1 – Mosaïques siciliennes
Les anciens représentèrent sur des mosaïques des scènes bibliques des plus attirantes du regard.
Celle de la création de l'homme, dans un cosmos aquatique, d'un univers solaire, les espèces évoquées dans la Genèse du monde, eaux et poissons, animaux féroces et volants, précéderont la venue de l'homme au sixième jour.
Nous y voilà : la Genèse biblique elle même influencée par des mythologies plus anciennes dont celle de Gilgamesh ont donné une vision, par l'image et le support des mosaïques, aux artistes de l'Antiquité.
Leur travail est le fruit du génie de l'imaginaire humain.
La nef de la cathédrale de Monreale aux XII-XIIIème siècle en Sicile dispose d'un tel patrimoine conservé de l'histoire sainte et de l'histoire de l'Europe (notre photo de couverture : mosaïques de l'abside).
Jusqu'aux apôtres Pierre et Paul qui se trouvent au firmament du dôme de l'édifice, comme expression du règne normand en Sicile, les influences arabes, romanes et byzantines, le revêtement de mosaïques de la cathédrale sont pour Guillaume II une manière de célébrer la gloire du Créateur et de pouvoir rivaliser avec Byzance, consciente d'une suprématie plus ancienne dans l'art de la mosaïque.
Dans le panneau référence de la création de l'homme, on voit au second plan les animaux, bestiaux bestioles et bêtes sauvages au cinquième jour.
De ces animaux d'Afrique utilisés comme bêtes de somme pour la guerre et le transport des biens commerciaux.
Le lion, la lionne, le dromadaire, l'éléphant entrent dans le panthéon biblique par les artistes. dans le florilèges d'autres espèces plus courantes et participent au même déroulé imaginaire de cette création suivie et ininterrompue.
On devine des sentiments anthropomorphiques dans ces faciès animaux, dans une végétation verte, élément de leur nutrition “pour tout ce qui va sur la terre et vient et a souffle de vie",v30 de la genèse
Ainsi l'homme célèbre cette création multiple, de tous selon leur espèce, voici que tout cela sort des mains d'une seule toute puissance, et répond à la même voix du Créateur !
Contempler cette oeuvre est donné par l'artiste dans les volutes et les courbes entre le manteau du créateur, les sphères de l'influence de l'auréole divine, et son siège, le sol de la terre au milieu des formes animales et végétales. Ecologique avant le temps récent de ce retour à une naissance première.
2 – Dans ce décor, l'homme demeure unique.
Destiné à dominer la création, en étant et devenant au fil du temps un gardien, il domine par ses proportions les bestiaux mais reste comme eux une créature, dans sa paleur, sa position rapprochée des animaux, bien que la taille et son attitude figurée l'en distinguent.
La crèation d'Eve sera consacrée un peu plus loin dans ce panthéon bien qu'à ce stade Adam apparaisse seul face à son Créateur, illustrant la citation latine qui l'explicite, faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram, à savoir faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, Genèse 1 – 26.
Paul le rappellera aux Athéniens, nous sommes de la descendance d'Adam !
Le génie de la mosaïque manifeste une telle parenté avec la symétrie frappante des gestes, chacun tend la main droite tandis que les deux mains gauches suivent les mêmes lignes, les pieds croisés comme en un miroir.
Nu à même le sol alors que Dieu est habillé et assis sur une sphère céleste, les cheveux plus courts que ceux du père, et plus petit que lui, l'homme est représenté comme un semblable, créé .et dépendant du créateur.
La main droite du père bénit ce fils adoptif dont la propre main s'ouvre pour recevoir le don de la vie !
En continuant la visite in situ et par l'image, la mosaïque représente le rayon qui unit Dieu à l'homme, de joue à joue.
L'artiste voulut-il faire connaître de ce rapport de l'enfance au seigneur qui le reconnaît “tout contre sa joue" Osée 11,4 ?
Un autre rayon figure en la mosaïque où Dieu agrée le sacrifice d'Abel, il relie la main de Dieu à l'Agneau offert.
L'espace en sa plénitude manifeste la force du lien entre l'homme et Dieu.
Une seconde inscription latine en haut de la mosaïque rapporte, “et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitae”, à savoir il répandit sur son visage un souffle de vie Gn 2,7, de la Bible de Sacy.
Dès lors le second récit de la création de l'homme en est modifié par ce rayon qui révèle le souffle du Père.
Par une telle concomitance, le don de l'esprit de vie et le mouvement qui anime Adam sont valorisés et qualifient la parole divine.
