La fin de toute année, et le début de la nouvelle se nourrit d’une trêve intense de festivités qui pour nous commencent avec le solstice du 21 décembre, début de l’hiver , noël et s’achèvent à l’épiphanie de l’année suivante.
A Rome, berceau de notre civilisation première, les habitants cultivaient entre croyance et histoire, la foi en Saturne, avant le christianisme, venu du firmament, caché quelque part dans le Latium, et devenu chef de troupe d’une légion armée qui à terme mettra en bonne et due place les fondations de la ville sainte, Roma .
Toute histoire ayant ses croyances et ses propres convictions légendaires, les cultes portés au solstice de l’hiver accentueront encore la part d’adhésion de la population prête à embrasser toutes célébrations festives à l’occasion de cet âge d’or de l’année contenu dans les animations de la fin de décembre.
Les banquets domestiques feront leurs apparitions, les cultes au Temple de Saturne détruit aujourd’hui dont il ne reste que quelques piliers debout, trêve de justice et libération des esclaves, prenant part aux repas généreux de leurs maîtres et bénéficiant de la liberté de décembre selon Horace, seront le moment béni de ce temps.
Les saturnales jouiront ainsi “d’un temps immémorial” qui nous semble anachronique aujourd’hui.
Le calendrier de l’Empire prévoyait la fin ajournée des affaires, de la guerre, des procès pendant douze jours successifs jusqu’en ce début de janvier dit des calendes du mois, où cadeaux, récompenses, libations étrennes chériront le Nouvel An version romaine du passé.
On y ajoutera des fêtes sonores, costumées, des mascarades de gens grimés et habillés étrangement pour le contentement populaire d’une société en quête de libéralité, ce jusqu’au XVème et XVIème siècles suivants.
Dès le IVème siècle Augustin d’Hippone vitupère contre les abus contenus dans ces défoulements sans limite.
Le port des masques lui paraît une atteinte au Dieu créateur lui même, et défiguration du respect porté à l’Eternel.
Ces visages animaliers de cornes, de pelages et de fourrures disqualifiaient l’humain, pensait-il, le rendant par analogie primitif et peu éduqué.
D’autres noms connus de la littérature antique, Chrysostome, Césaire d’Arles renchériront à leur tour dans cette répulsion affichée de ce retour à la barbarie entretenue par ces imageries des saturnales à tous vents et en tous points.
La divinité Mithra, figure solaire, venue de Perse avait emporté dans son intrusion dans l’empire jusqu’aux noms latins, adoptant ces noms de rois perses, -Gaspard, Melchior, Balthazar- que les auteurs chrétiens auront à coeur de remplacer par des références latines plus conventionnelles, dont celle du soleil invaincu, “sol invictus”, pour désigner le Christ lui même, que d’aucuns avaient paré d’attributs guerriers et belliqueux loin cependant de la foi des chrétiens qui s’établissait déjà au coeur de l’empire latin.
Rome avait adopté en 274 par le choix de l’empereur Aurélien ce culte païen au dieu Mithra et à ses sujets, mais les chrétiens chercheront à le remplacer par la date de la naissance de Jésus et l’érection d’une première église au IVème siècle, le 25 décembre pour désigner la naissance du messie.
Une métaphore, un rapport à la lumière divine selon l’évangéliste Jean, à l’heure d’un soleil renaissant que les païens entretenaient dans leurs rites anciens, et se perduraient dans les coutumes romaines de ce temps.
Il est souvent rapporté en effet que les Evangiles annonçaient le ressuscité, et que les latins prirent soin de dater sa naissance en organisant en ces temps mémoriels trois messes qui dès la veille, à l’aurore et le jour, célébraient la naissance de l’Enfant-Dieu dès 339 à la Basilique Saint Pierre, en 440 ajoutant la messe de la nuit avec un oratoire - réplique de celui de Bethléem, et avec Sixte III la messe au chant du coq, “ad galli cantum”, à Sainte Marie Majeure qui donnaient de l’amplitude à la naissance de Jésus au coeur de la ville sainte.
A l’aurore on ajoutait une autre messe à Sainte Anastasie dans le quartier byzantin en mémoire des premiers martyrs chrétiens orientaux, ce jour du 25 décembre, choisi non sans raison.
