On dit que le Talmud occupe la place centrale de la vie spirituelle et culturelle juive ? On le rattache à la Torah que les chrétiens désignent comme Pentateuque ou le recueil des cinq premiers livres de la sainte bible. Mais son contenu tient à sa particularité.
A savoir la somme de l’interprétation et du commentaire rabbinique du fil des âges considérée comme une véritable encyclopédie pour l’époque de l’intelligence des hommes en commerce avec... l’Eternel !
“Le propos parcourt tous les sujets de la vie quotidienne depuis le monde agricole jusqu’à la mort, en passant par le droit civil de l’époque, le droit pénal et celui de la famille. En traversant toutes les préoccupations de la vie, le récit se décline en six parties divisées en chapitres, qui abordent la relation de l’homme à la terre, au temps à la famille, à la société, au sacré et à la mort”, commente le philosophe Marc Alain Ouaknin, chercheur et universitaire en Israël, coproducteur de Talmudiques sur France-Culture.
L’exercice commenté du Talmud est un questionnement ininterrompu de l’intelligence de toute loi qui interroge sans cesse la réponse à la question par une question nouvelle en quête de réponse.
Emmanuel Lévinas ne disait-il pas “la réponse est le malheur de la question”, car toute réponse est toujours reprise, ruminée, en voulant explorer toutes les visions du monde, sous jacentes derrière chaque hypothèse, ajoutait le philosophe féru de la méthode. le monde et la réalité tels que perçus deviennent multiples, complexes, nuancés et subtils !
Dans les Ecoles talmudiques les élèves travaillent le Talmud de plusieurs façons, la confrontation individuelle avec le texte s’accompagne d’une discussion argumentée avec un autre étudiant, suivie de l’écoute de l’enseignement d’une figure spirituelle incarnée par un rabbin qui apporte l’interprétation.
Nous sommes issus de l’Orient dans ce déroulé permanent du commentaire du texte, où de la façon de le comprendre dans toute famille, en toute communauté donnant le sens à la manière dont elle se vit au quotidien !
Alors se pose la question de savoir comment s’est formée le Talmud sachant que la Torah correspond à la loi écrite ainsi que les Livres des Prophètes et des Ecrits.
Le commentaire est au coeur de ce travail de l’esprit qui aide à la connaissance et à la compréhension de la Torah.
Dans le judaïsme aucune loi ne parait définitive, achevée et sans correctif !
Transmise de génération en génération elle sera compilée au début du IIIème siècle de notre ère à Tibériade sous le patronage du Rabbi Yehuda Hanassi sous le nom de la Mishna ou “le sens de la répétition” en langue hébraïque.
A savoir sous la forme du code juridique sur lequel s’appuie l’ensemble de la loi hébraïque rapporte Marc Alain Ouaknin.
La mishna a donné lieu à de très nombreux commentaires et interprétations en araméen rassemblés dans la Guemara, soit 90 % de l’ensemble du Talmud, et le rabbin d’affirmer avec l’humour subtil de l’Orient , le résultat de l’équation est égal à Mishna et Guemara à Talmud !
Et pour ajouter à la subtilité de l’histoire notons les deux lieux géographiques où les sages se sont retrouvés à l’origine pour accomplir ce travail de l’esprit, la Galilée donnant le Talmud de Jérusalem et en Mésopotamie en terre de Babylone...
Tout cela n’est pas sans signification pour en comprendre le sens et la différence !
Le premier fut terminé rapidement à la fin du IVème siècle tandis que pour le second on dut attendre la fin du VI ème siècle.
Et pour les passionnés de l’histoire du Livre Saint, ce fut un chrétien qui fit imprimer à Venise entre 1520 et 1523 le premier récit du Talmud de Babylone, il se prénommait Daniel Bomberg.
Et les experts confirment que si le Talmud de Babylone prédomine “d’une autorité supérieure” sur celui de Jérusalem, les deux lectures appliquées dans la Guemara, de la Halakha ou la voie de cette démarche engagée expose les règles à observer d’une part, tandis que la Haggada expose le récit mythique, à savoir la parole qui accompagne les faits accomplis.
Le Talmud associe le mythe et le rite, le pratique et le théorique selon notre propre entendement du sujet, on devine alors que le commentaire diversifiant avec l’interprétation elle même de toute connaissance d’un sujet, les écoles au sein du judaisme ajoutant et nuançant la compréhension de toute loi, son application et ses correctifs possibles !
Les chrétiens ont-ils l’habitude de ces subtilités au sein du judaisme si peu enfermé dans quelque paradigme définitif de la compréhension de toute vie ?
Ayant pu commettre l’ineffable dans le passé, on décida de brûler ces commentaires qualifiés de blasphèmes et d’erreurs, et Paris eut le privilège de servir d’exemple en 1244 au feu expiatoire sur ordre du pape à Rome, et en 1553, de l’Inquisition.
Se rappelant que Jésus, juif par ses origines, malgré quelque réticence chrétienne à l’accepter, vécut dans ce monde, le sien de la dialectique et de l’échange avec ses disciples et ses auditeurs sur toute question-réponse, dont les écoles juives demeurent le laboratoire.
Si les controverses avec les scribes et les pharisiens eurent ainsi lieu, de telles pratiques étaient courantes, en cet orient contestataire dans l’esprit, aimant les sujets débattus, et le répétant sans cesse, dans la tradition juive où l’on n’épuise jamais le sens de la Parole de Dieu, par les multiples interprétations. Elles s’enrichissent mutuellement.
Nous ne sommes pas selon l’avis partagé dans les cercles habitués des chrétiens peu coutumiers de ces échanges pluriels s’agissant de comprendre que la source de toute parole vient de l’Eternel lui même, béni soit son nom trés saint, et qu’en l’état toute appropriation de notre part reste injustifiée faute d’altérité possible à notre entendement ou notre jugement décisif de tous sujets en question !