0
La Terre
La forêt landaise en souffrance !
La forêt landaise en souffrance !

| François-Xavier Esponde 1247 mots

La forêt landaise en souffrance !

Pignada.JPEG
Anglet : redonner vie au Pignada ©
Pignada.JPEG

1- Une épreuve bio écologique de l’été 2022

L’histoire retiendra au cours de cet été 2022 l’incendie désastreux qui a affecté ce 12 juillet la forêt de pin atlantique girondine à La Teste de Buch et à Landiras.
En dix jours plus de 20 000 hectares sont partis en fumée. José Cubéro auteur en 2019 d’un livre intitulé La Lande, le pin, le feu, le grand incendie de 1949 retient à nouveau l’attention des lecteurs.

Cette foret artificielle fut la conséquence directe d’une loi de Napoléon III sur l’essor de l’industrie de la résine de pin devenue un profit économique avantageux pour la région. En 1815 4300 hectares sont ensemencés en pins.
Un siècle plus tard, la forêt couvre une surface d’un million d’hectares.
Davantage de bergers sur leurs échasses surveillant des troupeaux en des terres humides pendant des siècles, une industrie du pin et de la résine devenue conséquente.
La seule essence plantée sera le pin maritime exploitée pour la résine et le bois. La monoculture de ce bois sec est sensible au feu et les moyens techniques de s’en préserver restent toujours insuffisants dans une telle surface et une géographie particulière.

L’histoire rapporte : il y avait d’antan une forêt ancienne différente de ce que l’on connait aujourd’hui. On y trouvait des chênes au milieu de pins maritimes.
Détruite plusieurs fois lors de l’antiquité et au Moyen Age, par les envahisseurs, les Alains, les wisigoths, mais encore les arabes ou les Normands.

Il fallut attendre le XVIIème siècle pour que les pins soient exploités pour la résine.
On produit de l’essence de térébenthine et du goudron de pin, un produit essentiel pour calfater les bateaux.
Si l’agropastoralisme prédominait dans cette terre agricole, les sols y étaient pauvres, acides, sans engrais on ne pouvait cultiver la terre.

L’élevage des moutons se répandaient jusqu’aux Pyrénées, et les bergers transhumaient en cette immense terre pendant des siècles. On pouvait recueillir les engrais naturels des troupeaux, utilisés comme fumure, chaque année 70 000 tonnes de fumiers servaient comme engrais pour les cultures.
Le seigle prédominait comme céréale quasi disparue depuis en ces terres. On calculait la consommation de 1,75 kg de seigle pour cette consommation quotidienne.

La pratique des incendies pour nettoyer les terres était coutumière en vue de faire pousser de l’herbe tendre le printemps.
La pratique de ces feux était encadrée par les seigneurs locaux et la communauté villageoise convoquée pour les encadrer in situ.
La pratique du pin existait dès les XVIème et XVIIème siècles, puis la loi de 1857 de Napoléon III obligera les communes à assainir les marécages pour les rendre productifs.

Désormais la forêt devient industrielle. Le pin produit de la résine pendant 35-40 ans, puis on coupe le bois pour le vendre. 
Le travail des gemmeurs est raconté en divers endroits touristiques et patrimoniaux landais.
Les distilleries de résine étaient disséminées partout dans la forêt. Un travail de métayers, les propriétaires fournissant la terre, l’habitat et recevant en échange la moitié de la production. Les propriétaires se réservant la vente des arbres suivant un modus vivendi acquis de conventions liant les deux parties dans ce rapport économique commun.

Mais la fin du XIXème siècle et le XXème siècle connaissent des incendies colossaux dévorant des milliers d’hectares de pins. Les hommes dès 16 ans ont l’obligation d’aller au feu, à pied ou à dos de mulet avec les moyens spartiates de l’époque, avec des charrettes portant de l’eau.
Devant la gravité des incendies, la Commission Faré est créée et face au risque récurrent, on note que dans les régions où subsistent encore des champs de seigle, des pâturages de moutons, les feux sont moins contraignants face aux terres de monoculture sans défense et mal maitrisés par les incendies.

