Normandie, France. Blanche Renard (Virginie Efira) est une professeure de français passionnée par son métier. Elle est effacée, timide, tout le contraire de sa sœur jumelle, Rose (Virginie Efira !), jeune femme extravertie. Pour rompre son isolement, Rose l’incite a sortir de son cocon afin d’aller à une soirée. D’abord réservée, esseulée, elle y rencontre un ancien camarade perdu de vue : Grégoire Lamoureux (Melvil Poupaud). C’est le coup de foudre ; ils vivent un amour passionné, d’esprit et de corps. Grégoire a une belle situation dans une banque. Les parents de Blanche acceptent, sans réticence, le jeune homme. Très vite elle tombe enceinte. Que faire ? Garder l’enfant à naître ou non ? Sur l’insistance de Grégoire, ils décident de le garder et de se marier.
Grégoire lui annonce qu’il a été muté en Lorraine, à Metz, pour un poste de responsabilité qu’il ne peut pas refuser. Le couple déménage pour une grande maison sombre. Au soleil de Normandie, succède l’ombreuse Lorraine où Blanche demeure éloignée de ses proches, de sa sœur jumelle, Rose. Lors d’un échange entre son mari et un collègue, Blanche se rend compte que Grégoire lui a menti : ce n’est pas la banque qui l’a envoyé à Metz, mais Grégoire qui a demandé sa mutation.
Après la naissance de son premier enfant, une fille, Blanche trouve un poste d’enseignante dans un lycée de Nancy, ce qui déplait à Grégoire qui aurait préféré qu’elle reste à la maison. Grégoire devient de plus en plus possessif : il téléphone fréquemment à sa femme au lycée, à la maison ; il se formalise si elle ne répond pas immédiatement …
Grégoire contrôle de plus en plus la vie de Blanche. Ils ont un compte joint :tatillon, il surveille l’origine de ses dépenses … Un nouvel enfant nait, une fille… Grégoire qui a fait le vide autour de Blanche, tient des propos de plus en plus désagréables, humiliants, culpabilisants.
Blanche est harcelée et épuisée … Elle cherche une issue à cet enfer conjugal quotidien …
L’Amour et les forêts est le sixième long métrage de la réalisatrice Valérie Donzelli (50 ans) par ailleurs actrice et scénariste. Le script a été rédigé par elle-même, avec la collaboration de son amie Audrey Diwan (43 ans) également réalisatrice (L’Évènement, Lion d’or à la Mostra de Venise 2021). Le film a été adapté (librement) d’après l’ouvrage éponyme L’Amour et les Forêts (Edition Gallimard - 2014) d’Éric Reinhardt, prix France Culture – Télérama (2015 et meilleur roman français (ex-aequo) des Meilleurs livres de l’année du Magazine Lire. Très habilement, ce dernier s’est abstenu de participer à l’élaboration du scénario définitif, assez éloigné, par de nombreux aspects, de son roman originel. Il s’est évité, ainsi, de tomber dans le piège « classique », fatal, à tant de romanciers !
En 2010, Valérie Donzelli nous avait été révélée par son deuxième long métrage, inspiré de sa vie privée : La guerre est déclarée, grand succès (850.000 entrées France) sur un sujet douloureux (maladie de son jeune enfant).
A cette occasion, nous avions découvert un vrai talent de conteuse, adossé à une maîtrise du langage cinématographique, lequel fait tant défaut au cinéma français commun (les sempiternelles « comédies », mal écrites, médiocrement interprétées).
Dans son film, genre thriller domestique, Valérie Donzelli reconnait deux influences majeures : Rebecca (1940) premier long métrage du britannique Alfred Hitchcock (1899/1980) pour sa demeure sombre, déprimante ; Nous ne vieillirons pas ensemble (1972) du français Maurice Pialat (1925/2003) pour la construction du scénario à partir d’ellipses (ruptures de ton, discontinuité dans le récit) qui permet une approche diffractée, englobante, des personnages. Il y a pires exemples que ces deux maîtres du cinéma mondial.
Pour décrire la partie étouffante, anxiogène de l’histoire, Valérie Donzelli use de plans séquences qui renforcent le sentiment de malaise, d’inquiétude, du spectateur : nous sommes pris dans la toile tissée par Grégoire, un narcissique pervers. Son chef opérateur, Laurent Tanguy, est d’un apport capital dans sa mise en images (cadrage, palette de couleurs, etc.), tantôt aérée (les plages normandes), tantôt étouffante (la maison de Metz).
Les deux acteurs principaux sont épatants : Virginie Efira (Blanche et Rose sa sœur jumelle) en femme piégée dans une relation toxique ; Melvil Poupaud (Grégoire) dans une composition dérangeante d’homme obsédé, manipulateur, dangereux. Il est fort éloigné du monde éthéré (Conte d’été – 1996) d’Éric Rohmer (1920/2010), son premier rôle important au cinéma.
L’Amour et les Forêts a été présente au dernier Festival de Cannes en sélection officielle.