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Tradition
Jean Chrysostome
Jean Chrysostome

| François-Xavier Esponde 1401 mots

Jean Chrysostome

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Jean Chrysostome fêté le 13 septembre ©
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Surnommé “Bouche d’or”, redoutable et redouté tribun, l’homme a acquis une réputation dérangeante pour ceux qui gouvernent l’Empire romain oriental et trouvent en ce sujet un importun public.

Nous sommes à Antioche en Syrie en octobre 397 “aux chapelles des martyrs” où le gouverneur l’a prié de se rendre, le prêtre Jean est accompagné par des gardes depuis sa ville natale vers Constantinople capitale de l’empire romain oriental.
Personnalité appréciée et crainte à la fois, il rappelle Jean le Baptiste en d’autres temps !
L’Empereur s’interroge à ce sujet, mais pour quelle raison veut-il le voir ?

Connu pour ses prêches enflammés, écoutés par le peuple avec intérêt, les sujets impériaux y trouvent plus de contenu que bien des discours guerriers des acteurs, bourgeois et “demi-chrétiens”, confondus par Jean dans leurs contradictions publiques, ou leurs compromissions.
Il dérange donc depuis son ordination en 386, et le prêtre ne se range guère dans le politiquement correct de sa conduite, doté “d’une langue coupante plus que celle de l’épée à deux tranchants”, il pourfend les autocrates de son entourage et défend les petits Lazare du royaume.
Le prêtre Jean est - comme nombre de convertis de l’évangile - radical dans la ville même où pour la première fois “les disciples du Christ ont reçu le nom de chrétiens” Acte 11-26.
Comme bien souvent en Orient, ses amis et ses pires adversaires se reconnaissent et se divisent entre eux.

Arrivé à Constantinople, le voilà propulsé par la vox populi au Siège d’évêque de la Seconde Rome de l’Eglise, la plus ancienne, mais non propre à faire de l’ombre à la première, celle de la capitale de l’Empire.

Chrysostome a gagné en grec le surnom posthume de “bouche d’or”, ses propos rapportés déjà sur des parchemins se sont répandus dans l’empire oriental tout entier, sur la réputation gagnée à ce prédicateur hors norme.
Il sera le premier évêque d’Orient et prédicateur officiel de la Cour Impériale, plus tard futur Docteur de l’Eglise !
On le voudrait soumis, obligé de sa hiérarchie militaire, mais chez Bouche d’Or, la production ne tarit jamais, avec plus de 250 homélies sur les 800 qui semblent avoir existé, mais donc nombre ont été détruites.

Jean, le prêtre de l’Orient, et Paul de Tarse, le grec et le juif sont faits du même bois, brûlent du même feu, allumé à la Parole de Dieu.
Jean n’est pas seulement un amateur de la Bible. Il la connaît, la commente et en vit.
Une tradition érémitique si particulière à l’Orient d’hier à aujourd’hui fait grandir dans le désert monastique des vocations singulières comme la sienne, nourries de la Bible, des psaumes et de silence comme ce fut le cas pour le prêtre Jean retiré pendant des années dans les montagnes de Syrie, là où il avait pris conscience de la nécessité d’embrasser la Bible et de la faire partager par ses contemporains, davantage férus de sagesse philosophique que de lecture spirituelle du Livre Saint d’Israël.

Les échos de ses sermons sont toniques, peu habituels de la part d’un supérieur ecclésial souverain de son rang.
Citons par exemple cet extrait adressé à quelque interlocuteur, en sa langue grecque, “ton chien est repu et le Christ est dévoré par la faim”... une invite à réviser la charité des possédants pour des manants subordonnés.

La vie sobre et monastique de Jean est partagée au palais épiscopal par ses sujets. Sa sollicitude pour les plus pauvres, humbles et obligés lui vaudra d’avoir nombre d’amis parmi les plus modestes qui l’appellent - Jean l’Aumônier - au milieu de ceux qui le détestent ouvertement et redoutent ses saillies verbales !
Ainsi de l’évêque d’Alexandrie et de l’Impératrice Eudoxie dont il dénonçait les excès et les libertinages.
Hérodiade est à nouveau furieuse, elle aurait demandé une fois encore la tête de Jean”, se serait-il écrié avec la même liberté de ton d’un acteur sans peur, sans soumission à un nouvel Hérode potentat.

