Au cours de sa visite à Rome pour commémorer l’entrevue de Paul VI avec son prédécesseur Chenouda III en 1973, Sa Sainteté le Pape copte Tawadros II a rencontré le pape François le 10 mai à Rome et présidé dans la basilique Saint-Jean-de-Latran le dimanche 14 mai la liturgie eucharistique concélébrée par les membres de sa délégation et le clergé du diocèse copte orthodoxe de Rome et d’Italie du Sud en présence d’un grand nombre de fidèles coptes orthodoxes. La veille, samedi 13 mai, le pape Tawadros avait prononcé une catéchèse sur l’unité des chrétiens devant nombre de fidèles coptes orthodoxes dans une basilique pleine à craquer.
Souhaitant la bienvenue à Sa Sainteté, S.E. Mgr Brian Farrell, secrétaire du dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, avait déclaré que « cette visite du pape Tawadros constituait une bénédiction pour l’Église de Rome et restera sans aucun doute un moment historique dans les relations entre l’Église catholique et l’Église copte orthodoxe ».
Notant qu'« aujourd’hui, pour la première fois, le Patriarche du Siège de Saint-Marc célèbre la liturgie eucharistique dans le rite copte dans cette illustre Basilique de Saint Jean de Latran », Mgr Farrell exprima l’espoir que cette liturgie « puisse aussi nous rappeler que le temple de pierres qui nous rassemble est symbolique de l’unique Église que les chrétiens sont appelés à construire : l'”édifice spirituel” bâti par Dieu avec les “pierres vivantes” que sont les chrétiens, sur l’unique fondement de la “pierre angulaire ».
Rappelons que l'Église copte orthodoxe est une Église antéchalcédonienne (ne reconnaissant pas le concile de Chalcédoine en 451 qui consommera la séparation séculaire des Églises). Rassemblant environ 15 à 20 millions de baptisés (principalement en Égypte), son chef porte le titre de pape d'Alexandrie et patriarche de la Prédication de saint Marc et de toute l'Afrique, avec résidence au Caire.(ALC)
Voici maintenant quelques réflexions de M. l’abbé Esponde sur cette actualité :
Un évènement oecuménique pour les uns, un acte de soumission des coptes à l’autorité latine, vu du Caire, et peu acceptable pour la vieille et ancienne église égyptienne qui a mené sa vie autonome pendant des siècles sans autre rapport direct avec l’Eglise de Rome, que de la bienveillance !
L’origine du pape copte actuel se situe au Monastère Saint Bishoy au nord du Caire. Ce moine est devenu depuis 2012 le nouveau pape copte succédant à Chenouda III à la tête des dix pour cent « chrétiens » de la population totale du pays (cent millions d’habitants), les chrétiens se partageant entre les 200 000 coptes de rite catholique et les coptes de rite orthodoxe, majoritaires.
L’Egypte demeurant toujours musulmane pour la plus grande partie de sa population.
Tawadros II avait engagé la réforme interne de l’église copte ouverte au dialogue oecuménique dès son arrivée à la tête de cette église au milieu d’avis partagés : les uns attachés viscéralement à leurs rites traditionnels des origines de l’Eglise du premier siècle déjà et d’autres disposés à des adaptations aux communautés plus contemporaines” où se mêlent des chrétiens de diverses églises, rapportent les dominicains de l’IDEO au Caire, observateurs de cette évolution.
Chenouda III régna quarante ans à la tête de cette église, le nouveau pape en assure désormais la mission au milieu de discussions vives du Saint Synode où évêques coptes et fidèles débattent de leur contenu.
A l’orientale où de tradition, les mots, les silences et les voix internes et de l’extérieur comptent et animent l’intensité des débats.
Chenouda III avait, disent les Coptes, le charisme de la parole publique, « bouche d’or » copte disaient de lui les observateurs en pensant au Saint Jean Chrysostome des Grecs, déjà gratifié de ce surnom.
