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Tradition
Le chantre de nos églises
Le chantre de nos églises

| François-Xavier Esponde 1154 mots

Le chantre de nos églises

Il a disparu du paysage religieux de nos églises. Le chantre y occupait une place à part dans le déroulement du culte divin comme selon la définition “de conducteur de louange”.
Les psaumes et les hymnes, les transitions liturgiques avaient sa préférence et lui donnaient une place à part pour faire entendre sa voix puissante, sonore et emportée par les ondes en toute cathédrale, église ou chapelle dépourvue des moyens de diffusion moderne.

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Bâton cantoral (de chantre) ©
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Le chantre avait son statut distinct de celui du chant choral groupé par registres et par graduation vocale.
On retrouve encore dans les églises anglicanes, luthériennes, évangéliques la présence du chantre que la tradition a maintenue pour le temps liturgique chanté, particulièrement celui des psaumes.

On rappelle que l’origine du chantre remonterait à la place occupée par le lévite dans les us du Temple de Jérusalem.
Le roi David avait recruté 4000 chantres pour diriger les louanges de l’Eternel dans le Temple sacré de Jérusalem.

L’histoire ne précise comment se faisait l’accord harmonieux de ce contingent monophonique chantant ensemble ou séparément le déroulé liturgique des invocations portées en ce lieu ?

On appelait par le terme “hazzan” ce personnage exceptionnel ou chantre lévite qui proclamait les cent cinquante psaumes de la Torah juive lors des prières quotidiennes dans ce Saint des Saints de l’Antiquité.

On prêta à Augustin d’Hippone ce mot devenu célèbre, “bien chanter c’est prier deux fois”, qui bene cantat bis orat, ce qui de toute évidence donnait de l’avantage au chantre exercé à la voix ininterrompue de sa mission !
Le psalmiste était bien reconnu comme chantre agréé pour cette fonction liturgique.
Il appartenait à un Ordre mineur dans la hiérarchie obtenue des fonctions liturgiques par chaque intervenant.

Il faudra attendre le IVème siècle pour acquérir cette fonction officiellement reconnue dans l’ordonnancement liturgique, et c’est au cours du Concile de Laodicée en 360 que le conducteur de louange obtient son accréditation liturgique interdisant par le fait aux prêtres et aux diacres nombreux de s’approprier la fonction à leur unique avantage !

Le chantre était autre, tout autre et devait le rester !
Si l’assemblée demeurait silencieuse lors des prestations liturgiques en cours, la voix puissante, virile et portée du chantre faisait la transition des temps de la liturgie, particulièrement de la messe dite en latin, dans un rassemblement venu pour en apprécier la prestation vocale du chantre et sans doute aussi celle du prédicateur du jour qui n’avait pas toujours l’envolée lyrique d’Ambroise de Milan ou d’augustin d’Hippone son fidèle disciple.

Devenir chantre faisait l’objet d’une sélection de voix jugée par l’évêque en son diocèse, car en terme contemporain le chantre était l’ajout de la communication le plus prisé pour son église et sa cathédrale !
Les voix androgynes ou passablement masculines étaient refusées, car le chantre n’était pas un soliste de chorale aigüe de voix suprêmes.

Il fallut attendre les consignes d’Isidore de Séville, sourcilleux pour définir les canons de la voix haute, claire, sonore et pure, en somme tous les agréments réunis pour obtenir le label liturgique et se démarquer des voix théâtrales de l’antiquité prisées selon le déroulé classique du spectacle animé de la comédie humaine !
On ne sait si le chantre arborait un costume liturgique, ou n’étant pas logé dans le corps ecclésiastique du temps ne mêlait son statut civil à celui de la corporation des chanoines fiers de leur état et de leurs avantages !

Le chantre devait élever le coeur de la prière par sa voix distincte et assurée d’une telle amplitude, “obtenir un ébranlement profond des âmes des fidèles”, l’histoire ne dit mot sur le résultat acquis au prix d’un travail de la voix et du registre des tons adoptés pour y parvenir !
Des chroniques du passé rapportent que sa présence lors des liturgies donnait lieu à des us païens de convenance. On allait l’escorter de son domicile à la cathédrale, pour lui signifier la gratitude de sa fonction officielle dans le déroulé des temps de la prière !

Grégoire le Grand crée une école des chantres, la première semble-t-il connue pour ce temps des origines chrétiennes et selon Migne auteur référencé des Pères de l’Eglise, le chantre administrait couché sur un lit à la romaine son école de chantres en travail, doté d’une férule pour corriger les enfants indociles à portée de l’antiphonaire pour lire ses parchemins et ses notes de musiques.
On prétendit que Charlemagne eut une passion soutenue pour le chant et le travail des chantres des cathédrales du royaume, et inspira les schola cantorum où le chantre occupait sa place à part entière dans ce collège des vocalises exercées pour la liturgie.

Tout un espace sacré d’antan a depuis disparu des couvents et cathédrales autour de ce lieu réservé au chant choral lors des assemblées liturgiques.
Le jubé, la balustrade de séparation des chanteurs, et du public, le bâton cantoral dont se trouvait armé le maitre du chant, le lutrin où l’on déposait les articles du culte et du chant, le pupitre, l’aigle aux ailes déployées de l’évangéliaire, appartenaient à cet assortiment agréé de toute liturgie grégorienne à l’ancienne, des origines datées de la liturgie chrétienne.

On rappelle la vertu du psaume 96 interprétée par excellence comme appel des fidèles à la louange du Seigneur, sous le titre Chantez au Seigneur un cantique nouveau, alleluia, alléluia !
En somme du classique répétitif et protégé comme un bien patrimonial indéfectible et récurrent !

La voix liturgique fut tout d’abord celle de la pratique vocale de l’excellence, à l’aide d’instruments de musique réduits à la plus simple expression comme celle de l’aulos, qui au fil du temps s’ajouteront dans le déroulé liturgique au culte sacré détrônant cependant l’exclusivité des voix et celle du chantre, relégué à la marge ou à la périphérie du moment !
Le chantre avait obtenu au fil du temps un statut particulier dans le giron cathédral ou paroissial où s’exerçait sa fonction.
Sa voix reconnue lui accordait quelques prébendes et pour certains parmi eux des invitations pour des prestations publiques chez les bienfaisantes œuvres de toute ville.
Il devait assurer avec les chanoines orants de toute cathédrale le maintien du trésor liturgique détenu depuis des siècles des partitions musicales du fonds cathédral ou paroissial, d’antiphonaires, de tropaires, de graduels, de missels anciens du cantatorium, lieu réservé de toute cathédrale où était conservé le trésor vocal du lieu.

Le chantre pouvait encore exercer son enseignement sur les élèves de la ville, hors de toute autre fonction religieuse.
Il était convenu que l’émulation artistiques de ces vocations si individuelles attisait parfois des jalousies notables et d’influences pour obtenir la place de choix et l’appréciation de l’évêque régnant dans son église.

Querelles de sacristies ou de chapitres inévitables, l’art de la voix en sa perfection même attirait du public car, ne nous y trompons pas , un chantre doté d’un organe puissant était apprécié et admiré par un auditoire venu l’entendre, le jauger et l’admirer !

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