« Le 8 novembre 1226, à la mort du roi de France, Louis VIII le Lion, son fils aîné lui succède sous le nom de Louis IX. Il n’a que douze ans et sa mère, Blanche de Castille, assume la régence. Le jeune roi gouvernera cependant très vite, mettant fin à la première guerre contre l’Angleterre et à la croisade des Albigeois. Il régularisera les relations entre la France et l’Aragon, matera les féodaux frondeurs et modernisera l’administration.
C’est le roi qui a fait de Paris la capitale la plus prestigieuse de la Chrétienté occidentale, avec son université et ses grands monuments (Sainte Chapelle, Notre-Dame), et a favorisé l’essor d’une bourgeoisie active et entreprenante.
Un roman (livre biographique) alerte et plein de fougue, où le pieux saint Louis apparaît comme un souverain habile et sage, mari empressé et fidèle » et, plus qu’un « pourfendeur d’infidèles », un authentique chevalier chrétien soucieux de libérer les Lieux Saints. Sans omettre toutefois que, « malgré la trêve qui avait été jurée, les émirs mamelouks avaient choisi parmi les jeunes captifs chrétiens des jeunes gens qu’ils avaient conduit au sacrifice, comme des brebis. Ils les ont esforcés, le sabre levé sur leurs chefs (têtes, ndlr.), à abjurer leur religion et à proclamer la loi de Mahomet. Beaucoup d’entre ceux-ci, faibles et fragiles, ont déserté la foi en faisant profession de cette loi blâmable de l’Alcoran. Mais d’autres, comme d’invincibles athlètes, persistant dans leur ferme résolution, ont préféré recevoir la couronne du martyre éclaboussée de leur sang ».
Philippe de Villiers a merveilleusement réussi, au fil d’une véritable chevauchée à travers le vocabulaire, les expressions et la mentalité retrouvée de l’époque, à nous entraîner dans le sillage « d'un saint Louis à l'humanité sensible, un saint Louis de chair, à figure humaine. Le temps, en l'élevant au-dessus de nos natures, lui a peut-être rendu un mauvais service. Il m'a imposé d'aller puiser aux sources les plus authentiques. Là où repose le trésor des paroles vivantes, laissées par les premiers témoins. Ceux qui ont vraiment connu le roi Louis IX, qui l'ont approché, accompagné depuis l'enfance jusqu'au trépas. J'ai remonté le filet d'eau vive. Je n'ai rien inventé. Ni les événements, ni les personnages, ni même l'insolite. Il m'a fallu plonger dans l'époque, en étudier la vie quotidienne dans ses moindres détails, sentir battre les passions, pour faire revivre un saint Louis de notre temps ».
La reine louve avec son petit louveteau
En académicien des Jeux Floraux et admirateur de l’amour courtois, je ne puis que me réjouir d’y trouver évoquée « l’une des cours les plus distinguées d’Occident », celle de Provence dont est originaire l’épouse du saint roi, « Marguerite, qu’habite une âme trouvère : elle cherche à adoucir les rudes mœurs du temps et exerce la Cité à des usages plus raffinés ». Venant de la langue d’Oc, elle n’en dédaigne pas pour pour autant la langue d’oïl, « plus commune à toutes gens », et grâce à elle, « toutes les cours méridionales se fondent en la capitale des harmonies »…
Le lecteur féru d’histoire régionale découvrira dans cette haletante épopée de nombreuses évocations d’un grand poète et troubadour de l’époque, Thibaud de Champagne qui deviendra roi de Navarre.
Il y est également beaucoup question d’une autre reine qui a beaucoup compté dans la vie du souverain, sa mère, Blanche de Castille, nostalgique de « ses envoûtements espagnols : le bruissement des cyprès, la ronde des troubadours autour des fontaines argentées (…) et les entraînements d’une petite infante castillane courant en haut des tours, auprès des guetteurs, entre les murailles baignées de lumière ; le château de Palencia, cerné par les Maures, cette terre réfractaire arrachée pied à pied à l’Islam. Toute cette souvenance aux fragrances évanouies lui revenait à chaque instant dans une amère douceur, au coeur du sombre palais de la Cité. Je l’entendais fredonner des airs castillans. Son âme ardente l’inclinait à la mélancolie »…
Ce qui n’empêcha guère Blanche de Castille de protéger son fils, jeune orphelin de père, de toutes les intrigues et manigances de certains grands féaux - « la reine louve avec son petit louveteau » ayant appris à s’appuyer sur le peuple -, puis d’assurer le gouvernement du royaume en l’absence de son fils, parti « en famille » aux Croisades ! C’est d’ailleurs au château de Jaffa que naîtra sa fille Blanche : « ainsi va la vie qui tourne les pages d’une Blanche à l’autre et appelle à renaître, entre les berceaux et les tombes. La relève de l’aurore ».
L’aurore également de ma propre famille, puisque cette Blanche, fille de saint Louis, épousera mon ancêtre l’infant Fernando de La Cerda, lui-même petit-neveu de Blanche de Castille !
« Le roman de Saint Louis » par Philippe de Villiers aux Editions du Rocher, 638 pages, 8,95€
Alexandre de La Cerda