La question de rentrée des manuels scolaires particulièrement de l'histoire demeure d'une sensibilité vive en France.
Et depuis ces derniers temps le sujet embrasse un enseignement universel de la civilisation occidentale revisité par des nations qui la remettent en question.
L'histoire de la Fédération de Russie et des programmes scolaires introduits par le président Poutine pour la rentrée en constitue l'exemple le plus immédiat de l'actualité sur ce sujet.
Les livres scolaires et ceux de l'histoire retenue du passé ont toujours fait l'objet de polémiques en France.
La révolution française ouvrit la voie de "la refondation" et de la révision des manuels scolaires, ceux en usage pour les plus scolarisés d'antan, la minorité noble et les clercs du pays.
On évoqua l'Ancien Régime et le Nouveau, et le vocabulaire usuel pour désigner les débats d'époque n'avaient rien à envier sur celui du remplacement des populations plus récent sur le thème des déplacements de population.
Dans les manuels les plus contemporains les thèmes des droits de l'homme, du féminisme, des théories du genre, des migrations, ceux de l'anti colonialisme à nouveau fervent, de l'écologie positive ou punitive des uns et des autres, deviennent des objets de lecture sociologique plutôt qu'historique selon les canons les plus conventionnels du passé !
1789 donna le ton en France et depuis 1880, par la IIIème République les livres scolaires qualifiés de "religieux", comprenez la senteur du moment, on pressa les Maisons d'édition scolaires et universitaires de produire des manuels inspirés par les Assemblées Populaires d'antan, des ouvrages subjectifs dans le fond et probablement peu objectifs dans la forme.
Parmi les auteurs référencés commentant ces livres sur le sujet, citons Brigitte Gaiti et son ouvrage Manuels scolaires et la publication d'une histoire politique, correspond à l'objet du sujet.
"En voulant refondre l'histoire au fil de l'actualité du moment, la politique supplanterait le contenu de l'enseignement principal de la matière en commentaire politique de la connaissance historique."
Le manuel scolaire considéré comme un système de valeurs, au service d'une idéologie et d'une définition de la culture communément acquise constituerait l'essentiel du manuel proprement dit, comme rappelé par Alain Choppin, universitaire dans sa mission d'auteur et d'interprète de ces livres scolaires.
L'histoire ayant décidé par ses lois propres de cet enseignement "à la française", la défaite face à la Prusse sous le régime de la IIIème République réveilla une haine anti religieuse dans le pays, rendant les cléricaux responsables par leurs alliances politiques de la situation du pays.
"Le Tour de France par deux enfants" fut le manuel le plus adulé de l'époque à la faveur des idées laïques de ce temps défaisant toute référence religieuse possible pour l'école , devenant ainsi "le petit livre rouge" de l'époque en faveur d'un laïcisme militant et revanchard.
Tout cela amena 1906 la séparation de l'Eglise et de l'Etat, les Confiscations et le sentiment diffus d'une haine nationale entretenue entre deux France, la blanche et la rouge de funeste mémoire !
Le temps des référents majeurs de la vie sociale autour de l'Eglise et de la République selon Jean Guiraud, auteur catholique fut dénoncé en 1811 par l'auteur comme étant "un résumé polémique de l'histoire de France passée."
Le ton d'époque laissant peu de place à débat, on acquit l'opinion que les Editeurs de manuels scolaires devaient endosser l'uniforme des plus inflexibles en chaque camp, les hussards noirs républicains d'un côté incarnés par les maîtres de l'école laïque, et les religieux engoncés dans leurs soutanes ou leurs habits religieux, deux mondes résolument antinomiques sur le même terrain et pour la même mission !
Ernest Lavisse, auteur choyé par les républicains dans son camp publia en 1884 "Le bréviaire des hussards", un livre de référence du contenu didactique de l'école qui demeura quasiment en référence jusque les années 1950 chez les maîtres d'école !
Il ne fallait en l'état "apprendre l'histoire par cœur mais l'apprendre par les cœurs" une histoire comme un serment vrai, national et intimement vécu par chaque citoyen au demeurant scolaire !
Les guerres ayant traversé le cours du temps, les prochaines encore à venir le sentiment patriotique devint le sujet majeur de l'école, face à l'adversité, faire front ensemble et livrer un sentiment profond d'unité nationale fragile et déchirée par des luttes politiques interminables.
L'historien F. Braudel inspira aux enseignants "un regard civilisationnel de l'histoire dans la durée et les enjeux économiques et sociaux du temps passé."
En quittant des voies sans avenir de division interne à la française entre cléricaux et anti-cléricaux, les cathos et les rouges, les blancs et les bleus, on menait des débats polémiques infertiles et sans espoir d'avenir.
Les manuels scolaires, ceux de l'histoire enseignée devenaient les signaux d'alerte de ce contenu didactique.
Pour un temps plus contemporain, le ministre Jean-Pierre Chevènement en 1985 voulut rattacher le sujet à l'actualité de la vie nationale et internationale par-delà la guerre de 1939 et les années suivantes, demeurées sujets tabous des manuels scolaires d'un débat public inavoué et inachevé par les politiques et les universitaires eux mêmes !
Vichy, la collaboration, la résistance, le patriotisme national pouvaient-ils attendre des jours meilleurs ?
Plus récemment encore, il faut citer l'Europe sujet toujours controversé chez les historiens, et les tentatives plus ou moins fructueuses en faveur de l'Union Européenne demeurées polémiques.
Un colloque international en 2005 prit les apparences d'une fronde universitaire des auteurs "disqualifiés par leurs détracteurs comme "télégraphistes de Maastricht".
Aux uns plus d'Europe, aux autres le service a minima, le déficit d'Europe, et l'euro-scepticisme départageaient les candidats, et tous ceux mandatés dans la rédaction des manuels d'histoire à l'intention des scolaires de France.
L'Europe et son enjeu futur représentait "un esprit des populations plus solidaire, l'existence au sein de l'Union de sociétés multi culturelles et multi ethniques", ce qui pour un enseignant conventionnel de l'histoire introduirait de la politique dans une matière voulue de neutralité objective !
Un expert en la matière, D. Borne, commenta pour l'Education Nationale française "la prégnance de la Méditerranée, carrefour des civilisations au XIIème siècle sous l'influence andalouse, où chrétiens, juifs et musulmans jouissaient d'une harmonie parfaite" (NDLR : ce fut loin d'être le cas en réalité, et les chrétiens furent terriblement persécutés à diverses époques de la domination musulmane d'Al Andalus).
Ce débat porta au delà du cénacle du ministère français des écoles, et fut comme une redite souvent répétée car on ne manquait de remettre sur le métier ces sujets qui fâchent à l'ordinaire les tenants de l'école laïque, de l'époque confessionnelle, et par défaut ceux qui désormais pratiquent les systèmes scolaires parallèles au grand dépit des institutions scolaires désarmées face à leurs influences sur les enfants !
Le risque permanent de flatter la matière ou d'en faire un objet manichéen entre enseignants, élèves, origines sociales et religieuses demeure en France continu.
La question du contenu des manuels dont dérivera l'enseignement distillé par le maître montre la complexité du sujet, la matière scolaire fait l'objet de décision de l'enseignant tout autant que de celle de l'élève et de ses parents;
La question demeure ouverte au débat dans l'école, hors de l'école et dans les familles comme dans la société civile.
L'école reste un sanctuaire particulier en France, civil ou religieux ? Qu'importe, elle demeure ainsi !