Dernière heure : Jean Grenet est décédé ce mardi matin 23 février à l'âge de 81 ans. Ses obsèques auront lieu vendredi prochain 26 février à 14h30 à la cathédrale de Bayonne. Nous connaissions le caractère hélas irrémédiable de sa maladie, la raison pourquoi nous avions publié l'article qui suit vendredi dernier dans « La Lettre du Pays Basque », soit quelques souvenirs personnels en guise d’hommage à l’ancien maire de Bayonne. R.I.P. Goian bego.
« Les Bayonnais l’appellent souvent par son prénom Jean, à la différence d’Henri son père que peu d’entre eux se seraient permis de nommer par ce prénom », constate le Père François-Xavier Esponde en ajoutant : « Il était l’un des leurs. Il le demeure toujours.
Chirurgien comme son père, un homme politique comme lui, le fils emboîta le profil de ce père qui fut en son temps, chirurgien, maire et député de Bayonne ».
Et de rappeler une carrière politique commencée en 1989 comme conseiller municipal, puis adjoint au maire (de son père) en 1993.
Mais l'abbé Esponde n’oublie pas « son métier de chirurgien à la clinique Paulmy fondée par son père, où il opère pendant des décennies. L’homme est avant tout proche des personnes avec qui il entretient un lien de confiance suivi.
Tôt le matin, le praticien opère ses malades venus de toute la région.
Cardiologue, Bernard Grenet, frère de Jean, complète le panel familial et médical de la famille.
Pour beaucoup de patients, il sera l’ami, le confident, le copain de jeunesse de ces sociétés bayonnaises qu’il chérit : l’Aviron, les Arènes, la pelote… Vêtu de blanc et rouge pour les fêtes de la ville, de blanc et bleu lors des compétitions rugbystiques, Jean porte l’uniforme des afficionados en tous genres et son coeur vibre aux évènements qui palpitent à l’unisson de tous ceux qui partagent ses passions ».
La Légion d’Honneur de Jean Grenet
Pour ma part, je me souviens avec émotion comment, entouré de sa famille et de la grande foule de ses amis rassemblés dans le merveilleux écrin des salons du château d’Arcangues, Jean Grenet avait reçu la Légion d’Honneur des mains du préfet de Pau Pierre André Durand, son petit-fils Antoine étant chargé de présenter le coussin avec la décoration. Et c’est d’ailleurs par des remerciements à Michel d'Arcangues, pour son accueil « chez lui, dans ce lieu chargé d'histoire » qu’avait débuté la réponse de Jean Grenet à son élogieuse biographie énoncée par le représentant de l’Etat.
Parmi la représentation nourrie du personnel politique de l’arrondissement, beaucoup d’élus étaient heureux de découvrir la demeure des marquis d’Arcangues, ce beau fleuron du patrimoine régional si remarquablement entretenu – centre vents et marées - par son heureux propriétaire.
Une allocution, non dénuée de franche simplicité mais chaleureuse, de l’ancien député-maire de la capitale du Pays Basque Nord, devenu récemment maire et député honoraire.
Simple et chaleureuse car, réservant une très large place à sa famille, à commencer par son père qui lui avait « demandé de figurer sur sa liste pour son sixième et dernier mandat » ; élu comme conseiller municipal en 1989, il fut adjoint à l'Urbanisme, puis premier adjoint, avant d’être lui-même, au décès d’Henri Grenet, élu maire pendant presque vingt ans et parlementaire pendant quinze ans après avoir été sollicité par Alain Lamassoure – empêché d’assister à la cérémonie à Arcangues – en tant que son suppléant aux Législatives en 1988 : « J'étais alors chirurgien et président de l'Aviron Bayonnais, bien loin de penser à une carrière politique », avouait Jean Grenet en précisant : « Nous avons dû faire un bon tandem, puisque nous avons été élus face aux favoris, Jean-Pierre Destrade et Nicole Péry. Tout s'est ensuite très vite enchaîné, toi devenant Secrétaire d'Etat aux Affaires Européennes et moi député en 1993 ». Elu maire en 1995, Jean Grenet se souvenait encore des dernières paroles que lui avait adressées son père, comme un message : « Il faudra que tu aies l'âme chevillée au corps ». Le nouvel élu essaya alors « d'être digne de cet héritage, en tentant d'insuffler de l'ambition à cette ville qui n'en manifestait plus beaucoup - Bayonne la belle endormie - disait-on »... Mais il peut l'avouer aujourd'hui, le choix entre la chirurgie et la mairie n'a pas été facile à prendre, « tant il aimait ce métier, la clinique, les patients, le personnel ».
