Il nous semble anachronique que des hommes de foi que l'on qualifierait presque d'illuminés prosélytes aient pris le chemin de ces terres amérindiennes comme le Québec ou le pays des Hurons il y a 400 ans.
Ecoutant le pape François et nombre de ses proches sud-américains évoquer le récit historique de leur déroulé familial, la perplexité vient à l'esprit à l'heure de l'Internet où l'on rejoint via Google, le magicien des ondes, des mondes extra-singuliers.
Raconter la rencontre d'indiens des grands Lacs nord-américains avec des Européens - au demeurant missionnaires disait-on en ce temps là, jésuites de surcroit, le premier contact dut être inattendu.
Bien de choses les rapprochaient sinon la confection de peaux de cuir des uns, artisans nés comme bien souvent dans les pays dits indigènes mais avisés comme de grands chasseurs pour des européens en quête de ces objets de rencontres entre des "étrangers" dans les deux camps.
Les autochtones se prénommaient "Wendat" riches et possédant de nombreux troupeaux ovins et bovins en termes d'échanges avec les français contre de la porcelaine et des objets en métal. Pour leur coiffure originale et du pays, on les appelait "hurons" chez les français,
Tous les français ne sont pas venus pour marchander mais parfois échanger avec ces tribus autochtones bien établies chez elles. On y trouvera des disciples de Jean de Brébeuf, un jésuite d'un costume dépareille avec celui des hurons, une grande robe les distingue des autres français armés ou venus avec leurs véhicules à cheval pour commercer. Un ancien médecin militaire de la région, disparu depuis, le Dr Veunac me dit en clinique : "dans la brousse en Afrique, avant l'indépendance de nombre de pays actuels, militaires, prêtres et quelques colons en recherche d'aventure personnelle, percèrent les premières voies de communication avec des locaux dont certains n'avaient encore pas entrevu des blancs en chair et en os" !
Les hurons découvraient ces ensoutanés de noir, sobres et discrets, et le rapport entre eux dura, disent les chroniques missionnaires, un temps certain. Le monde qui séparait ces blancs et les habitants locaux était considérable. La langue, l'alimentation, les rites de la terre, la polygamie commune, les pratiques de cultes aux esprits, tout semblait les séparer durablement. Mais ce serait méconnaître l'âme de ces pionniers de dialogues impossibles, la persévérance et la confiance établie entre ces hommes au cours de leurs échanges marchands. Elles finissaient de les rapprocher !
Expert en étude des dialectes et langues locales, les jésuites ne semblaient pas se méprendre sur le sujet. Sans la connaissance du parler autochtone, il ne pouvait y avoir de communication !
Mais en vain si l'on dispose à vue humaine du résultat et de l'efficacité immédiate de Jean de Brébeuf et des siens, auprès des Hurons. Aucune conversion en vue, point de marché conclu sur le plan des dividendes mais de l'assiduité avec ces tribus fières et autonomes.
Un huron parmi tous intrigue Jean de Brébeuf, un dénommé Chiwatenhwa né en 1602, un inconnu pour les Européens, mais pas au Québec.
La rencontre avec le jésuite en 1636 devint déterminante. L'homme était attiré par le blanc européen comme Jean de Brébeuf est séduit par cet indien singulier. Le huron est parlé par le Français comme un saisissement de la part du Huron qui vient échanger avec cet étranger.
Mais qui semble le plus étranger des deux, dirait aujourd'hui le pape François ?
La confiance établie entre deux mondes, deux cultures, deux langues totalement absentes l'une à l'autre, permet de parler en huron, "à un être spirituel que les jésuites prient et qui intrigue ce dernier."
On imagine que nombre de ces témoins du passé issus de notre Pays Basque disséminés en Afrique, Asie ou Amérique connurent le même sort. Ils étaient des aventuriers de leur vie et de leur vocation humaine et religieuse. On les cite encore dans les familles en feuilletant quelque photos ou lettres adressées par ces anciens à leur parenté ici.
Comme souvent en ces préambules spirituels, prémices de l'après, le Huron reçoit le baptême en huron s'entend, on ne l'imaginerait en français, ni en latin ! Il en survit de demander le mariage avec le prénom de Joseph, avec son épouse Aonetta. La famille élargie comme c'est le cas en ces tribus autochtones composeront la première communauté chrétienne et jésuite au Québec.
Chacun sait la guerre, les maladies exotiques et les tribulations coloniales connues par ces gens au cours de l'histoire passée. Mais au delà de ce récit invincible de vérité pour tous, Joseph Chiwatenhwad représente aujourd'hui encore au Québec en Ontario et au nord de New York l'un des premiers convertis au christianisme huron ou canadien depuis, de ce pays ouvert à la différence !
La peur des étrangers produisait en ces temps une répulsion à leur présence physique et l'on désignait par martyre le don de cette vie pour la cause défendue du service du bien partagé que l'on désigne souvent aujourd'hui d'humanitaire, ou de bien commun !
Notre photo de couverture : "Père jésuite en Nouvelle-France", tableau de Wilhelm Lamprecht, 1869