La disparition - il y a deux mois - de Jakes Abeberry, cet extraordinaire « jauna » du monde basque, ancien adjoint à la culture de Biarritz à qui nous devons la venue du Ballet Malandain ainsi que la création d’un Centre chorégraphique national et du Festival « Le Temps d’Aimer », nous donne l’occasion de rappeler ces extraordinaires féeries du Marquis de Cuevas qui enchantaient Biarritz dans l’immédiat après-guerre.
Car Jakes Abeberry se rappelait avoir promené sa curiosité « dans les coulisses du Casino municipal où répétaient la troupe Cuevas, avec Skibine et le maître de ballets Bronislava Nijinska ». Le contact avait été établi dès 1951 au batzoki d’Oldarra, rue Duler, où les solistes du marquis « succombaient au charme de l’Izarra vert… »
Le président de Biarritz Culture m’avait confié que « la nostalgie des Ballets de Cuevas, la seule grande compagnie privée, avec six ou sept grandes étoiles de la danse, dont Nouréev lors de sa fuite d’URSS, qui s’installait chaque été en septembre et octobre dans une aile du Casino municipal pour y montrer ses créations » l’avait inspiré au début du festival « Le Temps d’Aimer ».
« Il s’agissait de recréer un public pour la danse ; à présent, toutes les grandes troupes sont passées par Biarritz, ce qui a motivé le ministère de la Culture pour l’implantation à Biarritz du Centre chorégraphique national avec Thierry Malandain ».
L’époque où l’on donnait le premier coup de pioche en vue de la future annexe biarrote du Conservatoire régional à l’initiative de Jakes Abeberry : en plus des salles de musique destinées aux 380 élèves musiciens de la ville, on prévoyait trois belles salles totalement équipées pour l’enseignement supérieur de la danse, un outil de niveau national qui devrait attirer de grands artistes : « un projet cohérent, dans la lignée de l’action du Marquis de Cuevas et de ses célèbres ballets ! », concluait alors Jakes Abeberry.
Il y a 70 ans, la grande féerie des Ballets Cuevas
Pour en revenir au Marquis de Cuevas, le succès fulgurant de ses extraordinaires ballets, point culminant des arts et des fêtes sur la Côte Basque et œuvre de mécénat en faveur de la restauration du château de Versailles, illustrait les scènes de théâtre des plus grandes étoiles de la danse classique : Rosella Hightower, impeccable de sûreté, et l’étourdissant, l’aérien Serge Golovine, dans le « Pas de deux » de Tchaïkovsky, Jacqueline Moreau et Wladimir Skouratoff dans une composition espagnole, véritable festival de l’art chorégraphique de Pépita à Fokine, Massine ou Balanchine.
Et c’est autour du lac de Chiberta, le 1er septembre 1953, qu’il avait donné un des plus éblouissantes spectacles qu’ait jamais connu la Côte Basque.
Habillé de treillages et de fleurs, le Country-Club de Chiberta se métamorphosa en palais Louis XV. Une double rangée de laquais en habit rouge et perruque blanche accueillait les deux à trois mille invités en costumes du XVIIIème siècle ! Au son des trompettes, le Marquis de Cuevas, en costume d’or, coiffé d’un chapeau orné de plumes d’Autriche apparaissait. Le spectacle pouvait alors commencer…
Au rythme de la musique de Tchaïkovsky, venaient ensuite les danseurs qui traversèrent le lac de Chiberta sur un radeau bordé de cygnes en interprétant « le Lac des cygnes ». L’ineffable Marquis Guy d’Arcangues dirigeait les répétitions.
Parmi les célébrités, Gabrielle Dorziat, Zizi Jeanmaire, Anabella, le duc de Brissac, la comtesse de Castries, le prince Michel Ghika et combien d’autres sommités participaient avec enthousiasme à cette féerie.
Tard dans la nuit, la soirée se terminait et les derniers invités encore éblouis rejoignaient les bras de Morphée. Le marquis de Cuevas et son épouse regagnaient leur belle demeure de Biarritz.
Il me reste la médaille que recevait chaque invité, au nombre desquels, ma tante Sophie de R. de La Cerda, ainsi que ma grand-mère maternelle, qui me l’avaient transmise…
On peut revoir le reportage qui avait été tourné à cette occasion :
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe85005243/le-bal-du-marquis-de-cuevas