1 – Un sujet éthique et religieux du passé
Evoquer la repentance semblait un thème éthique ancien repris désormais par le propos des contemporains qui ne renoncent à envisager le repentir, la réparation, le pardon et la réconciliation un jour au temps des conflits en cours aujourd'hui.
Un avis partagé entre les partisans de la réparation considérés comme des faibles par les uns, et les réfractaires résolument ancrés dans le conflit sans compromis.
Un propos éthico- religieux appliqué au descriptif laïque et civil de nos sociétés qui n'en ont perdu le sens originel et l'adaptent aux besoins modernes.
En voulant envisager "quelque sortie de crise en cours", on évoque un vocabulaire l'expiation qui dans la tradition des grecs anciens s'appliquait aux vainqueur pour venger la défaite de l’adversaire, du gagnant et du perdant sans nuance !
Yom Kippur est la fête par excellence du Grand Pardon pour ce peuple demandant à Dieu toute purification de ses fautes commises, le philosophe Paul Ricoeur n'aimait évoquer rappeler dans cette fête religieuse un sacrifice destiné à Dieu, car selon lui la règle n'était religieuse, et serait d'origine ”paienne” !
Les chrétiens reconnaîtront dans le sacrifice du Christ “une mort d'expiation” considérant cette mort comme un sacrifice de réparation.
Les avis divergeront entre les églises chrétiennes néanmoins, car dans la Contre Réforme catholique la mort du Christ ne faisant disparaitre l'expiation présente dans le cours de toute vie chrétienne, on adopterait le schéma antique convenu de la réparation des fautes de l'humanité.
Une différence de taille cependant qui peut exister encore entre catholique et réformés à propos de la mort du Seigneur
Expiation et purification de la société humaine ont une dimension distincte et s'origineraient dans des traditions philosophiques différentes.
2 – La repentance, une évolution éthique
A propos de la repentance, selon la tradition judéo-chrétienne, on évoquera "le sentiment de regret", un retournement en soi en vue d'obtenir le pardon divin pour les fautes commises. Au nom de dieu et par delà les raisons évoquées par la conscience humaine.
Par peur du châtiment sans doute mais surtout par amour de Dieu dépassant toute logique fratricide de guerre ou de conflit ?
On notera que dans le Nouveau Testament le changement de compréhension du sujet invitera à rompre la logique de la loi du talion et l'invite de Jean le Baptiste à la conversion des esprits et des coeurs se diffusera dans le christianisme des origines dans la filiation religieuse juive antérieure.
Il fallut attendre le XIème siècle en Gaule disent les historiens de l'église pour faire acte de pénitence et pratiquer la confession des fautes commises.
L’aveu de culpabilité semblait aveu de faiblesse et de peu de confort pour se réconcilier avec l’adversaire.
La récurrence du thème demeure chez les Réformés, entre Luther et Calvin à propos de la confession.
Le premier fait appel de la pénitence individuelle comme chez les catholiques, Calvin refuse aux prêtres le pouvoir du pardon des fautes.
Seuls sacrements de la vie chrétienne en l'état étant le baptême et la cène qui au fil des échanges oecuméniques entre églises chrétiennes se sont modelées et apportèrent des nuances d'interprétation de la doctrine chrétienne.
Les protestants allemands publièrent en octobre 1945 “la Déclaration de Culpabilité de Stuttgart reconnaissant “leur manque de courage en tant que citoyens allemands au temps de la guerre et leur peu de visibilité à dénoncer le nazisme dans leur pays.” La conscience humaine mesurait la gravité des faits commis et la recherche de responsabilité personnelle des auteurs.
Les historiens aiment à comparer l'esprit qui gouverna la posture des vainqueurs au Traité de Versailles à propos de l'Allemagne, l'esprit de repentance n'était pas encore dans les esprits ! Il fallait faire expier aux vaincus leurs fautes, la repentance viendrait plus tard entre les nations des deux pays européens en conflit.
3 – La repentance des catholiques au coeur du Concile Vatican II
Du côté de l'église catholique il fallut attendre le Concile Vatican II pour évoquer d'autres non- dits de l'histoire contemporaine tels “l'esclavagisme, l'antisémitisme des églises et des Etats” pour préparer les esprits à quelque réconciliation collective et parfaire le sentiment de repentance peu ou prou cité. La repentance demeurait objet de polémique inévitable entre partisans et opposants d’une paix improbable et de promesse à venir !
