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Tradition
Les catholiques en France et les élections
Les catholiques en France et les élections

| François-Xavier Esponde 1466 mots

Les catholiques en France et les élections

1 – Eglise – Etat en France, une attirance mutuelle.

Un peu d’histoire rafraichit les mémoires et évite des anachronismes fâcheux de l’interprétation du sujet. La lecture du livre de Lucien Jaume l’Eternel défi. L’Etat et les religions en France, des origines à nos jours, paru chez Tallandier donne du relief à ce récit.

La France dite d’Ancien régime ou d’antan oscilla entre monarchie et république, et ce pendant deux siècles à partir de la Révolution française.
Le rapport mémoriel du XIXème siècle avec les années rouges, de sang et de sacrifices du clergé, de la monarchie à l’apothéose révolutionnaire, laissa des traces encore bien vivantes.
L’église paya cher son tribut à la cause des “rouges”. Les blancs d’en face ne l’ont pas oublié et ne firent de concession à leur tour.

Le clergé soumis à la Constitution Civile du clergé (1790) fut saigné et vilipendé dans son essence religieuse. Le prêtre faisait profil bas ou se confondait dans le peuple, comprenez selon les règles imposées par les révolutionnaires, sans égard, sans ménagement, sans dignité pour la monarchie ancienne, devenu caduque ou dégradée.

La liberté d’enseigner, autre cause majeure de l’institution ecclésiale s’imposait encore pendant la Révolution de juillet 1830, ce qui atteste à nouveau de la réclamation légitime des clercs à assurer leur mission spirituelle par delà les livraisons politiques des pouvoirs en présence.µ
Cependant Napoléon maintint le monopole de l’enseignement sous sa férule. L’Eglise voulait participer à l’enseignement pour tous, comprenez au sein même de enseignement public et obtenir que l’attribution des diplômes fut délivrée par l’enseignement des congrégations religieuses au même titre que celui de l’école napoléonienne.

Le Comte de Montalembert, catholique libéral, ordonna à tous les catholiques de voter en ce sens et soutenir leur cause devant le Prince.
Le slogan de cette famille de pensée fut “catholique d’abord”, défini avec le dominicain Lacordaire en une doctrine politique dans laquelle le catholicisme social devait inspirer une philosophie nouvelle, le libéralisme, et non l’inverse défendu par Alexis de Tocqueville. Comprenez le libéralisme en défense du catholicisme.

Le journal l’Avenir touchait la moitié des catholiques français de l’époque. Les autres poursuivaient toujours leur soutien de la monarchie d’Ancien régime.
Les libéraux nourrissaient l’espoir d’une réconciliation entre les démocrates et le catholicisme mais leur peine fut vaine.

Rome, peu disposé à l’aventure pour l’heure, condamna à trois reprises “l’aventure politique à la française” tout au long de quatre décennies. En 1832, par une Encyclique, en 1865 par le Syllabus ou le relevé de toutes les erreurs modernes en matière de gouvernance politique des catholiques et en 1870 par le Concile 
Vatican I qui décréta l’infaillibilité papale sur la question.

Le second volet de la communauté catholique majoritaire dans le pays fut celui du refus des libéraux des idées modernistes de Lacordaire.
Louis Veuillot l’homme de la ruralité de ce temps rejoignait le courant conservateur français. Ces derniers soutinrent le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, contre la république.

Le bât blessait car le nouvel Empereur s’appuyait sur le soutien des évêques français qui se soumirent au pouvoir et aspirèrent enfin à le retrouver après la période du délitement révolutionnaire pour l’église.
L’alliance de la croix et de la crosse entre l’Eglise et l’Empire put enfin voir le jour, mais par le peu d’empressement à soutenir le pape face à Garibaldi en 1867, l’opinion catholique des campagnes perdit confiance en la république et la défiance s’instaura dans les esprits français. Les catholiques demeurant le ferment contre révolutionnaire du pays pour de nombreuses décennies suivies.

La Révolution fut suspectée d’avoir profané les Droits de Dieu au bénéfice de Droits Humains exclusifs et d’avoir inspiré une forme de religion civile, un athéisme militant, et encouragé l’individualisme de tout un chacun face au pouvoir impérial.
L’enjeu de l’école demeurait au coeur du dispositif et des rapports de force séparant les monarchistes et les républicains.
En 1882 – 84, Jules Ferry expulsera les congrégations religieuses enseignant dans l’espace public, comprenez des écoles de la République.
Le rejet fut anticlérical mais non anti religieux, dit l’auteur de cette décision politique. Car l’école, sujet viscéral de l’instruction publique républicaine, ne souffrait d’aucune concession sur ce thème.

On mesure mal aujourd’hui la gravité contenue dans ces décisions de ce temps, et la menace de guerre civile que la disposition pouvait engendrer dans les esprits, départagés entre les pour et les anti, de ce rapport au pouvoir politique, sous le couvert de résistances religieuses.

