Jésus, car Dieu seul peut accorder le pardon des fautes.
Pour mémoire, le canon 1743 selon les historiens de la liturgie du Concile de Trente exprimait ainsi : “dans le sacrifice eucharistique, le Seigneur remet les crimes et les péchés, même ceux qui sont énormes”.
La seconde référence biblique trouve sa source dans le livre de l’Apocalypse 19,9 comme achèvement du projet divin vainqueur du mal.
Cette image des Noces de l’Agneau parle aux témoins et représente le Christ au milieu de la foule immense de ceux qui prennent part à ce repas divin.
Il y a chez tout un chacun un sentiment partagé que ce repas est unique, comme un avant-goût d’une rencontre céleste promise à tous.
Or on devine que les thèmes des Noces de l’Agneau viennent du premier Testament, de la bible hébraïque :
- “Celui de l’agneau s’enracinant en plusieurs traditions, fait référence à l’agneau sacrifié par les Hébreux lors de chaque pâque, avant de quitter l’Egypte comme relaté au chapitre 12 de l’Exode.
Consommé sur le chemin, en famille ou sur les routes du monde, ce repas est l’objet du sacrifice de la communion avec Dieu et entre les fidèles de Dieu comme célébré chaque année au sein du judaïsme en toute Pessah, selon la tradition.
Il faut compter en outre le nombre inouï d’agneaux sacrifiés au Temple de Jérusalem chaque jour tel que rapporté par le livre de l’Exode au chapitre 29.
Pour obtenir le pardon ces sacrifices quotidiens étaient l’objet attentionné des coutumes religieuses scrupuleusement suivies par les fidèles rendant ainsi la prévenance divine favorable aux croyants.
On raconte ainsi qu'en ce marché à ciel ouvert, nombre de servants et desservants tuaient chaque jour ces agneaux en grand nombre pour ce sacrifice expiatoire en suivant ces traditions à l’orientale qui se perpétuent encore de nos jours dans ce bassin méditerranéen.7
2 – Une inflexion au fil de l’histoire.
Une évolution notable se fera jour avec le Livre d’Isaïe au chapitre 53 identifiant “l'Envoyé de Dieu avec l’Agneau malmené qui s’humilie, n’ouvrant plus la bouche, et conduit à l’abattoir portant les fautes de la multitude”.
L’agneau objet devint sujet sacrifié d’un Messie nouveau, l’envoyé de Dieu pour l’humanité entière. Ce thème des Noces est prégnant dans les Livres prophétiques d’Osée, de Jérémie et d’Isaïe.
Le rapport avec l’Eternel est revisité selon le respect absolu des lois mosaïques et engageant une relation personnelle avec Dieu par-delà la contrainte rituelle des ordres du sacrifice incriminé.
Le Second Testament ou les Evangiles s’inspirent de ces thèmes anciens originels de la foi. Les premiers chrétiens proches des origines juives et recrutant au delà du cercle de ces communautés recherchèrent un langage original de telles pratiques pour la personne de Jésus.
La figure de l’Agneau pour les uns, celle de l’Epoux pour les autres, semblent faire la faveur de ces témoins, malgré ce caractère paradoxal à prime abord des noces festives des uns et du sacrifice éternel des autres autour du même thème de l’agneau divin sacrifié.
Au fil du temps, l’Agneau devenant la principale façon de désigner le Christ de la foi des chrétiens, chacun situa “l’agneau immolé sur la croix de la pâque", sacrifiant pour les péchés des hommes et se donnant comme signe de la communion.
Un sujet profond, qui conduit à la réflexion intérieure tout croyant sondé dans ce mystère de l’adhésion à ce sacrifice exceptionnel.
Le commentaire des prophéties conduira Jésus Christ à évoquer souvent le repas des noces dans les paraboles. Le repas sera important comme image et expression de cette présence du partage et de communion dans la convivialité.
Sans oublier les noces de Cana, inscrites dans nos images visuelles des miracles accomplis par l’auteur lui-même de son récit.
Par le retour à ces textes antiques déjà millénaires depuis les premiers chrétiens, ce langage adapté se fera jour d’un Jésus, ultime victime du sang des hommes, ultime agneau du sacrifice rédempteur, au-delà de la mort de la croix.
Ce Jésus-agneau du sacrifice ultime deviendra un agneau glorieux par-delà l’odieux de son trépas.
On devine que cette profondeur méditative et personnelle laisse d’aucuns devant le silence du mystère inachevé d’un retour espéré du Seigneur, et engage pour d’autres encore un retournement personnel de leur appartenance à la communauté des croyants qui ne trouve de terme à cette quête intérieure une vie durant.
Une fois encore il faut emprunter le langage des artistes qui exposent un tel projet divin pour en saisir l’éblouissement !
Le célèbre polyptique achevé en 1432 par les frères Van Eyck visualise cette scène de la liturgie eucharistique dans un paysage de perfection de la création originelle conjointe à celui de la Jérusalem céleste.
Cet agneau sacrifié est encore vivant, et regarde les fidèles, comme Christ incarné, le sang jaillit de son côté et se déverse dans un calice, les anges portent des instruments de la passion et l’on déchiffre les versets ajoutés sur les orfrois de l’autel : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, ou “je suis le chemin, la vérité et la vie” comme relevés dans le livre de l’Apocalypse, au milieu de foules convergeant vers lui, revêtues des habits de noces..!
On désigna ce tableau du titre de l’Adoration de l’Agneau Mystique, son expression est unique et fixe le mystère de ce message pour l’immortalité de la foi de cet Agneau divin qui nous interroge encore !