Cependant le destin semble dessiné pour lui. Il est trop dérangeant.
En 404 le voilà déposé, envoyé en exil en Arménie, puis aux extrêmes de la Mer Noire que l’histoire remémore en ces temps de guerre.
Destination qu’il n’atteindra jamais, déporté mort sur le chemin de l’exil le 14 septembre 407, rapportant selon ses témoins le propos de sa part, “QUE DIEU soit glorifié en toutes choses” jusque par la médiocrité de ceux qui l’envient, le déroutent ou l’écartent.

Il y a entre Paul de Tarse et Jean de Syrie une parenté immense.
Jean le prêtre de Constantinople fait dire par la bouche du chrétien, le pouvoir de la parole divine unique que l’esprit accorde à chaque croyant, comme autant de cordes vocales esthétiques et spirituelles à la disposition de la vie personnelle.

Citons encore ce propos savoureux de Bouche d’Or : Pourquoi en relâchez vous les cordes et les amollissez vous par la volupté, de manière à rendre la lyre entière inutile pour vous quand il faut tendre ses cordes, les rendre sonores et les resserrer par le sel spirituel ?
Si le Christ fait entendre des sons, l’esprit arrivera infailliblement et nous serons au dessus du ciel, puisque le maître du soleil, de la lune et des anges habitera et agira en nous”..

Délicieux, inspiré et sublime commentaire de l’Epitre aux Romains, cité dans le texte qu’il n’est pas permis de transgresser ni de détourner de sa source tant Bouche d’Or est exceptionnel dans son charisme, ses libertés et ses audaces spirituelles!
Mais dérangeant.

Note de la rédaction : il nous a paru utile de publier ci-dessous la célèbre homélie de Saint Jean Chrysostome lue dans les églises orthodoxes russes pendant l’office des Vigiles pascales 

Que tout homme pieux et ami de Dieu jouisse de cette belle et lumineuse solennité. Tout serviteur fidèle, qu’il entre avec allégresse dans la joie de son Seigneur. Celui qui a porté le poids du jeûne, qu’il vienne maintenant toucher son denier. Celui qui a travaillé depuis la première heure, qu’il reçoive aujourd’hui le juste salaire. Celui qui est venu après la troisième heure, qu’il célèbre la fête dans l’action de grâce. Celui qui est arrivé après la sixième heure, qu’il n’ait aucun doute, il ne sera pas lésé. Si quelqu’un a tardé jusqu’à la neuvième heure, qu’il approche sans hésiter. S’il a traîné jusqu’à la onzième heure, qu’il n’ait pas honte de sa lenteur, car le Maître est généreux, il reçoit le dernier comme le premier ; il accorde le repos à l’ouvrier de la onzième heure comme à celui de la première. Il fait miséricorde à celui-là, et comble celui-ci. Il donne à l’un, il fait grâce à l’autre. Il accueille les œuvres, il apprécie le jugement ; il honore l’action et loue l’intention. Aussi, entrez tous dans la joie de notre Seigneur. Premiers et derniers, recevez le salaire.

Riches et pauvres, chantez en chœur tous ensemble. Les vigilants comme les nonchalants, honorez ce jour. Vous qui avez jeûné, et vous qui ne l’avez point fait, réjouissez-vous aujourd’hui. La table est prête, mangez-en tous ; le veau gras est servi, que nul ne s’en retourne à jeun. Jouissez tous du banquet de la foi. Que nul ne déplore sa pauvreté car le Royaume est apparu pour tous. Que nul ne se lamente sur ses fautes, car le pardon s’est levé du tombeau. Que nul ne craigne la mort, car la mort du Sauveur nous a libérés. Il a détruit la mort, celui qu’elle avait étreint. Il a dépouillé l’enfer, celui qui est descendu aux enfers. Il l’a rempli d’amertume, pour avoir goûté de sa chair. Isaïe l’avait prédit en disant : "l’enfer fut rempli d’amertume lorsqu’il t’a rencontré" ; rempli d’amertume, car il a été joué ; bouleversé, car il fut mis à mort ; bouleversé, car il fut anéanti. Consterné, car il saisit un corps et trouva un Dieu. Il prit de la terre et rencontra le ciel. Il saisit ce qu’il voyait, et tomba sur celui qu’il ne voyait pas. O mort, où est ton aiguillon ? Enfer, où est ta victoire. Le Christ est ressuscité et tu as été terrassé. Le Christ est ressuscité et les anges sont dans la joie. Le Christ est ressuscité et voici que règne la vie. Le Christ est ressuscité, et plus un mort au tombeau, car le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis. A lui, gloire et puissance dans les siècles des siècles. Amen.

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