Le “mosaïste” illustre non le cortège animalier mais dans ce décor originel le mouvement de l'homme attiré par son Créateur.
Tout dans le corpus d'Adam, le geste des mains, la flexion de son torse, opposée à la verticalité de celle du Père, la fixité d'un regard sans parole et la présence oblique du rayon, suggèrent qu'Adam soit en train de se lever pour aller vers Dieu, qui le crée par son appel.
La mosaïque laisse à l'interprète la liberté de commenter cet échange de Dieu et d'Adam, à partir d'un seul homme il a fait tous les peuples, pour qu'ils habitent sur toutes les surfaces de la terre, fixant les moments de leur histoire, et les limites de leur habitat.
Dieu les a faits pour qu'ils le cherchent et si possible l'atteignent, et le trouvent, lui qui en fait n'est jamais loin de sa création.
Un échange spirituel, visuel et esthétique permis par une telle mosaique, prouesse de l'imaginaire pour rendre accessible au plus nombre des immortels cette Genèse biblique, qui continue à interroger l'humanité sur son avenir, illustre le génie de l’auteur !
3 - Un profil millénaire.
La production de mosaïques remonterait au temps de l’Assyrie - Babylonie, établie comme art décoratif domestique de marbre ou de granito.
Parfois de pierres colorées ou de céramiques représentant des motifs ou des figures légendaires. Le style était particulièrement prisé par les Romains qui garnissaient leurs temples ou leurs domaines de mosaïques ce jusqu’au Moyen Âge en Occident comme à Byzance.
En cela chacun demeurant continuateur des Grecs ou des Romains, illustration parfaite à Ravenne, jusqu’à la Renaissance chez nous. Le patrimoine le plus éblouissant contemporain s’illustre au Palais Garnier à Paris.
Les historiens rappellent que le procédé ne cessa d’évoluer au fil du temps depuis le galet primitif chez les Grecs, au marbre des Romains, et de pierres ciselées colorées à Byzance...
Une oeuvre patrimoniale artisanale depuis la Mésopotamie dès le Sixième millénaire avant nous, dans un culte aux Neuf Muses de la mythologie ancienne, adoptée par les Grecs, qui invoquaient le génie de l’inspiration auprès de ces forces invisibles capables d’accroitre en l’artiste le pouvoir de la vue, du toucher, de la lumière, de la mémoire, vénérées en ces grottes singulières que l’on croyait parfois destinées aux cultes des disparus et demeuraient somme toute le sujet d’une présence spirituelle aux vivants.
La littérature grecque postérieure se nourrit richement de ces mythes antiques pour invoquer les muses du jour et le travail esthétique “des mosaïstes”, antérieur aux arts de la peinture décorative suivante, enrichie par ce culte fixé dans les pavements et les enceintes habités par les hommes et leurs divinités.
Les dieux ne seront jamais loin des vivants en ce monde de l’Orient habité par tant de ces esprits invisibles ! Ils en seront les protecteurs de la postérité.
comme les églises ou les temples parmi les maisons de maîtres destinés au culte du pouvoir et de celui des muses qui les inspiraient.
Chaque pays du monde ayant posé sa patine de mosaïques en son espace culturel propre, l’univers des mondes réservés aux mosaïques fait légion. Les musées en font foi, comme les églises ou les temples parmi les maisons de maîtres destinés au culte du pouvoir et de celui des muses qui les inspiraient.
Après les visages humains gravés ou sculptés de la pierre, l’usage des mosaïques a su prolonger l’art du portrait, avant l’habitus des travaux de peintres suivants, jusqu’aux créations numériques les plus récentes, l’art de la mosaïques demeure toujours emprunté par des auteurs contemporains, considérant sa durabilité bien plus assurée que nombre des facilités les plus modernes des images en constante évolution.
A Paris la Basilique du Sacré-Coeur, objet de tant de polémiques entre 1918 – 22, recueille 473,78 m2 de mosaïques pour le patrimoine universel comme à Marseille où son double, la Basilique du Sacré-Coeur, conçue entre 1933 et 41, releva le défi pour les Méditerranéens, les premiers héritiers de cette créativité orientale primitive !
La mosaïque comme un art décoratif récurrent ne cesse aujourd’hui encore à inspirer des auteurs versés dans ce travail artisanal et artistique perpétuel !
Pour l’histoire locale, la Chapelle du Sacré Coeur à Hasparren dispose ainsi d’un choeur décoré de mosaïques, objet de dévotion et de contentement des autochtones, fiers d’en disposer dans leur propre patrimoine.