Avec la Seconde Guerre mondiale la forêt n’est plus entretenue, pillée par les Allemands qui se servent du bois pour alimenter les chantiers de l’Atlantique.
Le manque d’entretien favorise les feux des années 1940, dans la décennie de 1937-1947, 439 000 ha sont dévastés, soit le tiers de la pignada de Gascogne.
Le plus grand feu, celui de 1949, 50 000 ha disparus est demeuré dans les mémoires. L’incendie part d’une scierie de Saucats et envahit ciel et terre, 82 personnes meurent au coeur de cet incendie, faisant de ce récit l’incendie le plus meurtrier de France.

La tragédie de cet été va-t-elle modifier les codes de la gestion forestière en cours ?
On évoque des changements profonds pour y remédier, et la visite présidentielle récente inspire des décisions urgentes pour parer aux incendies possibles et à venir, toujours menaçants en cet espace sauvage, difficile d’accès et à risque constant face au feu.

2 – L’heure des bilans et des projets.

En une semaine les professionnels une surface équivalente à Paris et sa proche banlieue a disparu sous les cendres. Le président Macron en visite sur place a promis un grand chantier national pour replanter la forêt dévastée.
Faut-il replanter à l’identique, laisser la forêt se régénérer seule ou replanter d’autres essences en tenant en compte le changement climatique en cours ?
Les propriétaires publics et privés discutent de l’enjeu.

La méthode de reconstitution diffère entre l’ONF et les propriétaires privés de forêts. Selon les experts la régénération naturelle assistée pourrait être envisagée pour la forêt usagère tandis que les propriétaires privés ne doutent pas de l’opportunité de replanter les surfaces à portée industrielle.
La fonction première de cette forêt reste la production de bois d’oeuvre ou d’industrie, car cette essence semble la plus adaptée au climat et aux terres des Landes humides l’hiver et sèches l’été.

Un exercice porté par les forestiers depuis 1950 qui a porté ses fruits, même si la production ne représente qu’un vingtième des forêts françaises, elle représente le quart de la filière bois” souligne Christophe Plomion généticien et directeur de recherche à l’Inrae de Bordeaux – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’Alimentation et l’Environnement.

Il faudra évaluer les dégâts causés par le feu. Et réunir les moyens publics et privés pour la reconstitution.
Dans les Landes pour 10 000 ha de forêt, on estime les besoins de plants en pins maritimes à environ douze millions, chiffre donné par le généticien.
Cinq ans de travaux seront nécessaires pour y parvenir.

Un autre parasite pose problème. Le pullulement des scolytes, ces insectes qui dévorent les arbres fragilisés.
Une expérience déjà observée par le directeur de l’ONF des Pyrénées Atlantiques, Antoine de Boutray dans la pignada d’Anglet.
Les gardes forestiers se sont rendu compte qu’il fallait nettoyer la parcelle pour éviter la propagation de l’insecte avant toute replantation.

Une plus grande diversité d’espèces favorisant la biodiversité, face au réchauffement climatique, rapporte Sylvain Angerand ingénieur forestier et fondation de l’association de reforestation - Canopée forêts vivantes.
Une diversité d’essences permettrait-elle de ralentir la progression du feu?

L’ingénieur propose de “semer entre 20 et 30 % de chênes tauzin, une variété autochtone de la forêt landaise et de Gascogne.
L’ONF a déjà prévu de diversifier la pignada d’Anglet en introduisant un tiers de chênes lièges.
La présence de végétation sèche favorisant la propagation des incendies, il faudra repenser la composition et à plus court terme la structure des parcelles et leur accès.”

40 années seront nécessaires pour reconstituer cette forêt landaise et girondine. Et la faune et la flore qui ont disparu de ce biotope dénaturé par un feu dévastateur !
Difficile de ne pas partager l’émoi déjà connu à Anglet lors du feu de l’été, fin juillet 2020 de triste mémoire !

Répondre à () :

| | Connexion | Inscription