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Cinéma
La critique de Jean-Louis Requena
La critique de Jean-Louis Requena

| Jean-Louis Requena 798 mots

La critique de Jean-Louis Requena

« Été 85 » - Film français de François Ozon – 100’
Un jeune homme Alexis, 16 ans (Félix Lefebvre), menotté, escorté par un policier en tenue, parcourt un sous-sol labyrinthique avant de parvenir au bureau de son éducatrice (Aurore Broutin). Une voix off, celle d’Alexis, raconte l’histoire qui lui est arrivée en cet été 1985, en Normandie, dans la petite ville balnéaire du Tréport. 
Été 85 (100’) est un long flash-back (retour en arrière) : Alexis, adolescent maladroit, barre un petit dériveur, le « Tape Cul » au large du Tréport. Soudain un orage éclate. Il tente de manœuvrer le petit bateau qui, soudain, chavire : il tombe à l’eau et il tente désespérément de monter sur la coque quille en l’air. Paniqué, il appelle au secours. Il est entendu par le barreur d’un autre dériveur, le « Calypso », qui vient à son secours. David, 18 ans (Benjamin Voisin) son sauveur, bon navigateur, le ramène ainsi que son dériveur sur la plage du Tréport.

Alexis, un peu emprunté, et David, prolixe, font ainsi connaissance. David incite Alexis à prendre un bain chaud et à se changer, pour ne pas prendre froid, dans la grande demeure bourgeoise familiale. La mère de David, Madame Gorman, (Valeria Bruni Tedeschi) est tout aussi volubile et à l’aise que son fils. Un courant de sympathie s’établit entre Alexis quelque peu réservé, David et sa mère qui sont des commerçants prospères. Ils possèdent un grand magasin d’accastillages sur les quais du Tréport. Le père de David est mort, il y a quelques années de cela, il avait de grands projets …

Alexis, malgré son jeune âge, possède quelque talent littéraire suivant son professeur de français, monsieur Lefèvre (Melvil Poupaud) qui l’encourage dans cette voie. Alexis est hanté par la mort sous toute ses formes… Il est le fils unique d’une famille désargentée : madame Robin (Isabelle Nanty) est une femme de ménage, son père (Laurent Fernandez) un docker qui observe d’un mauvais œil son fils poursuivre des études littéraires qui, selon lui, ne mèneront à rien. Alexis devrait, à son âge, chercher un emploi sûr.

La relation entre Alexis indécis, tourmenté, et David tranchant, assuré de son charisme, prend rapidement une tournure plus intime. David - « bad boy » autoproclamé - prend l’ascendant sur le timide Alexis : une relation forte, quoique toxique, se noue entre les deux jeunes hommes que vient perturber une jeune estivante anglaise, Kate (Philippine Velge) …

Été 85 est le 19ème long métrage de François Ozon (52 ans) depuis son premier opus Sitcom (1998) soit un rythme étonnant, rare, pour un cinéaste exigeant, d’un film par an. Ce fait est d’autant plus remarquable que le réalisateur rédige également tous ses scénarios. Celui-ci est issu d’un roman anglais « La Danse du coucou » (Dance on My Grave d’Aidan Chambers) paru en français en 1983 et lu aussitôt par François Ozon, 16 ans, qui longtemps rêva d’en faire son premier film. Il a finalement attendu 37 ans et 18 longs métrages avant de tourner Été 85. La construction du scénario est méticuleuse : à l’intérieur du récit, narré selon le principe d’un grand flash-back en boucle, François Ozon injecte de courtes séquences en flashforwards (poussées en avant) « bousculant » de fait la linéarité convenue de l’histoire. Celle-ci, ainsi fragmentée gagne en complexité sur les attitudes et les conduites des deux jeunes protagonistes. Dans ce cadre, parfois François Ozon cède à son travers : l’autocitation de certaines de ses œuvres précédentes et la complaisance de certaines scènes trop appuyées qu’il enregistre puis garde dans le montage final.

Ces réserves mises à part, qui selon nous ralentissent le récit dans son dernier tiers, saluons la reconstitution minutieuse de l’époque (objets, vêtements, musiques, etc.), l’écriture visuelle soignée (cadrage, mouvement de caméra). Été 85 est photographié en super 16 mm pellicule (chef opérateur, Hichame Alaouié) qui donne aux couleurs pastels ce « grain » particulier que l’on trouve chez les « teen movies » sur l’initiation amoureuse : Un été 42 (1971) film américain de Robert Mulligan ou plus récemment Call Me by Your Name (2017) de Luca Guadagnino.

Dans Été 85, projet longtemps différé, François Ozon reprend ses thèmes de prédilection qu’il approfondit de film en film : les rapports de classe (dominant/dominé), le travestissement (bisexualité), le savoir donné ou reçu (maître/élève), l’amour et la mort (éros et thanatos).

Été 85 avait été sélectionné pour le dernier Festival de Cannes qui n’a pas eu lieu pour cause de Covid 19. Il est exploité en salles avec le label Festival de Cannes 2020. Il semblerait que le film soit retenu (sélection officielle ?) pour le festival de San Sébastian (18 au 26 septembre 2020) où François Ozon a déjà obtenu 3 récompenses : Prix spécial du jury pour Le Refuge (2009), Concha d’Or du meilleur film et Prix du jury pour le meilleur scénario pour Dans la maison (2012) et Prix Sebastiane pour Une nouvelle amie (2014).

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Fondeur Thaury marie-yvonne | 24/07/2020 10:54

Merci beaucoup et bravo pour cet article

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