Avoir été chirurgien et pris la suite de son père, chez lui, à Paulmy, c'est ce dont il reste le plus fier : « Là aussi, la voie avait été tracée par Henri Grenet, la chirurgie c'était un engagement, un véritable service public, ses maîtres mots : la compétence et la disponibilité ».
Et c’est encore avec beaucoup d'émotion que Jean Grenet remerciait sa famille, en premier lieu ses parents, sa première épouse, fille du grand Jean Dauger, alors qu’il n'était qu'un jeune externe des hôpitaux : « Nous avons construit cette belle famille de trois enfants, Hélène, Catherine et François qui nous ont offert quatre adorables petits enfants, Marie, Amélie, Antoine et Louise. Cette assise familiale m'a permis de trouver l'équilibre dont j'avais besoin ».
Et s’il avait perdu ses parents et ses sœurs, « il lui restait Dieu merci, Bernard et Pierre, ses deux demi-frères »… Et, depuis treize ans, Annabelle, sa seconde épouse, qui partageait désormais son travail et sa vie de député-maire.
Concluant que « l'âge de l'état civil et l'âge physiologique ne sont pas forcément les mêmes », Jean Grenet – citant Brassens qui chantait : « vieux sage pour les uns ou vieux con des neiges d'antan pour d'autres » - estimait « qu'on vieillit quand on n'a plus de projets » ! Et de rassurer son auditoire : « j'en ai beaucoup » !
Jean Grenet et la "question basque"
Je me souviens encore de la signature - il y a exactement dix ans, en 2011 - d’une convention de partenariat entre Bayonne et Saint-Sébastien : le maire donostiar de l'époque, Odon Elorza, accompagné de sa déléguée à la présidence Marisol Garmendia était l’hôte du Dr Grenet épaulé, pour sa part, de l’adjoint à la culture Me Jean René Etchegaray. Les deux élus donostiar s’étaient déjà rendus à Bayonne cinq ans auparavant afin de concrétiser le projet d’Eurocité et étudier la rénovation du Théâtre municipal et du Musée Basque, ainsi que les parkings avec leur système de navettes gratuites vers le cœur de ville. Mais cette fois, il s’agissait vraiment de « potentialiser le développement en vue d’un enrichissement mutuel » : la renaissance du Museo San Telmo alors que le Musée Bonnat entrait dans une phase de refonte totale - "pour trois ans", affirmait-on en 2011 !) mais aussi la programmation de la Scène Nationale « qui est très demanderesse », précisait Me Etchegaray, ajoutant que le label « Ville d’Art et d’Histoire » que Bayonne venait d'obtenir « supposait également une démarche transfrontalière ».
Mais en dehors même de ces relations de bon voisinage "inter-basques", et selon une "évolution" certaine par rapport à l'attitude de son père, Jean Grenet affichait un nouveau positionnement (il s'était déclaré en faveur de la création d'un département basque) qu'il expliquait par son écoute de la jeunesse : “J’ai deux petites filles, qui vivent au Pays Basque intérieur et passent le Bac. Je me rends compte, en discutant avec elles et leur entourage, que le désir de reconnaissance, et d’un pouvoir de proximité, est plus affirmé. Soit on est un vieux con rigide, soit on écoute cela”.
Jean Grenet disait également "constater qu’au Conseil général des Pyrénées-Atlantiques, la prise en compte de la “bicéphalité” du département (Béarn/Pays Basque) ne s’effectuait plus aussi bien depuis l’arrivée au pouvoir de la gauche lors des cantonales en cette même année 2011. Rappelons qu'effectivement, entre les deux tours de ces élections, le secrétaire fédéral (béarnais) du PS, Pierre Chéret, avait affirmé qu’Hollande était contre cette reconnaissance qui ne figurait d’ailleurs pas dans son programme.
Quant à la langue basque, Jean Grenet avait déposé deux propositions de loi afin de faire inscrire la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution : "nous avons été battus chaque fois par les deux extrêmes, à gauche et à droite. Si je suis réélu (aux législatives en 2012, ndlr.), je suis prêt à déposer une troisième proposition, aussi bien pour le basque, que le gascon, l’alsacien ou le corse".
Enfin, à titre personnel, je lui suis reconnaissant pour la préface qu'il signa pour mon ouvrage "Vol au-dessus de Bayonne"...