Le 148ème Pèlerinage National organisé par la Congrégation de l’Assomption se déroule actuellement à Lourdes - en cette fête de l’Assomption - sur le thème « Tous appelés à la fraternité » et sous la présidence de Mgr Michel Aupetit, médecin et archevêque de Paris qui souligne la nécessité de « retrouver la fraternité dans l’Eglise et dans la société, une valeur mise à mal par la pandémie ».
Le récit de l’assassinat du Père Olivier Maire illustre le rapport biblique de Caïn et Abel, qui s’est rappelé à notre mémoire ces jours passés. Nous sommes les gardiens de nos frères selon l’adage évangélique, « ce que tu as fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que tu l’as fait ».
Il nous faut apprendre sans cesse à aimer dans l’Eglise et dans la société. Et retrouver la personne du Christ par delà les différences et sensibilités de nos modes de vivre, nos religions, nos rites liturgiques. Christ est une personne, pierre d’angle de l’Eglise et recherche de son unité, par l’humilité de ses membres. La fraternité spirituelle et personnelle repose sur la paternité commune, entre des frères et des sœurs en humanité qui ne se sont pas choisis, en apprenant sans cesse à s’aimer.
Le christianisme est une religion de l’amitié. Montaigne rappelait le rapport religieux comme une accointance mais au delà de ce sentiment légitime, la source en Dieu qui nous choisit tels que nous sommes porte vers une décision à prendre indéfiniment, par-delà le partenariat que nous pratiquons avec le prochain que nous cherchons à aimer. Comme une œuvre de « salut public » qu’il faut retrouver par le haut, en dépassant les rapports partisans, une décision indispensable aujourd’hui.
Lourdes ne serait pas un monde à l’envers, mais le monde à l’endroit. Tout un chacun du plus grand au plus modeste y a sa place, sa dignité, sa reconnaissance, comme ce devrait l’être dans la société tout entière.
Cette année, le pèlerinage compte 3000 pèlerins inscrits, 300 malades, handicapés ou âgés logées dans deux Accueils, 1500 hospitaliers bénévoles, 400 jeunes de moins de 18 ans, 150 personnes en situation de précarité et 120 chrétiens d’Orient (pour la plupart, arrivés en France au cours des dernières années) qui ressentent dans les processions de Lourdes la ferveur de celles qu'ils vivaient dans leur pays d'origine ; l'occasion également pour ces chrétiens déracinés de se retrouver en famille ou entre amis.
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Des échanges forts et d’amitié entre hospitaliers bénévoles et malades (Alexandre de La Cerda)
« Moment intense d’émotion et de ferveur lors de la procession mariale qui vous remplit le cœur, les malades se livrent à nous pour parler de leurs maladies, de leur problème, puis les larmes apparaissent : nous sommes là pour les rassurer, les réconforter avec des caresses, des bisous, des échanges forts et d’amitié se créent entre nous pendant les quatre jours où nous restons ensemble », commente Jérôme Etchebarne. Voilà plus de quinze ans que le jeune conseiller municipal de Béguios en Amikuze (Pays de Mixe) s’était mis à leur service dans le cadre du pèlerinage de l'Hospitalité Basco-Béarnaise : « C'est un monde à part, une bulle où l’on oublie tous nos soucis de famille, travail, stress, maladies. Là-bas, je me ressource et vide ma tête de tout cela.
A la fin de mon service, à 23h, je pars à la grotte me recueillir et prier pour moi, ma famille, mes amis ; et je me vide ». Et d’ajouter cette raison particulière de sa présence assidue à Lourdes : « C’est un besoin pour moi que d’aller à Lourdes : « j’ai perdu mon père du cancer du cerveau et je n’avais que dix ans ; il est dans mon cœur à chaque pèlerinage »...