S'agissant du pardon des fautes ou des méfaits commis dans son acception première de la remise des dettes, l'idée même d'avoir commis de tels manquements sonnait comme antinomique s'agissant de relier les hommes et Dieu à de tels agissements.
“La foi des chrétiens rapportait que la mort réparation suprême du Christ invitait à s'identifier à ce sacrifice par leur vie personnelle”, mais il faudra avouer que le pas à franchir pour beaucoup sera une promesse insaisissable chez de nombreux acteurs de la guerre, plus prompts à la réparation qu’au pardon.
Les esprits n'étaient pas prêts à de telles conversions individuelles des Etats incriminés par la guerre !
On rappelait que toute repentance appelait au pardon, et le pardon sans repentance n'était pas un pardon effectif, sinon une invite inachevée de la repentance en vue du pardon !
Pardonner ne sera jamais oublier, et les témoins de toute guerre le disent à chaque génération, la remise des dettes ne permet d'oublier les offenses mais invite à faire mémoire de " l'offense délivrée de sa dette "!
Vérité et Réconciliation ont permis en Afrique du sud ou au Rwanda en pays chrétiens tous les deux, d'adopter ce regard religieux en vue de fonder une société pacifiée au terme de conflits ininterrompus, d’ apartheid, de guerre civile, de racisme, de génocide..
Pardonner après avoir obtenu repentance des parties belligérantes, permit l' amnistie et les vues de la réconciliation, un défi contenu en toute situation de guerre déclarée ou larvée, sans lendemain et sans espérance !
L'objectif de tout cessez le feu étant la réconciliation, d'une amnistie qui s'accorde en vue de pourparlers de paix demeure aujourd’hui encore. Le drame russo-ukrainien en l’état en donne l’exemple et oblige les partenaires à chercher quelque sortie de conflit, un jour ?
Les enjeux récurrents de toute confrontation y sont en cours. L’histoire de la Seconde Guerre mondiale et les Conférences en faveur de la Paix furent un chemin long et pavé d’oppositions. Nous étions en Occident chrétien, les esprits consentirent à le faire non sans difficulté.
Dans le Moyen Orient ancien les historiens relatent que de tels processus n'existaient pas.
Le vainqueur envahissant le vaincu, le soumettant à sa vindicte, il faudra attendre les guerres occidentales plus contemporaines pour arrimer cette paix des hommes à “un corpus civil et religieux d'artisans de consensus “ au nom d’une conscience universelle agissant en faveur de cette paix des hommes effective.
Pardon et réconciliation se donnant la main, il n'y aurait donc pas de réconciliation possible sans pardon acquis des rivaux entre eux, bien qu'un pardon sans réconciliation soit toujours envisageable mais de toute évidence de courte durée !
Dans des sociétés laïques telles la nôtre, le dialogue en faveur de la paix ayant perdu son caractère religieux primitif, on ne semble renoncer cependant à le faire selon des critères civils en cours sachant cependant qu'à terme un jour les vieilles traditions religieuses présentes dans les pays en guerre reprennent leurs pratiques ancestrales d'avant conflit et renouent avec des évolutions politiques et culturelles qui corrigent des traits de caractère tels le patriotisme, la foi populaire, comme des recours inversés possibles de fin de guerre ?
Qu'en peut-on en penser de la Chine, de la Russie, de l'Iran, de nos sociétés occidentales chrétiennes à l'origine, de l'Europe en quête d’elle même à ce propos, à la vue de conflits menaçants qui s'éternisent ?
Nos vieilles références éthiques judéo-chrétiennes sont elles dépassées ?
Les traditions philosophiques antiques déclassées ?
Les institutions religieuses écartelées ?
L’ONU à la peine ?
On pouvait penser un jour s’être affranchi de la question religieuse pour la résolution des conflits en cours, l’actualité revient à grand pas au sujet de la repentance sur les consciences humaines.
La repentance est toujours actuelle, les esprits et les coeurs sont conviés à n’y renoncer pour la libération de l’humanité de ses propres tourments de guerre et de sa destruction par elle même !