Dix-neuf religieux catholiques, dont les sept moines de Tibéhirine, assassinés en Algérie durant la "décennie noire" de guerre civile, seront béatifiés ce samedi 8 décembre à Oran (en l’absence du Pape), la première cérémonie du genre dans un pays musulman.
Les moines de Tibéhirine, dont le destin tragique a inspiré le film du Français Xavier Beauvois "Des hommes et des dieux" (2010) - Grand Prix du Festival de Cannes -, ont été enlevés en mars 1996 dans leur monastère de Notre-Dame de l'Atlas, à 80 km au sud d'Alger.
Les circonstances exactes de leur assassinat, annoncé le 23 mai suivant par le Groupe islamique armé (GIA), n'ont toujours pas été élucidées.
Seront béatifiés en même temps qu'eux samedi Mgr Pierre Claverie -évêque d'Oran et fervent défenseur du rapprochement entre les religions, tué dans l'explosion d'une bombe le 1er août 96- ainsi que cinq religieux et six religieuses assassinés par balles entre 94 et 95 à Alger et Tizi-Ouzou (une centaine de km à l'est d'Alger).
Cette cérémonie est "une manière de mettre en valeur" l'action de ces 19 hommes et femmes qui "ont choisi de rester en Algérie" au plus fort de la violence, de privilégier leurs "liens affectifs et amicaux (avec les Algériens) au risque de leur vie et qui en sont morts", a expliqué à l'AFP le cardinal d'Alger, Mgr Paul Desfarges.
La cérémonie sera diffusée en direct sur la chaîne KTO. En dehors du film “Des hommes et des dieux”, la vie et le sacrifice des 19 martyrs d’Algérie béatifiés a également inspiré le theatre, en particulier la pièce produite par un dominicain professeur à l’IDEO du Caire “Pierre et Mohamed”. Son auteur, Adrien Candiard, a repris des textes de Mgr Claverie. La pièce de théatre fut présentée en Avignon en 2011, mise en scène par Francesco Agnello, et reçut un accueil chaleureux et admiratif du public.
Le livre de son ami et proche collaborateur Jean Jacques Pérennès Directeur de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem intitulé “Un algérien par alliance” relate ses souvenirs et le témoignage de l’Evêque d’Oran assassiné.
Avec la célébration de la béatification des martyrs de l’Eglise en Algérie, nul doute que l’intérêt pour ces hommes d’exception ira croissant de la part du public.
Mgr Claverie né en Algérie, issu d’une famille établie depuis quatre générations dans ce département alors français fut hanté par la quête du dialogue nécessaire entre croyants issus du christianisme et de l’islam. Il en paya le prix de sa vie.
Le sang du martyre, semence de la Foi, se confirme dans le témoignage intense de Pierre Claverie et de ces religieux morts en service missionnaire.
Il est intéressant de noter que l’ancien archevêque émérite d’Alger, Mgr Henri Teissier a été récemment élu par la fondation Ala khouta el-Émir comme le lauréat du Prix Émir Abdelkader de la Paix. La cérémonie de remise du prix a eu lieu dans la wilaya de Mascara, la ville natale de l'Émir et la capitale de son royaume, dans l'ouest de l'Algérie, Azzeddine Mihoubi, le ministre algérien de la Culture, a affirmé que l'attribution de ce prix à Mgr Teissier à l'occasion du 186e anniversaire de l'allégeance à l'Émir Abdelkader (le 27 novembre 1832) « est une reconnaissance du rôle de cet homme et de son action en Algérie, contribuant à la compréhension entre les peuples et à l'amitié » entre les religions. Pour rappel, en sauvant les chrétiens en Syrie, l'Émir Abdelkader (pendant un certain temps en résidence au château de Pau) a été décoré par Napoléon III de la grande croix de la Légion d'honneur. Il également reçu la grande croix du Sauveur de la Grèce, l'ordre du Médjidié 1ère classe de Turquie, et l'ordre de Pie IX du Vatican. Abraham Lincoln lui a offert une paire de revolvers incrustés, exposés actuellement au musée d'Alger, et la Grande-Bretagne, lui a fait honneur en lui envoyant un fusil de chasse incrusté d'or.