2 – Un ajustement perpétuel.

Le pouvoir reconnaissait le bénéfice du catéchisme pour l’éducation morale de tout enfant, et le mercredi un temps de catéchisation libre fut attribué aux parents pour faire assurer cette éducation religieuse de leurs enfants.

Cependant, le climat demeurait lourd malgré ces aménagements de circonstance.
Les rapports Eglise/Etat/Rome trouvèrent en 1905 leur summum de disgrâce et de convulsion. Le devoir d’aller voter devint une raison vitale pour toutes les parties en présence “pour sauver le catholicisme de sa dégradation dans l’espace public” !
Les évêques firent de la politique ouvertement, et leurs mandements furent explicites. Il fallait aller voter pour défendre la religion face aux assauts du pouvoir avec qui le rapport en connexion était devenu complexe.
La mémoire religieuse et civile française se souvient, comme le soulignent les historiens, de ce climat délétère entre l’Etat et l’Eglise en France jusqu’en 1914-18.

La Grande guerre refera l’union sacrée des républicains et des libéraux, des royalistes et des patriotes version du temps, contre l’Allemagne.
Le souvenir entretenu de la fraternité enfin retrouvée, dans le drame partagé du pays et de sa guerre, l’opinion catholique et le courant républicain feront depuis, une alliance somme toute durable dans le temps.
Apprendre à se connaître, mieux se comprendre, saisir l’opportunité de se savoir égaux dans les adversités, permit une forme de réconciliation des esprits avec la modernité entre libéraux fils de la révolution et monarchistes fils d’ancien régime, désormais confondus dans un destin commun en partage.

3 - Longtemps encore, les tenants des courants contre-révolutionnaires maintinrent la pression.

- L’Action Française de Maurras eut la dent féroce, et les moyens armés de la parole,de l’écriture et des réseaux d’influence bien présents dans le pays, pour résister durablement.
- A gauche chez les catholiques sociaux et ouvriers, le journal Le Sillon compta ses sympathisants. Créé par Marc Sangnier,il tentait la réconciliation avec la fraternité ouvrière et paysanne .

A Rome le pape Pie XI, suivant de près la question, acquiesçait. L’expérience précédente de condamnations autoritaires de Lacordaire n’ayant guère donné de résultats concrets, il semblait prudent désormais d’appliquer la méthode douce avec les tenants du pouvoir en France, de la doctrine laïque et de ses défenseurs de l’autorité publique.

Le temps de la seconde guerre mondiale aura ses effets dévastateurs. Le pouvoir entretenu par le courant droitier de l’opinion fera subir à l’Eglise lors du gouvernement de Vichy une contrainte de positionnement des patriotes monarchistes et républicains avec leurs propres alliés de chaque camp, chez les évêques français.
Il faudra la figure de Jacques Maritain, philosophe et patriote français, ancien ambassadeur de France au Vatican désigné par De Gaulle, pour restaurer à la Libération la confiance des résistants, de De Gaulle et de ses partisans envers l’Eglise. Celle-ci avait néanmoins - en partie pour ses chefs spirituels - pactisé, comme le clergé et les fidèles silencieux, avec l’occupant allemand sis sur le sol national.

De Gaulle aura pour sa gouverne distingué sa pratique religieuse personnelle et libre de ses fonctions publiques au service de l’Etat, sans collusion ni confusion de ces rôles bien séparés.
Suivit une évolution notable au temps du Concile Vatican II sur le sujet. Le catholique demeurerait désormais libre de ses choix civiques, sur le panel des espaces politiques du pays. La démocratie deviendrait la solution approchée de la justesse publique du pouvoir admise dans le pays.

Ainsi donc un long chemin évolutif des esprits fut franchi depuis la Révolution Française dans un horizon de tolérance et de pluralité des opinions publiques sur l’échiquier national. Les esprits avaient bien changé. Les frontières et les rejets mutuels perdaient de leur impact.
Jusqu’en 1972 où le rapport Matagrin des évêques français publia “Pour une pratique chrétienne de la politique”, ce fut un changement de logiciel dans la doctrine officielle de l’Eglise. Jusqu’à ces dernières décennies récentes l’Eglise disposait encore d’un référentiel rapport droite/gauche, monarchie/république bien séparé et parfois distant des opinions publiques sur la mission du citoyen catholique dans l’espace public national !

Il semblerait que les évolutions sur ce thème soient notables. L’intérêt avoué du vote des catholiques lors de scrutins nationaux en France témoigne d’un tel constat.
La vieille institution demeure encore une boussole des opinions publiques du pays. On la convoque pour l’histoire.
En temps de guerre et d’épreuve partagée, paradoxalement les frontières sociétales se rapprochent et se conjurent dans leurs vieilles réticences !

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