Ancienne déléguée des œuvres de l’Ordre de Malte pour le Pays Basque et le Béarn hélas trop tôt disparue, Marie-France d’Abbadie d’Ithorrotz considérait pour sa part, que « les apparitions de la Vierge à Lourdes sont de première importance pour les chrétiens. Je prie la Vierge tous les jours et j’ai toujours été exaucée ». Originaire de Garris, elle se souvenait que sa grand-tante, avant-guerre, avait elle-même été guérie : « à demi-paralysée, elle avait insisté pour se rendre en car à Lourdes et se faire baigner ». Aussitôt, elle se « sentit une autre personne » et demanda : « laissez-moi marcher toute seule » ! Marie-France d’Abbadie se rappelait également la guérison de son frère, à l’âge de cinq ans, d’une diphtérie qui lui faisait rejeter sa salive : on lui avait fait boire de l’eau de Lourdes. « Car, beaucoup de familles, au Pays Basque, conservent une bouteille d’eau provenant de la Grotte miraculeuse. Et, depuis mon enfance, je continue d’aller deux ou trois fois par an à Lourdes »…
« Era Immaculada Councepciou »
Ce sont ainsi des millions de pèlerins qui mettent leurs pas dans ceux de Bernadette Soubirous, plus de cent-soixante ans après le miracle des apparitions qui eurent lieu en 1858.
Or, à quelques mois de ces événements, un catholique irlandais, Denys-Shyne Lawlor, qui avait choisi « le climat doux et la grande tranquillité de Biarritz pendant l’hiver » afin de se remettre « d’un de ces malheurs qui obscurcissent la vie », profita de son séjour pour parcourait les sanctuaires pyrénéens. Voici comment lui apparut Lourdes, « à l’entrée des sept vallées du Lavedan, près du pic de Gers. Les maisons sont groupées sans ordre au bas d’un rocher, sur le sommet duquel semble perchée comme un nid d’aigle une imposante forteresse. Entre les arbres de la plaine serpente le gave, dont la course est rapide et fait tourner les roues de plusieurs moulins construits sur les bords. Le paysage autour de Lourdes est à la fois riant et grandiose ; prairies vertes, champs cultivés, bois épais sont encadrés d’un côté par la forteresse, et de l’autre par les pics neigeux qui se perdent dans les nues »…
Le décor planté, que s’était-il passé ?
Le jeudi 11 février 1858, Bernadette Soubirous, fille aînée d'une famille pauvre d'anciens meuniers, va ramasser du bois mort avec sa sœur et une compagne, le long du Gave, près du rocher de Massa Bielle (la Vieille Roche, en béarnais-bigourdan). La vision d'une « Dame » lui apparaît, à elle-seule, au-dessus d'un églantier, dans l'anfractuosité du rocher. La vision se renouvelle 18 fois jusqu'au 16 juillet 1858. Le 25 mars, à sa demande, inspirée par le curé de Lourdes, l'abbé Peyramale, la visiteuse céleste se nomme : « Que soy era Immaculada Councepciou » (Je suis l'Immaculée Conception), du nom même contenu dans la définition mariale dogmatique proclamée quatre ans plus tôt par le pape Pie IX !
Le jaillissement d'une source s’était joint au miracle de la révélation, toujours le même de Bétharram à Fatima : prière, conversion, pénitence. Rien ne fut épargné à Bernadette, on la prétendit « hallucinée », voire folle, et le zèle des autorités, devant l’afflux immédiat des pèlerins, défendit l’accès de la grotte au public, autant par mesure « d’ordre » que pour contrer quelque accès intempestif de superstition à une époque où la croyance en un développement infini de la science devait assurer le bonheur radieux de l’humanité.
Tourments auxquels mit fin, en partie, l'impératrice Eugénie qui séjournait alors à Biarritz. La souveraine, d’une santé fragile comme celle de son fils né deux ans auparavant, y avait envoyé l'amirale Bruat, gouvernante du Prince impérial, selon l’historien Henri Lasserre.
Mais d’après la rumeur, Eugénie aurait visité elle-même la grotte « incognito ». Ce qui est plausible puisque le couple impérial marqua une étape à Lourdes le 19 août 1859, sur le chemin d’une cure à Luz Saint-Sauveur. La Providence n’y avait-elle pas incité Napoléon III à construire la voie ferrée vers Lourdes, achevée en 1866 ?
Quant à la hiérarchie ecclésiastique, après des tergiversations et une longue enquête, l'évêque de Tarbes décida de faire ériger l'église souhaitée par la Vierge dans ses « entretiens » avec Bernadette dont on conserve un cliché pris en 1865. Il révèle, dans les yeux, la lumière laissée par l’apparition. Un regard comme hors du temps, qui contemple un univers secret, mais à notre portée !