Les récits et voyages pèlerins tel celui de Saint Brandon au Moyen Age fleuriront sans délai dès le XIIème siècle en rapport avec “la naissance de Dieu”.
Rutebeuf dans la vie de Marie l’Egyptienne donnera sens à ces croyances et rites autour de la date de la naissance de Jésus.
Pendant tout le Moyen Age les artistes pressés d’imprimer dans les espaces religieux, les vitraux, les sculptures et sous les porches des cathédrales s’empareront du thème et scelleront dans la pierre la nativité de l’ Enfant Dieu.
Cette période des douze jours entre Noël et l’Epiphanie jusqu’aux calendes de janvier sera propice à cette floraison esthétique qui illuminera le travail artistique, dès le IVème siècle où sur un sarcophage romain on note la naissance de l’enfant de Bethléem
Les cathédrales de Milan, d’Arles, les enluminures des manuscrits des couvents et des livres liturgiques en feront foi.
On aura mis la main à un sarcophage de la fin du IIIème siècle à Arles qui en prouve l’authenticité !
Les textes apocryphes ajouteront leur version imaginaire d’une pléiade de rois mages, dont on limita le nombre à trois, ceux qui offrirent l’or, l’encens, et la myrrhe et sans doute d’autres présents qui n’ont passé la postérité des chroniqueurs.
Les rois perses seront représentés dans leurs costumes d’origine, une mosaïque de Ravenne l’atteste à Saint Apollinaire. Chaque roi mage appartenait aux trois continents connus en ce temps, l’Europe, l’Afrique et l’Asie.
Dès le Xème siècle, les dits rois mages changeant de vêture seront habillés désormais portant les attributs de leur pouvoir royal, devenant des saints dont on s’arrachera les reliques.
Barberousse pillant lors du sac de Milan les trésors de la ville en 1162 emportera les reliques des mages jusqu’à Cologne dès 1164.
Scénettes, spectacles liturgiques, pastorales à thème évangélique, poèmes, tropes et séquences alimenteront les passions liturgiques inspirées de ces spectacles populaires autour de la Nativité.
La Légende Dorée de Jacques de Voragine dès le XIIIème siècle popularisera ces hagiographies et ces récits légendaires qui compteront dans l’histoire religieuse de leur temps.
Mais de toute évidence les superstitions attachées à ces cultes populaires viendront ternir le visage mystique et spirituel de la naissance de l’Enfant dieu.
Les conciles de Provence mettront quelques barrières à ces us et pratiques à la marge.
Cependant le culte de la Nativité perdurera malgré ces abus inopinés dans un paysage plus universel de Noël où au delà du culte chrétien réservé à l’origine, la figure de la crèche, des personnages et des santons remarquables qui l’habitent, le temps de Noël se répandront dans ses manifestations sociales et publiques sans se départir de son origine et de ses évolutions.
Le premier arbre de Noël est mentionné en 1521 en Alsace, sachant que si l’arbre vert choisi est symbole de renaissance, chacun interprétera le caractère religieux ou factuel de son histoire à l’aune de ses propres choix.
Il ne manquera de végétations traditionnelles dans ce décor paysager, écologique somme toute, de laurier, de houx, de gui, d’arbustes cousus de perles permettant à noël d’embrasser le temps d’un décor toujours ajouté et enrichi par de nouvelles traditions.
Dans les premiers temps, chaque jour des douze se suivant donnait lieu à une liturgie spécifique, des Saints Innocents réservés aux enfants, aux fêtes des sous diacres, et des autres populations présentes autour de la nativité, que d’aucuns tenteront de restreindre au fil du temps, pour en limiter les abus et les interprétations. D’aucunes avaient perdu le sens de l’origine et célébraient des libations plus proches des saturnales que des festivités religieuses de la nativité.
On se livrait parfois à des croyances sur les pouvoirs des personnages sis autour de la crèche, sur les propriétés des fourrages et des animaux, de la paille et des ajouts possibles qui détournaient le croyant du coeur de sa foi, et alimentait des superstitions inévitables dans un tel environnement magique ou surnaturel d’un genre inattendu.