Le voyage que celui de Belgique change de logiciel de l'Asie pour la vieille Europe du carmel et de la Contre Réforme illustrée par cette femme espagnole du nom d'Ana de Jésus carmélite. Le pape François a décidé de la béatifier ainsi dans le couvent qu'elle fonda il y a plusieurs siècles en Belgique espagnole à l'époque.
Elle fut contemporaine, fille spirituelle de Thérèse d'Avila et de Jean de la Croix. Nous sommes en Espagne, le Carmel et ses réformes sont d'une grande importance pour "ces tenants d'une mystique et de vie monastique exceptionnelle". Né en 1545 à Médina Del Campo en Espagne, Ana de Jésus mourra en Belgique en 1621.

Pierre de Bérulle en France s'intéressera à cette femme de réputation internationale déjà pour l'époque pour fonder à Paris le premier carmel déchaussé dont il ne reste désormais que le souvenir parmi l'histoire religieuse de la ville.

Paris, Pontoise, Dijon, en poursuivant cette réforme par la Hollande et la Belgique, ces carmélites intrépides dans la foi ne renoncent à leur vocation pressée par le pape et l'Ordre du Carmel.

Mais le chemin de la béatification semblera improbable depuis trois cents ans, le projet mis sur le tapis, renvoyé, retardé, refusé est par suite de querelles intenses au sein du carmel entre religieux déchaux et les anciens peu disposés aux réformes internes; l'histoire de cette béatification promise après le statut de Vénérable obtenu en 2019 sur accord du pape François, parvient à son but.

Cristobal le seul frère de la carmélite est jésuite. Le réseau jésuite espagnol comptera pour le suivi de la vocation de cette jeune femme entrée dès ses seize ans au couvent ,selon les habitudes du temps passé et notoirement admirée par les uns, repoussée par les autres, après moulte conflits internes au carmel avec les supérieurs religieux, pères généraux en charge d'une autorité personnelle pouvant même conduire les réfractaires au cachot du couvent.

Anne de Jésus Lobera Torres en fera pour elle même l'expérience ! Les chroniqueurs du passé rappellent les querelles vives de la Madré Teresa avec le autorités religieuses et les évêques pour obtenir ses fins et sans fausse pudeur des moyens d'y parvenir.

L'enfance de cette adolescente est cruelle; Elle perdit ses deux parents, fut orpheline élevée par ses grands mères qui pressaient dès ses seize ans la jeune fille à prendre époux, ce qu'elle ne voulut pas, et résista avec une force de caractère qui obtint le renoncement de ses grands parents.

La date de 1570 compte pour Anne de Jésus, et la rencontre avec Thérèse d'Avila qui l'introduit au carmel qu'elle y a fondé et décidera de son destin à venir.
Les jésuites sont présents tout au long de cet itinéraire spirituel chez elle. Elle voulait être appelée Anne de Saint Pierre, mais Thérèse sa supérieure disposa  de Anne de Jésus et la décision ne fut contestée.

"La carmélite obtient des extases, des révélations, des dispositions mystiques" qui en ces temps avaient valeur de preuve ou de prouesse de vérité d'une vocation carmélite véritable.

L'histoire de cet ordre est incroyable. Jean de la Croix emprisonné s'enfuie, et se réfugie à Tolède, autre carmel fondé par Thérèse.

"La prison du couvent n'est jamais loin pour tout récalcitrant. Il n'est d'aucune de ces femmes impétueuses et autoritaire à n'avoir fait cette expérience personnelle, mystique et réelle. A savoir enfermé pendant des mois si nécessaire avec une sortie pour suivre la messe et une courte promenade et retour au cachot"

La liste des couvents carmels fondés au fil de ces années est incroyable. Grenade, Salamanque, Madrid, Malaga, Séville, Huarte, Valence, et pour Anne de Jésus maladive et retenue à nouveau par ses supérieurs et sous leur pouvoir, L'occasion de filer via les Pyrénées vers Paris pour recouvrer la liberté du carmel et la liberté tout court. Le carmel représente pour ces espagnoles une véritable fortification personnelle et institutionnelle dans une église assiégée et prête à se défendre avec les armes si nécessaire ! Car les soldats ne sont jamais loin de leurs entreprises

1601 Paris ouvre la porte du rayonnement carmélitain en France et en Europe du nord Louvain, Mons, Bruxelles jusqu'en Pologne et auprès des britanniques vivant en Belgique..

Anne de Jésus veut aller au-delà de la Belgique et du Luxembourg mais sa santé ne lui permet de le faire.  Elle mourra loin de l'Espagne mais toujours dans la mission d'une femme exceptionnelle, adorée des uns -unes  et refusée des autres, pour sa ténacité persévérante et les résultats obtenus dans son labeur.

Elle recevra de la Madre son manteau de carmélite qui est conservé par les sœurs comme un témoignage de promesse. Fille spirituelle de Thérèse, formée à son école et par elle, "d'une spiritualité qui étonne de son rayonnement, la prière et l'adoration eucharistique, celle pointée du sang sauveur de l'humanité, l'accueil des mourants, la connaissance des âmes qu'elle conseillait et comprenait, le pouvoir de guérison, le sens des prophéties, et l'intercession des êtres en souffrance..." Point de sujétion aux mièvreries de la vie !

Le temps de la béatification fut long, des siècles durant après plusieurs fois des tentatives de refus, de la part des carmes eux mêmes et carmélites concernées au premier chef, somme toute en présence de femmes exceptionnelles venues d'Espagne, pétrie d'une âme conventuelle et passionnément accordée à leur mission de soldate de la foi  ! Elle passa des années à rechercher et rassembler à la mort de Teresa d'Avila les lettres de la Madré et celles de Jean de la Croix. Enrichir la mémoire et l'histoire du Carmel non sans peine, des écrits furent détruits ou brûlés par la Madré à sa demande auprès de Anne de Jésus, et de toute évidence par les détracteurs carmes eux mêmes parfois peu disposés aux réformes demandées par ces supérieurs.

Louvain la ville universitaire célèbre est aussi au programme. Nos vieux professeurs se souviennent des querelles politico universitaires tenues en Belgique flamande et wallonnes dans et au cœur de l'Université.

Le pape François a décidé lui même de célébrer cette béatification en Belgique dans un programme diversifié de rencontres et de messages destinés à ses auditeurs et nous tous européens.

Que dira-t-il sur la vieille Europe après la jeune Asie ? Quel message nous réserve-t-il de cette femme venue du sud ibérique, dont il décida de la béatification et de sa célébration depuis des années ? Nous le saurons très vite !