Grand connaisseur de la Bible, homme de cette Terre Sainte originelle, confronté à l’islamisme jusqu’aux portes des monastères, “le pape copte Chenouda III n’avait eu de cesse de se défendre avec les armes si nécessaire, en adoptant un profil identitaire, littéraliste de la Bible et conservateur.” De nombreuses fois menacé et se défendant face aux attaques perpétrées des monastères par des islamistes belliqueux, Chenouda III et ses hommes résistèrent !
Bien que formé par un autre moine du monastère de Saint-Macaire, Chenouda III finit par se détacher des idées reçues de ce maître formateur dénommé Matthieu le Pauvre en arabe, matta el maskine !
Les livres de ce moine seront retirés de la vente et le couvent Saint-Macaire, haut lieu de la culture monastique et biblique en Egypte, subira la confrontation interne et copte de l’interprétation religieuse de la foi entre des communautés divisées entre elles.
Les échanges monastiques entre ceux provenant de Saint-Bishoy, de Saint-Macaire ou de ceux - disciples dissidents de Matthieu le pauvre - se divisèrent et l’unité de l’église copte d’Egypte subit les effets de la scission.
Et à la mort de Chenouda III en 2018, l’assassinat d’un nouveau Père Abbé (qui avait été désigné par Tawadros II dans son monastère) par deux moines rétifs à leur supérieur, pour “des questions financières et théologiques” mêlées, diront les journaux.
De ce fait, le pape copte décida de nouvelles règles monastiques visant à régir la vie matérielle des couvents et concentrer leur mission à la fonction spirituelle première du monachisme. L’impopularité du nouveau pape copte touchera à l’exercice de l’autorité des monastères.
Un second sujet de débat concerne la célébration des baptêmes et mariages que les Coptes rebaptisent et remarient dans leurs rites traditionnels une seconde fois lorsque les nouveaux-nés sont déjà baptisés dans une autre église chrétienne ou mariés chez les orthodoxes ou les gréco-catholiques !
Un Document commun semblait être acquis en 2017 entre les deux chefs religieux - romain et copte - pour éviter ces répétitions, mais il n’en fut rien à l’arrivée chez les Coptes qui demandèrent au pape Tawadros II à son retour de Rome de ne pas valider cette réforme sacramentelle !
Le dialogue oecuménique générant un appel à la prudence de la part des coptes soumis au cours de l’histoire aux envahisseurs chrétiens byzantins, puis arabes, les fidèles enracinés dans cette défiance maintinrent leur posture jusqu’à nos jours.
Tawadros II ne disposant guère de majorité de décision au sein du Saint Synode, disent les connaisseurs de la vie des coptes, l’homme pratiqua la diplomatie du dialogue au sein de sa communauté avec les épiscopes conservateurs et prompts à maintenir le statu-quo hors de toute tentative engagée de dialogues potentiels avec les chrétiens non coptes.
Le pape copte sut cependant choisir de former ses moines parfois hors d’Egypte : il n’est pas rare de les trouver à Jérusalem, à Rome ou dans des institutions euro-américaines, confrontés aux étudiants de nos pays occidentaux.
Chacun présumant côté latin et côté copte que le temps ne pouvant presser le pas des uns sans les autres, les sujets de débats demeureraient traditionnels, quelque thème social et sociétal n’étant encore à l’ordre du jour, dans un environnement moyen-oriental imprévisible et toujours menaçant pour la survie de cette vieille église chrétienne des origines !
Une véritable relique du temps passé, dépositaire d’un patrimoine spirituel et artistique exceptionnel, un trésor pour l’humanité jalousement gardé par les Coptes qui ne voudraient s’en affranchir pour l’instant !
Parchemins, incunables, livres anciens, peintures et enluminures sont à Alexandrie en Egypte et les fins connaisseurs en savent la valeur.
Les Coptes avec l’aide de l’Etat égyptien protègent cet héritage, le leur et le nôtre, nous ne pourrions l’oublier ! Ni la visite privée conduite par le président François Mitterrand et son ministre de la Culture Jack Lang au Monastère Sainte-Catherine où le président français put contempler la richesse patrimoniale de l’église fondée par l’apôtre saint Marc et ses disciples dès le premier siècle de l’ère chrétienne égyptienne !