Unique en son genre, la Corrida goyesque – l’un des temps forts de la Côte basque – inscrit la tauromachie dans un spectacle alliant aussi les arts plastiques à près de 150 musiciens et chanteurs, dont Yves Ugalde relate par ailleurs le large succès obtenu mardi dernier.
Une Corrida goyesque ? Parce que les toreros y utilisent des costumes similaires à ceux en vigueur à l'époque de Goya : les paillettes sont quasiment absentes, les seules décorations étant des broderies…
A propos des liens de Goya avec le Pays Basque, voici un extrait d'un chapitre que j'avais écrit pour le bel album sur la peinture basque de Michel de Jauréguiberry (ed. Pimientos) : « C‘est sans doute le malheur des nations ou des peuples sans Etat que de voir souvent ignorés les trésors culturels produits par leur génie propre. Et l'on ignore généralement le Navarrais Juan de Gasco qui exerça surtout en Catalogne au XVe siècle, le Biscaïen du XVIe Francisco de Mendieta dont on connaît le « Serment des Fors de Biscaye par Ferdinand le Catholique », ou le Guipuzcoan Baltasar de Echave qui œuvra à la même époque au Mexique. Et surtout, leur compatriote Ignacio de Iriarte dont les paysages qui constituèrent plus d’une fois le fond des toiles de Murillo faisaient l’admiration de ce dernier.
Pour mémoire, indiquons encore que Zurbaran était d’une ascendance basque proche, tout comme Goya dont les grands-parents avaient quitté leur Guipuzcoa natal pour aller travailler en Aragon.
Etait-ce le souvenir de récits familiaux concernant les procès de sorcellerie au Labourd et dans la Navarre proche, au début du XVIIe siècle ? Ou bien son amitié avec le financier bayonnais François Cabarrus, dont la sœur était mariée à un Haraneder, propriétaire de la « Maison de l’Infante » à Saint-Jean-de-Luz, et dont le secrétaire, Leandro Fernandez de Moratin, expert ès-sorcellerie, deviendra un intime de Goya et le suivra en exil en France ? Peut-être Goya s’était-il attardé dans « la cathédrale du diable » à Zugarramurdi, en franchissant les Pyrénées ? Toujours est-il que, bien avant ses célèbres « peintures noires » d’où sourd l’hallucinante fureur du « Pré au bouc », l’ « Aquelarre » des scènes de sorcellerie et de mythologie basques avait déjà inspiré Goya. En particulier, un « Aquelarre » qu’il peignit entre 1797 et 1798 pour la maison de plaisance des ducs d’Osuna aux environs de Madrid. Dans toute cette production, on retrouve l’assemblée des « sorgins » autour d’un akerra « satanisé » et, dans « Asmodea », l’envol vers le sabbat avec au fond le profil caractéristique de la montagne des « Trois Couronnes » vue de la Rhune.
Dernier clin d’œil de Goya, parmi ses trois dessins que les spécialistes croyaient perdus depuis plus de 130 ans et que l’on vient de retrouver, « Bajar Rinendo » (La dispute en descendant) représente quatre sorcières qui se battent en plein vol » !
Alexandre de La Cerda