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Tradition
La toponymie fait également partie du patrimoine : en Bretagne et à Anglet
La toponymie fait également partie du patrimoine : en Bretagne et à Anglet
© Guilhem Pépin

| Y.Ugalde et ALC 872 mots

La toponymie fait également partie du patrimoine : en Bretagne et à Anglet

La chaîne France Culture rapportait mercredi dernier que « 300 intellectuels et artistes bretons de renom avaient signé une lettre ouverte pour dénoncer la constante francisation des noms de lieux en Bretagne. Un petit détail qui touche à quelque chose d’essentiel disaient les signataires : le droit à la diversité culturelle. En fait, comme une traînée de poudre, la colère était partie d'un conseil municipal du 27 février dernier à Telgruc sur mer, petite ville de 2 124 habitants située dans le Finistère, qui venait d'adopter 32 nouveaux noms de rues ayant pour thèmes les oiseaux (y figurait même une rue des pélicans, un oiseau qui vit sous les tropiques !), la minoterie ou la mer, sans qu'un seul ne fût en breton, sur un site urbanisé où le cadastre napoléonien (qui date de 1831) donne pourtant des noms de lieux d'origine » ! Et la polémique est ancienne, souligne le reportage de France Culture : « Il y a dix ans déjà, le président du Conseil Régional de Bretagne, Jean-Yves le Drian avait sommé la Poste de respecter les adresses écrites en breton. Les machines de tri postales étaient considérées comme responsables d'une francisation abusive des noms de lieux parce qu'elles n'étaient pas capables de reconnaître les caractères spécifiques de la langue bretonne. Or, dans un monde globalisé, la micro-toponymie permet parfois de mieux se situer et la différence culturelle est pour beaucoup une question d'identité ».

Heureusement, les municipalités bayonnaise et angloye s’avèrent beaucoup plus respectueuses (que certains de leurs collègues bretons) de notre patrimoine toponymique basque et gascon, comme en témoigne dans cet article l’adjoint à la culture bayonnais Yves Ugalde, qui dut cependant « se justifier  » auprès de quelques habitants peu au fait de ces subtilités linguistiques :
« Bon, je me vois obligé de répondre en bloc à une multitude de remarques et de courriers au sujet de l'orthographe du nom des nouvelles stations du trambus entre Biarritz et Bayonne. Non, les panneaux indiquant les arrêts, non les documents d'information les détaillant, ne sont pas bourrés de fautes d'orthographe. Nous avons simplement profité de cette nouvelle ère des déplacements urbains pour rendre à un grand nombre de toponymes leurs identités premières.
Les noms d'origine gasconne ont retrouvé leur orthographe première comme ceux d'origine basque ont repris contact avec la leur. Cela sera expliqué progressivement sur des petits cartels afin simplement que les lieux héritiers de cultures antérieures à la normalisation française, puissent à nouveau faire chanter leurs racines.
Les dames de Montauri ont existé, celle de Montaury non. Les vieux Angloys le savent. Il est grand temps de le rappeler. Il y a dans cette démarche de retour aux sources, un acte civilisationnel dont je suis fier d'être le défenseur ici. Comment ne pas saisir la balle de cette démarche d'identification de nos nouvelles stations de trambus au bond ! Il était plus que temps de rafraîchir les mémoires des autochtones et d'informer nos visiteurs sur des appellations dont l'esprit originel allait définitivement passer à la moulinette uniformisante de notre langue nationale.
Dieu sait si je suis attaché à la langue française et à sa présence de Lille à Hendaye confortant le socle sociétal de notre pays, mais je ne peux pas me résoudre à ce que, sous prétexte de simplification usuelle, elle lamine les cultures régionales et les absorbe ainsi dans une digestion sans nuance. Celle qui a déjà fait tant de mal à nos langues de territoire, sans hélas fournir la preuve d'une amélioration spectaculaire dans sa pratique orale ou écrite chez les plus jeunes d'entre nous...
Les lieux dans lesquels note trambus s'arrête, ont vu vivre et s'épanouir des us et coutumes, ici occitans, là basques, et, avec eux, des langues colorées et aux patronymes parfois totalement intraduisibles. Alors pourquoi n'en reconnaîtrait-on pas la spécificité, tant qu'il en est encore temps.
Ce que beaucoup de nos concitoyens considèrent comme des fautes d'orthographe est en fait un dernier SOS, un ultime signal de vie de nos cultures régionales. De grâce laissons ces noms vivre comme ils ont été pensés, partagés, pratiqués par nos ancêtres !
On sera plus didactique, c'est promis, mais pour expliquer le sens de la démarche, en aucune manière pour s'en excuser ou pour la regretter. Appeler un lieu de son nom originel, c'est en respecter l'histoire et, souvent, une particularité topographique ou populaire que le bitume et les raccourcis urbanistiques ont éradiquée.
Oui aux noms originaux et à leurs références culturelles et linguistiques. Il ne sera pas dit que notre trambus s'arrête dans des endroits dont les noms ont perdu leur âme. C'est à nous d'avoir la curiosité intellectuelle d'en rechercher les origines, et pas le contraire »...

Cette prise de position d’Yves Ugalde rencontre évidemment une franche approbation des « passeurs de patrimoine », tel Yvan Bareyre, fondateur des « Cantaires de came », animateur de la première émission de radio en gascon « Adishatz Mounde » (il y a quarante ans !) sur Radio Adour Navarre et vice-président de l’Académie Gascoune : « Une bien belle démarche de fidélité à notre histoire et à nos cultures, Yves ! Comment ne pas s’en réjouir ? Oui, probablement, il faudra rafraîchir des mémoires et rappeler quelques particularités topographiques ou populaires. Où que ce soit, « Faire chanter les racines » ne doit pas être négociable ».

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