1 - Murillo
Les esthètes apprécieront en ce temps de confinement contraint l'aspect "sentimental" et la poésie essentielle de "La Sainte Famille à l’oiseau" peint par Bartolomé Esteban Murillo en 1650.
Il se trouve à Madrid au Musée du Prado pour les plus chanceux qui peuvent y accéder.
Murillo peint avec finesse des visages quasi "photographiques" dans leur exactitude et savoure le quotidien de toute vie jusque dans ces retranchements comme celui que nous vivons actuellement.
Le jeune peintre né à Séville, orphelin élevé par une soeur et un beau-frère chirurgien barbier comme le père, se laisse former par un peintre - artiste jugé de seconde zone -, mais le disciple dépassera le maître comme souvent en cette discipline artistique.
Le voilà installé à Cadix, libre de sa destiné artistique et qui se prête à toutes les influences : un voyage à Madrid en 1642 où il rencontre des aînés comme Alonso Cano, Francisco de Zurbaran et Giuseppe de Ribera qui fascinent le jeune esthète.
Il est remarqué, et de retour à Séville, les premières commandes arrivent en 1645-46.
Les franciscains lui demandent de décorer le cloître de leur couvent sévillan.C’est le début de sa notoriété et les commandes suivantes se succèdent dans ses travaux inspirés par l’art religieux.
Mais le peintre est pluriel dans son inspiration. La peinture de la vie au quotidien, simple, proche du réel et de la pauvreté environnante, lui inspirent des visages d’enfants de la rue, d’adolescents beaux de nature, mais vivant dans la misère de leur condition d’abandon, les maternités surnumériques, et livrés à la rue.
La pauvreté franciscaine s’illustre dans ces oeuvres magnifiques, originales et admirées depuis leur création chez ce peintre singulier.
La "Sainte Famille à l’oiseau" conservée au Prado représente un "pater familias” mêlé à l’éducation d’un enfant d’exception, montrant un oiseau à un petit chien...
Marie, la mère, à l’arrière-plan dans l’ombre, a interrompu son travail pour partager la scène.
Tout est dans l'aspect simple de l'existence de gens modestes, entourés de leurs animaux domestiques, partageant une condition familiale où chacun vit avec les siens dans une proximité naturelle.
Il s’agit cependant de la Sainte Famille, à l’image de chaque famille de la terre.
On devine que le père est bien Joseph le charpentier, qui interrompt son travail pour contenter son enfant Jésus.
Dans le fond de la scène, on distingue l’atelier, l’établi, le rabot, la scie.
Joseph et Marie tiennent chacun leur rôle : la mère file de ses doigts la soie précieuse, un tour devant elle, un panier rempli d’écheveaux à ses pieds.
Le détail du tableau place chaque personnage à sa place selon sa mission.
Joseph avec Jésus dominent la scène, sous le jeu suggestif d’une lumière venant de côté qui placent les personnages principaux au coeur de la peinture.
Nous sommes donc à Nazareth dans la maison de Marie et de Joseph, dans une version médiévale de l’habitation des simples gens.
La saveur et la finesse des traits représentés ajoutent de la beauté sublime à la sobriété d’un jour comme les autres, mais différent pour ces jeunes parents pétris de bonheur, par leur enfant.
2 - On est en Espagne au temps du XVIIème siècle.
Les "théâtres de la foi” donnés dans les églises, montrés dans les rues, comme des images vivantes des vies de saints, dont celle de Jésus, plaisent au peuple chrétien. On aime les processions de rue, nourries d’oriflammes, de statues de vierges, d’Enfants-Dieux, de saints entourés de dévotion.
La foi espagnole est de la rue, hier et aujourd’hui, malgré les conditionnements sanitaires momentanés imposés pour l’instant.
Loin des images impersonnelles d’une religion de rites perpétuels, chacun visualise à son goût cette intimité spirituelle dans sa vie personnelle.
Les sculptures de l'Enfant Jésus y sont nombreuses dans les couvents masculins et féminins, jusque dans les familles où l’on arbore fièrement leur présence bienfaisante, et les costumes apprêtés, de soie, de satin, de fil d’or, que les Espagnols n’ont jamais abandonnés à une quelconque idée de la superstition ambiante.
Il était de coutume de rhabiller selon les cycles liturgiques ces représentations familières domestiques, pour leur confort et de toute évidence celui de ces dames ouvreuses aux doigts exercés.
La "Sainte Famille à l’oiseau" est pour un espagnol de ce temps-là le profil le mieux exposé de ce que chacune pratiquait dans son espace intérieur. Le travail, l’éducation de l’enfance, la vie simple d’une "convivencia commune", d’une authentique vérité pour ces personnages illustrés de la vie sociale, en font de véritables témoins de leur temps.
La mère espagnole représentée sur ce tableau porte un visage grave devant son enfant. La madre y est habituée à porter le cours du temps de ces populations livrées aux épreuves de leur histoire.
Quant à l'enfant, il s’amuse de l’intérêt du petit chien pour cet oiseau qu’il lui faut bien protéger.
L’insouciance et la fraîcheur de la scène convient les admirateurs du peintre à ne jamais perdre confiance dans les pires adversités de toute vie, et préserver l’émerveillement de l’enfance qui redonne une confiance sans réserve en l’avenir.